Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Nous cherchons ici à utiliser et répartir au mieux l'argent public, mais une partie de cet argent public échappe au contrôle. Je fais ici référence à la « boîte noire » qu'est l'AFITF, mystérieux acronyme pour l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, et son non moins mystérieux fonctionnement sur lequel j'aimerais attirer votre attention.

Il est intolérable que les parlementaires soient amenés à voter des crédits sans avoir aucune connaissance des projets qui seront financés, ou non, par l'AFITF ni à quelle hauteur. Nous faisons un chèque en blanc ! Pour preuve, le projet annuel de performance indique : « Il est précisé que les montants de fonds de concours attendus de l'AFITF constituent une estimation, le budget initial de l'établissement n'étant pas élaboré à la date de rédaction du présent Projet annuel de performance ». Nous devrions avoir un droit de regard sur l'affectation de ces fonds de concours. Qu'ils financent les lignes à grande vitesse ou le développement des transports collectifs, l'analyse et la critique diffèrent sensiblement.

J'aborderai ensuite la politique de conversion du parc automobile au tout électrique qui, selon moi, n'est pas suffisamment ambitieuse sur le plan écologique. Si elle vise à limiter les émissions de gaz à effets de serre, elle ne remet pas en cause le nombre de véhicules individuels en circulation. Or le nombre de ces véhicules est précisément au coeur des problèmes liés à la mobilité dans notre société.

En 2016, 2 millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, ce qui représente environ 2,3 % des 90 millions de voitures vendues au total. Si une bonne partie de la planète suit l'exemple de la France sur la conversion électrique du parc automobile, à partir de 2040, les ventes annuelles de voitures électriques atteindront probablement 40, 50, voire 80 millions.

On peut ainsi estimer qu'à l'horizon 2040, près de 530 millions de véhicules électriques seront en circulation dans le monde, c'est-à-dire 150 à 200 fois plus qu'aujourd'hui. Or actuellement, près de 35 % du lithium produit sur la planète sert d'ores et déjà à fabriquer des batteries. Une telle conversion risque d'épuiser cette ressource à très court terme, sans compter que la question du recyclage se pose aussi et que pour l'instant, la seule solution dont nous disposons consiste à exporter la pollution à l'étranger.

La belle image toute propre de la voiture électrique en prend un coup quand on réalise qu'elle finira disséquée, dans un pays du tiers-monde, par un enfant qui n'y gagnera sûrement rien d'autre qu'un cancer !

Quel est alors le sens de produire et d'organiser une transition écologique, dont la viabilité ne sera effective qu'une trentaine d'années ? Faut-il fonder toute notre organisation économique et sociale sur un modèle technologique qui sera obsolète au bout de trente ans ? Je ne pense pas que ce soit la solution.

Une vraie politique écologique de transition énergétique doit enfin prendre en compte la modification de nos habitudes de mobilité, et remettre en cause nos modèles de production, qui sont dépendants de ressources rares – comme le lithium, par exemple. Gouverner, c'est anticiper. Et anticiper la transition, cela s'appelle la planification écologique.

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