Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 31 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Je voudrais d'emblée saluer dans ce budget les efforts faits en faveur de la transmission des savoirs et la volonté de tendre à terme vers un parcours d'éducation artistique et culturel, pour chaque enfant, tout au long de sa scolarité. Il s'agit d'un enjeu majeur, et nous serons donc très attentifs aux modalités de la mise en place de l'ensemble des dispositifs proposés ainsi qu'à leur efficience.

L'engagement que vous avez pris en commission, monsieur le ministre, de pérenniser l'ensemble des crédits d'impôt – cinéma, audiovisuel, production phonographique et spectacle vivant – va également dans le bon sens. Nous serons bien sûr là encore vigilants sur leur prolongement.

La priorité affichée en faveur du patrimoine et de son attractivité, avec la décision de débloquer une enveloppe supplémentaire de 21 millions, accompagnera l'élan populaire qui a porté le loto du patrimoine. C'est une vraie mesure levier qui permet une réelle réappropriation par les citoyens de ce qui constitue notre imaginaire collectif.

Cependant, la plupart des engagements affichés sont beaucoup moins lisibles. C'est le cas du projet du Centre national de la musique, qui vous tient pourtant personnellement très à coeur. C'est le cas aussi d'une autre promesse phare de la campagne : « ouvrir plus et ouvrir mieux » les bibliothèques. C'est encore le cas du Pass culture, sujet important qui impacte suffisamment l'affectation des crédits pour que nous y revenions plus tard dans le débat.

Concernant la presse écrite, la baisse de 5 millions subie sur l'aide au portage est supérieure à la baisse réelle des volumes portés. S'y ajoute encore l'absence de mesures de compensation suite à la suppression du CICE – crédit d'impôt compétitivité emploi. La réduction des crédits affectés à l'AFP, pourtant un outil d'indépendance majeur, est également préoccupante lorsque l'on constate par ailleurs que le fonds stratégique pour le développement de la presse vient alimenter le puits sans fond de Presstalis.

Mais c'est sur l'audiovisuel public, qui devrait pourtant constituer une dimension essentielle du Pass culture, que je vais concentrer mon propos liminaire. Vous avez indiqué, dans votre récente interview sur France inter, qu'il ne convenait pas d'aborder le débat sur l'audiovisuel public par l'entrée budgétaire. C'est bien pourtant le choix qui a été fait et que vous avez accepté d'assumer. Ce sont bien 190 millions d'économies budgétaires et 150 millions de redéploiements qui sont prévus d'ici 2022 – 400 millions avec les glissements, et hors inflation, nous a indiqué Delphine Ernotte ce matin. Or, il a été démontré que ces coupes budgétaires, en l'absence de transformation préalable des modèles organisationnels, opérationnels et sociaux, et sans véritables outils d'évaluation et de contrôle, seront autant de rabots budgétaires qui ne peuvent qu'affecter le contenu même de l'offre, sa qualité et son attractivité.

Du fait des coups de rabot budgétaires exigés en 2018, France Médias Monde a dû d'ores et déjà mettre fin à la diffusion de France 24 à Los Angeles et à New York. Sur les 46 millions d'euros d'économies demandés à France Télévisions, seuls 6 millions ont porté sur la structure et la productivité : les 40 millions restants ont affecté les programmes de flux, l'information et la création, malgré les engagements nombreux et répétés de votre prédécesseure, monsieur le ministre.

En 2019, Arte, l'INA – Institut national de l'audiovisuel – et TV5 ne vont pas pouvoir recourir aux astuces budgétaires utilisées en 2018, qui leur avaient permis de préserver leurs missions. Pour France Médias Monde, c'est son développement en Afrique face à la concurrence – malgré le rôle stabilisateur que joue la France dans la région du Sahel – qui sera compromis. Ce sont les partenaires d'Arte et de TV5 qui risquent de remettre en cause les montants de leur participation. Pour France Télévisions, ce sont les programmes de flux, les émissions de divertissement, auxquels vous avez vous-même déclaré tant tenir, qui vont être affectés en priorité. Ce sont d'ores et déjà 100 millions d'euros que France Télévisions projette de couper dans les contenus pour respecter sa feuille de route à l'horizon de 2022.

C'est la qualité de l'information, celle du temps long et de l'investigation, qui sera directement remise en cause. C'est la diffusion partielle ou totale des Jeux olympiques qui est fortement compromise. Enfin, avec des économies d'une telle ampleur, c'est également la création qui sera touchée de plein fouet, malgré les promesses répétées. Vous nous proposez un périmètre réduit de cinq à trois chaînes – un des plus limités d'Europe – et vous demandez à ces trois chaînes d'accueillir, en plus de leur propre grille, des programmes ultramarins, des programmes régionaux multipliés par trois, ainsi que l'ensemble des programmes destinés à la jeunesse. Je souhaite bon courage au patron de la programmation, pour qui ce sera tout simplement un casse-tête chinois !

En l'absence de diffusion totale ou partielle des Jeux olympiques, qui auront pourtant lieu, événement historique, en France, alors même que les services publics européens que sont la BBC et la ZDF assureront quant à eux cette diffusion ; en l'absence d'une chaîne sans publicité dédiée aux enfants, pourtant plébiscitée par 83 % des Français ; en l'absence d'un player numérique attractif, pensez-vous, monsieur le ministre, qu'il sera acceptable socialement, et donc tout simplement concevable, de mener une réforme de la contribution à l'audiovisuel public qui repose sur l'élargissement de son assiette dès 2020 ?

Ce budget fait naître de grandes inquiétudes, malgré les ambitions affichées. Nous ne pouvons donc qu'espérer, monsieur le ministre, qu'au-delà des mots et de votre détermination, la dure réalité ne va pas fortement compromettre la poursuite des objectifs annoncés.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Groupe UDI-Agir s'abstiendra sur ces crédits.

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