Monsieur le ministre de la culture, un article récemment publié par Le Monde fait état du constat très préoccupant dressé par Olivier Donnat, sociologue au ministère de la culture : celui du profond échec de la démocratisation de l'accès à la culture. Je le cite : depuis trente ans, « le fossé se creuse ». « Les milliards investis dans les équipements de l'État ou l'offre numérique croissante n'y font rien : ce sont surtout les milieux aisés et cultivés qui en profitent. »
Vous faites de la lutte contre les déterminismes – quels qu'ils soient – et de l'émancipation une priorité absolue. Comme vous le savez, notre groupe partage cette ambition essentielle. Nous n'ignorons pas que le temps de la reconquête sera long et que notre responsabilité est immense. Toutefois, à l'issue des dix-huit premiers mois, le chemin emprunté pour atteindre ces objectifs très ambitieux comme les moyens alloués pour ce faire soulèvent de véritables questions.
S'agissant du plan bibliothèque, nous ne disposons à ce jour d'aucun véritable bilan. Une enveloppe budgétaire de 8 millions d'euros, c'est très faible. En outre, les 2 millions supplémentaires que vous avez évoqués ne figurent pas au bleu budgétaire de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Par ailleurs, aucune évaluation qualitative n'a été menée concernant l'attractivité et la fréquentation des établissements. Or il ne suffit pas d'« ouvrir plus » ; il est fondamental de savoir si nous sommes parvenus à toucher de nouveaux publics et, si oui, lesquels.
Le plan « Culture près de chez vous » s'est vu attribuer une enveloppe de 6 millions d'euros : c'est dérisoire. J'irai plus loin : cette voie est-elle vraiment la bonne ? Par-delà l'intitulé du dispositif, quels en sont les résultats concrets ? Une fréquentation accrue ? Pour quels publics ? Dans quels territoires ? Par ailleurs, nous ne disposons d'aucun moyen de déterminer objectivement si le pass culture atteindra les objectifs ambitieux de réduction des fractures culturelles et d'émancipation qui lui ont été assignés.
De nombreux chantiers sont ouverts, sur de multiples fronts. Pour tous, on affiche des ambitions fortes, mais, concrètement, aucun n'aboutit véritablement.
Monsieur le ministre, à force de parler de « modernité » et de dénoncer les « conservatismes » qui bloqueraient toute évolution et toute adaptation, le Gouvernement ne fait-il pas preuve d'une incompréhension majeure des enjeux et de la réalité des secteurs de la culture et de l'audiovisuel ? Que proposerez-vous concrètement pour sortir de ces ornières, donner de la chair aux mots et faire de la coopération avec les acteurs de la culture, ainsi que de la démocratisation de l'accès à la culture, une réalité ?