Comme vous le savez, chers collègues, ce compte d'affectation spéciale (CAS) constitue aujourd'hui le vecteur budgétaire interministériel de la politique immobilière de l'État. À ce titre, il prend en charge les dépenses relatives à plusieurs types d'opérations – d'entretien, en fonctionnement, en investissement ou en vue de cession – qui portent sur des biens de son patrimoine immobilier ou qui figurent à son bilan. Relèvent également de son périmètre, jusqu'au 31 décembre 2019, les dépenses d'investissement ou d'entretien du propriétaire réalisées par l'État sur les infrastructures opérationnelles de la défense nationale.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 prévoit d'affecter au CAS la somme de 581,70 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 483 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances pour 2018, les crédits demandés reculent de 25,42 % en AE et de 16,97 % en CP. Ce mouvement – nettement plus accentué que l'évolution constatée entre 2017 et 2018 – correspond à la réduction des crédits affectés aux opérations structurantes et de cession. Cela étant, en dehors de l'action 14 relative aux travaux de gros entretien, de réhabilitation de mise en conformité et de remise en état, la baisse des crédits affecte l'ensemble des postes de dépenses.
Quant aux recettes, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit un montant global de 410 millions d'euros : 320 millions d'euros provenant du produit des cessions ; 90 millions d'euros au titre des redevances domaniales. Ce recul de 29,52 % des ressources du CAS par rapport aux prévisions de la loi de finances en cours d'exécution résulte exclusivement de la chute du produit attendu des cessions immobilières, en retrait de 34,92 %. Dans ces conditions, le CAS devrait accuser un déficit de 73 millions d'euros en 2019. On rappellera que la programmation 2018 reposait sur le retour à un solde nul, après le résultat de - 83,91 millions d'euros constaté au terme de l'exercice 2017.
En eux-mêmes, ces chiffres ne mettent pas en cause la pertinence de la programmation budgétaire 2019. En revanche, ils doivent nous alerter. En effet, ils mettent en lumière une réalité perceptible depuis plusieurs exercices et dont l'examen de la loi de règlement 2017 a montré l'acuité ; je parle ici des limites d'un modèle qui fonde le financement de l'entretien du patrimoine par la cession de ses actifs. De fait, au vu des premiers résultats de l'exécution 2018, le produit tiré des ventes va poursuivre son érosion : alors que la prévision inscrite en loi de finances initiale portait sur 491,7 millions d'euros, le produit attendu pour l'ensemble de l'exercice 2018 devrait se limiter à un montant compris entre 300 et 350 millions d'euros.
Dans une certaine mesure, l'heure des choix approche alors que, par ailleurs, la politique immobilière de l'État s'affermit.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la communication du Conseil des ministres du 20 janvier 2016, la gestion des actifs immobiliers de l'État et de ses opérateurs gagne en efficacité. L'élaboration des schémas directeurs régionaux touche à sa fin. Au 31 juillet 2018, quatorze régions sur dix-huit ont adressé un projet à la direction de l'immobilier de l'État, qui a souligné la qualité du travail fourni. Celui-ci devrait aboutir à une stratégie patrimoniale permettant de distinguer les actifs ayant vocation à demeurer dans le patrimoine de l'État.
Les progrès de la politique de renégociation des baux rendent crédible le maintien d'un objectif d'économies de 40 millions d'euros en 2018. La refonte de la maquette budgétaire, avec la création d'un programme 723 regroupant les crédits du CAS pour les services centraux mais aussi déconcentrés, semble aujourd'hui donner satisfaction en favorisant la mutualisation des crédits.
Sur le plan de l'allégement des procédures, je crois qu'il convient également de se féliciter de la suppression des loyers budgétaires dans le PLF 2019. De fait, ce dispositif donnait lieu à des jeux d'écriture qui mobilisaient les services sans nécessairement contribuer à une prise de conscience de la valeur patrimoniale des biens occupés. Cela étant, la juste valorisation des actifs immobiliers au bilan de l'État demeure un enjeu fondamental. Cela suppose que nous réfléchissions à un mécanisme d'intéressement susceptible d'inciter les occupants à préserver les actifs dont ils ont l'usage.
Il importe de consolider les acquis de la politique immobilière de l'État et de garantir la viabilité de son financement. Le PLF 2019 contribue à ces objectifs en ce qu'il accorde la priorité aux actions de gros entretien, de réhabilitation ou par l'attention nouvelle accordée aux enjeux des cités administratives, objet du programme 348. C'est la raison pour laquelle je vous appellerai toute à l'heure à voter en faveur de son adoption.
Cependant, nous pouvons faire oeuvre utile en incitant le Gouvernement, par deux amendements que je vous propose, à répondre à deux exigences.
La première est la préservation des recettes du CAS. Je défendrai un amendement tendant à mieux encadrer le recours à la décote sur les prix de cession des biens immobiliers de l'État à des collectivités, établissements ou opérateurs qui, par ailleurs, disposent de réserves foncières.
La seconde exigence a trait aux modalités de valorisation du patrimoine public. Vous l'aurez compris, je ne crois pas que la cession constitue l'alpha et l'oméga pour atteindre cet objectif. Au contraire, elle me semble plutôt participer à une forme d'appauvrissement. La direction de l'immobilier de l'État affirme mener depuis plusieurs mois une réflexion sur des modes alternatifs de valorisation du patrimoine. Sans mésestimer l'ampleur de la tâche, je propose que les pouvoirs publics mettent en commun cette expertise avec un rapport du Gouvernement qui évaluera les dispositifs envisageables en l'état du droit.