Intervention de Zivka Park

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaZivka Park, rapporteure pour avis :

Madame la présidente, mes chers collègues, le transport aérien a pleinement surmonté la crise des années 2008-2010 et assoit sa croissance sur la mondialisation des échanges. Depuis des années, son taux de croissance mondial frôle les 7 % et le trafic aérien mondial double tous les douze ans.

En 2017, 4 milliards de passagers ont été transportés. D'ici une quinzaine d'années, on estime que 8 à 9 milliards de personnes – l'équivalent de la population mondiale – prendront chaque année un avion. Les aéroports investissent et des milliers d'emplois sont créés ; les écoles de pilotage recrutent, les constructeurs aéronautiques engrangent les commandes : leurs carnets de commandes sont parfois pleins sur dix ans.

Comme je l'ai dit lors de l'audition du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, c'est une excellente nouvelle sur le plan économique. Mais face aux nuisances engendrées par ce secteur d'activité, grand consommateur d'énergie fossile et acteur du réchauffement climatique, cette croissance sans limite ne manque pas de nous interroger.

Le transport aérien français doit faire face à un certain nombre de défis. Les tensions sociales et le conflit salarial au sein de notre compagnie nationale semblent avoir trouvé un dénouement avec l'arrivée d'un nouveau président-directeur général (PDG). Il faut espérer que son plan de relance connaîtra le même succès.

La privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP) a suscité de nombreuses réactions. Pourtant, le dispositif encadrant la cession des parts de l'État est efficace : il est assorti de garanties essentielles qui devraient tous nous rassurer. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Cette année a par ailleurs été marquée par la tenue des Assises du transport aérien, dont les conclusions sont imminentes et attendues, notamment en matière de performance environnementale – réduction des émissions de gaz et des nuisances sonores.

La sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union européenne le 29 mars 2019 sera un défi et ne se fera pas sans difficulté pour nos constructeurs aériens.

Sur un plan purement national, en 2019, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) continuera à participer à l'effort national de réduction du déficit public, en poursuivant sa trajectoire de désendettement : après plusieurs exercices déficitaires, l'année 2013 avait marqué une amélioration du résultat d'exploitation avec un premier excédent. Cette tendance à l'assainissement s'est confirmée depuis et se poursuivra en 2019. Le solde d'exploitation devrait s'élever à 364 millions d'euros, entièrement consacrés au désendettement et à l'investissement. L'endettement, qui avait atteint le niveau record de 1,3 milliard d'euros en 2014, s'établit à 804 millions d'euros : cette diminution de 40 % de la dette en cinq ans est assez exceptionnelle.

Parallèlement, le niveau des taxes et des redevances continuera à diminuer, conformément aux mécanismes définis par le Ciel unique européen : ainsi, le taux de la redevance de route baissera de 4,2 %, pour le plus grand bénéfice des compagnies aériennes. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) nous a indiqué que la France présente l'un des taux de redevance de route les plus bas d'Europe de l'Ouest : son niveau aura baissé de plus de 13 % entre 2015 et 2019. En outre, la redevance pour services terminaux a diminué de 20 % en 2017 et elle restera stable en 2019.

Le PLF 2019 poursuit également des objectifs d'économies structurelles : tout en sanctuarisant les dépenses à caractère opérationnel, la DGAC diminuera ses dépenses de fonctionnement pour la cinquième année consécutive. Cela mérite d'être salué, le montant de cette baisse étant directement affecté au désendettement.

Ces mesures d'économie trouvent toutefois leurs limites. C'est ainsi que la subvention que la DGAC verse chaque année à son opérateur, l'École nationale de l'aviation civile (ENAC), se stabilisera à hauteur de 95 millions d'euros. Cette somme, de 100 millions d'euros il y a quelques années, a subi une lente érosion mais doit maintenant être stabilisée.

Le budget pour 2019 se traduira également par le maintien d'un haut niveau d'investissement qui permettra d'une part aux services de navigation aérienne de se conformer aux exigences fixées par le deuxième plan de performance européen (RP2) tout en préparant la relance des investissements pour le troisième plan de performance et, d'autre part, de faire face aux nécessaires dépenses liées aux enjeux en matière de cybersécurité.

Grâce à la bonne santé du transport aérien, et donc de la DGAC, les investissements seront autofinancés à hauteur de 80 % en 2019, contre seulement 65 % en 2018.

En 2019, les effectifs de la DGAC enregistreront une quasi-stabilité. Dans un contexte de forte hausse de l'activité aérienne, malgré une réelle amélioration de la productivité, la réduction du nombre d'agents trouve ses limites : la DGAC a perdu 11 % de ses effectifs en une dizaine d'années, alors que le trafic aérien a presque doublé sur la même période.

