Intervention de Serge Letchimy

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Sans reprendre le débat que nous avons eu en séance publique, je voudrais simplement faire plusieurs rappels.

C'est la première fois que je vois un budget de l'outre-mer construit avec autant d'incertitude dans les chiffres ; sans doute mérite-t-il d'être expertisé. Nous pourrions suggérer au ministère d'aller le plus loin possible et de nous communiquer les documents de politique transversale, les statistiques et les études d'impact nécessaires afin que nous puissions réellement analyser les chiffres et résoudre toutes ces contradictions : quand ma collègue Mme de Lavergne parle de 4 % de contribuables touchés, moi, je parle de 20 % Quand elle parle de 50 000 personnes concernées par l'abaissement du plafond de l'abattement fiscal, je les estime quant à moi entre 100 000 à 150 000 personnes. Quand on dit que seuls les contribuables avec des revenus supérieurs à 75 000 euros seront touchés, je soutiens quant à moi que cette mesure frappera tous ceux dont les revenus dépassent 45 000 euros… D'autant que la ministre elle-même a clairement indiqué devant nos collègues qu'elle n'avait organisé aucune concertation sur la question de l'abaissement du plafond de l'abattement ; elle l'a même regretté. Il y a un vrai problème : on ne peut pas revenir sur une mesure aussi importante prise en 1960 dans le but de lutter contre les inégalités, sauf à considérer que celles-ci ont définitivement disparu. Cela étant, le débat a eu lieu, vous avez la majorité, vous avez gagné – tout comme vous avez gagné la suppression de l'APL accession outre-mer, dont la ministre vient d'annoncer le rétablissement ! Cela montre bien qu'on peut gagner quelque chose par conviction, se tromper lourdement et rétablir un dispositif qu'on a supprimé. Je ne sais pas si vous reviendrez sur l'abaissement du plafond de l'abattement, mais je rappelle que nous n'avons pas le même régime fiscal : vous ponctionnez sur cinq départements mais vous redistribuez la ressource sur neuf départements… Il y a donc un problème – je ne sais même pas si ce procédé est constitutionnel.

Cela étant, il y a des choses intéressantes et positives dans ce budget. Par exemple, je suis pour l'émancipation économique locale ou, en termes plus simples, pour le développement local de l'économie de sorte qu'on soit moins dépendant des importations et de la consommation passive, surtout si c'est pour s'entendre dire – fût-ce tacitement – que nous sommes des assistés ! Il faut relancer la machine interne. La ministre des outre-mer a pris une initiative à mes yeux très intéressante en prévoyant la possibilité de créer de nouvelles zones franches nous permettant de travailler sur les filières de production domiciliées territorialement. Je demande cela depuis très longtemps et je vous invite, Madame la présidente, à faire une suggestion à la ministre : on ne peut pas avoir de zones franches sans ports francs – une zone franche qui tourne sur elle-même n'a pas de sens. Il faut penser à l'exportation, y compris à proximité ; or, pour l'instant, on en reste à une sorte de « tunnellisation » économique, comme à l'ère coloniale : on importe tout de Bordeaux, de Paris ou d'ailleurs. Alors que des pays voisins ont des matières premières à peu près identiques, il n'y a pas de jonction économique avec les secteurs de proximité.

Par ailleurs, il y a de mon point de vue une aberration économique. Quand le ministère appelle à passer du stade guichet – autrement dit de la distribution de subventions – au stade projet. J'en suis d'accord, mais si le projet est conceptualisé depuis Paris, économiquement, cela pose un problème, car cela revient à rapatrier au niveau national des fonds qui étaient domiciliés localement – tels que ceux de la TVA non perçue récupérable – pour les redistribuer ensuite sur l'ensemble des territoires ultramarins au titre du FEI. Il y a là un réel problème de conception de la décentralisation économique. La proximité économique est essentielle.

Enfin, entre 6 millions d'euros d'augmentation budgétaire et près de 370 millions d'euros de ponction rapatriés dans le budget de l'outre-mer, si l'on prend en compte dans le calcul la transformation du CICE en un allègement de charges, je ne vois pas trop où est l'équilibre… Même si, en gros, la ministre a tout de même réussi à maintenir la stabilité du budget de l'outre-mer.

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