Concernant la mission « Justice » en général, je voudrais commencer par faire part de la déception de La France insoumise quant à l'écart entre les annonces et la réalité ou du moins les éléments dont nous disposons sur le budget. En effet, on se rend compte après analyse qu'avec l'inflation et l'augmentation de la population, le budget de la mission « Justice » n'augmente que de 2,5 % au total, dont 0,35 % pour les crédits de personnels. Concernant le recrutement, cela a été évoqué, seuls 100 emplois de magistrat sont prévus pour 2019, et 92 pour le renforcement des équipes. C'est insuffisant, puisque les postes vacants étaient estimés à 1 000 par l'Union syndicale des magistrats fin 2016. Des annonces sont faites, sans pour autant ouvrir des postes en conséquence au concours.
Il a également été rappelé que la France occupe le 37e rang sur 41 au regard de la part du budget de la justice dans le produit intérieur brut (PIB). Elle compte quatre fois moins de procureurs que la moyenne européenne et 2,2 fois moins de juges par habitant. Ces chiffres montrent le décalage entre les annonces et la réalité des moyens, malgré les augmentations engagées depuis des années. C'est un décalage que nous regrettons. Il faut se doter des moyens d'une justice véritablement au service du peuple et de la population, qui puisse s'exercer dans de bonnes conditions matérielles comme en termes de formation.
Je vais centrer mon propos sur deux points. Le premier est le choix effectué dans ce budget, qui porte principalement sur l'incarcération et la construction de nouvelles prisons. En dépit d'un certain nombre de vos propos que nous pouvons saluer, c'est une philosophie que nous ne partageons pas. Dans les faits, l'essentiel de l'augmentation servira à construire plus de prisons et plus de places de prison. Pour nous, cela va à l'encontre de ce qu'il faudrait faire, en l'occurrence une désinflation carcérale. Nous aurons ce débat, y compris lors de l'examen du projet de loi de programmation. Nous verrons comment il est possible de renverser la vapeur, y compris en matière de procédure pénale. Mais dans les faits, votre budget et les moyens qu'il prévoit vont dans le sens de toujours plus de places de prison. Ce n'est pas le sens des annonces qui ont été faites quant aux moyens qui seraient dédiés à la diversification des alternatives à l'incarcération et la prison.
On observe aussi, selon nos calculs, une baisse des placements à l'extérieur d'environ 14 % par rapport à 2017. Une baisse est également constatée concernant l'accompagnement en prison et les associations sportives et culturelles au sein des lieux de détention. Encore une fois, en dépit des annonces, ce budget et cette politique s'inscrivent dans ce qui est malheureusement effectué depuis des décennies dans notre pays : plus de prisons et d'incarcération, y compris dans les conditions que l'on sait et sans remise en cause de la philosophie générale de la justice ni de la place de l'incarcération.
Mon dernier point concerne les partenariats public-privé (PPP), dont la Cour des comptes a souligné le coût. Heureusement, il a été décidé d'y mettre un terme pour la justice, mais le budget qui nous est présenté est incomplet et insincère puisque, dans sa note d'exécution, la Cour des comptes rappelait que plus de 6,6 milliards d'euros en AE au titre des PPP n'étaient pas budgétés en 2017 pour cette mission. L'ont-ils été depuis ? Il semble que non, car en 2017 les AE représentaient 10,8 milliards d'euros, et seulement 9,03 milliards dans le PLF 2019. À combien s'élève désormais ce coût, qui entache manifestement le budget de la mission puisque les AE représenteraient 40 % du total ? Il nous semble qu'il faut désormais, pour les constructions futures mais aussi actuelles, envisager de rompre ces contrats qui constituent un surcoût absolument démesuré – outre le fait que La France insoumise est, en général, opposée au développement des PPP ?