Je voudrais d'ailleurs attirer votre attention sur la situation des contrôleurs aériens : la baisse continue des effectifs de cette catégorie de personnels, autant en France que dans les pays voisins, a abouti à une dégradation du service rendu et à une augmentation des retards. C'est probablement en Allemagne que la situation est la plus dégradée avec cinq cents vols déroutés quotidiennement vers les pays voisins au cours de l'été dernier ! Mais la situation n'est pas plus brillante dans notre pays, qui a également détourné vers ses voisins nombre de vols que ses contrôleurs n'étaient pas en mesure de gérer. Les grèves survenues dans certains centres n'ont pas arrangé la situation.

La DGAC s'est d'ores et déjà lancée dans un programme de recrutement de quatre-vingt-dix contrôleurs par an. Mais la formation de ces personnels est longue et l'effet de ces recrutements ne se fera pas sentir avant quelques années. À court terme, les instructeurs qui seront affectés à la formation des nouveaux agents feront défaut aux équipes opérationnelles…

Comme vous le savez, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), que nous avons adopté le 9 octobre dernier, autorise le Gouvernement à lancer le processus de privatisation d'Aéroports de Paris. Paradoxalement, compte tenu de la rédaction rigoureuse du projet de loi, les pouvoirs de contrôle de la DGAC sur l'exploitant aéroportuaire devraient sortir renforcés de ce processus de privatisation.

Certes, l'administration ne disposera plus de l'outil de dissuasion que constituait la possibilité de révocation du PDG de la société, mais il avait rarement été utilisé. En revanche, elle aura un droit de regard sur la nomination des principaux directeurs d'ADP et pourra en exiger la révocation. Ce droit de regard s'exercera sur les directeurs géographiques des aéroports de Roissy Charles-de-Gaulle (CDG), d'Orly, du Bourget, mais aussi de tous les aéroports secondaires d'Île-de-France – Toussus-le-Noble, Lognes, Saint-Cyr, etc. Ces derniers sont peu connus mais très actifs.

Ce pouvoir de révocation concernera aussi les directeurs de la sécurité, de la sûreté, de l'ingénierie, ainsi que tous les postes sensibles de cette société gestionnaire d'aéroports internationaux. Le directeur général de l'aviation civile souligne que son administration pourra désormais peser sur ces postes, ce qui n'est actuellement pas le cas.

Par ailleurs, la DGAC aura aussi son mot à dire en matière d'investissement. Elle pourra s'opposer à des investissements qui lui paraîtraient trop dispendieux ou inopportuns. Elle pourra interdire des cessions foncières. A contrario, l'État pourra également imposer des investissements de capacité, comme c'est aujourd'hui le cas pour les aéroports de province déjà privatisés.

La principale difficulté consistera à fixer un prix de vente, sachant que les transactions concernant des biens de cette valeur ne sont pas fréquentes. Le choix de la méthode de vente, la sélection du ou des acheteurs, la bonne exécution de la transaction constitueront autant de défis à relever.

Pour conclure ma présentation, je voudrais insister une fois de plus sur la nécessité de poursuivre sans relâche la lutte contre les nuisances, afin que le transport aérien soit mieux accepté du plus grand nombre. Actuellement, des propositions sont à l'étude au sein des services de la DGAC. Nous ne pouvons que l'encourager à présenter et mettre en oeuvre des solutions accélérant l'insonorisation des habitations des riverains des aéroports. Pour rappel, les délais de traitement des dossiers de demande sont actuellement de quatre à cinq ans. C'est loin d'être optimal… En outre, en l'état des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), il faudra vingt ans pour insonoriser l'ensemble des habitations autour de Roissy !

De même, les constructeurs participent à la réduction des nuisances en mettant au point des avions toujours moins bruyants et moins gourmands en carburant, mais le renouvellement de la flotte est lent.

Depuis plusieurs années, les associations de riverains demandent la mise en place de nouvelles procédures d'approche des aéroports. Il s'agit principalement de la descente en continu, qui évite les bruyantes remises de gaz, ainsi que du regroupement des faisceaux de trajectoires des avions sur un seul tracé à l'approche des aéroports – afin de passer de la dispersion à la concentration. La plupart des observateurs, pas seulement dans le monde associatif mais aussi parmi les acteurs institutionnels, considèrent que l'adoption de ces deux mesures, facilitée par les moyens modernes de guidage, comme le programme Single European Sky ATM Research (SESAR) – nouveau système européen de gestion du trafic aérien –, permettrait de réduire de manière appréciable les nuisances sonores.

Il importe donc de poursuivre nos efforts dans le double objectif de réduire les nuisances et de mieux faire accepter le développement du transport aérien sur nos territoires. Pour autant, il faudra faire attention à ne pas faire accepter l'inacceptable, comme je l'ai souvent entendu.

En conclusion, je donnerai un avis très favorable à l'adoption des crédits relatifs au transport aérien du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

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