Merci madame la présidente. Effectivement, mes chers collègues, j'ai longuement insisté lors de notre réunion de la semaine dernière sur le caractère tardif des réponses au questionnaire budgétaire – le 1er octobre, pour la plupart d'entre elles, les autres s'égrenant au fil des jours, même après la date fatidique du 10 octobre – ainsi que sur le caractère lapidaire, et le terme est faible, de nombre d'entre elles. Quant aux compléments que j'ai réclamés, ils sont eux-mêmes très sibyllins. Je n'y reviendrai donc pas ; mais j'ai voulu profiter de la retransmission de nos travaux pour faire ce rappel. J'ajoute que j'ai pu disposer du « jaune » budgétaire hier seulement ! C'est du jamais-vu.
En cours de notre précédente réunion, vous m'avez fait part de vos réflexions sur le prélèvement européen, et, plus généralement, sur le budget européen. Je vous en remercie et j'en ai tenu compte dans mon rapport, comme vous le verrez. Mais je n'aurai probablement pas le temps de les aborder toutes et en détail au cours de cette présentation.
L'avis que je suis amené à donner sur le prélèvement européen a un statut un peu particulier au sein de nos discussions budgétaires. Je rappelle d'ailleurs que l'avis sera rendu en séance le lundi 22 octobre après-midi.
En effet, il ne s'agit pas d'une mission ou d'un programme budgétaire mais d'un article de la première partie du projet de loi de finances – l'article 37 – qui porte sur l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne.
Je vous présenterai donc ce matin ce prélèvement européen, mais aussi, ce qui est nouveau, les propositions de la Commission européenne pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027.
Cela est l'occasion, pour notre commission, de faire passer des messages politiques sur nos attentes.
Le prélèvement sur recettes est évalué à 21,5 milliards d'euros, en augmentation de 8,1 % sur un an. Le budget européen pour 2019 s'inscrit dans la continuité des précédents. Peu de changements pour les ressources, si ce n'est que les ressources propres traditionnelles (les droits de douane) continuent de s'éroder, au regret de certains d'entre vous. Il est prévu toutefois le financement de nouvelles initiatives pour faire face aux défis qui s'imposent à l'Union européenne : le corps européen de solidarité, le volet recherche du programme de défense, l'autorité européenne du travail, la protection civile et l'appui à la réforme structurelle.
Le prélèvement est toujours une dépense difficile à gérer en exécution. D'ailleurs, le cadre financier pluriannuel actuel, qui s'achève en 2020, est caractérisé par le retard important pris dans l'exécution de la politique de cohésion, si bien que la France réclame, à juste titre, une budgétisation prudente en crédits d'engagement, afin de freiner l'alimentation du « reste à liquider » pour le cadre financier pluriannuel 2014-2020. En outre, la difficulté est accrue par le fait que le budget est fondé sur des hypothèses amenées à varier en cours d'année.
Cette année, l'impact du Brexit apporte une incertitude majeure. En l'absence d'accord de retrait avec le Royaume-Uni, celui-ci devrait continuer à contribuer au cadre financier actuel et au budget de 2019. Toutefois, s'il cessait de le faire, les autres États-membres devraient alors compenser l'absence de contribution britannique, ce qui aurait pour conséquence une augmentation de la contribution française au budget 2019 et donc un impact sur notre budget.
Quant aux propositions de la commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel, elles sont pour certaines innovantes, pour d'autres, regrettables.
Innovantes en ce qui concerne les recettes : le Brexit est l'occasion de mettre un terme aux rabais existants – qui contribuent à rendre le budget illisible – et de reformer le système des ressources propres. La Commission en propose trois nouvelles :
- un taux d'appel de 3 % sur une nouvelle assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ;
- une part de 20 % des recettes tirées de la mise aux enchères des quotas du système européen d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE) ;
- une contribution nationale calculée sur la base de la quantité de déchets d'emballages en plastique non recyclés dans chaque État-membre.
La France réclame l'introduction d'une taxe intérimaire sur les ressources numériques et en fait une des conditions à l'augmentation de sa contribution. J'ai moi-même posé la question à M. Le Drian, lors de son audition, d'une taxe sur les GAFA. La Commission a proposé une taxation à hauteur de 3 % des revenus des activités des plateformes numériques ; un rapport au Parlement européen souhaite un taux de 5 %. Apparemment, les travaux avancent sur ce type de taxation, ce dont je me réjouis. D'ailleurs M. Le Maire a annoncé un rapprochement avec l'Allemagne, donc cela va plutôt dans la bonne direction.
La Commission propose également rendre le budget beaucoup plus lisible, ce qui est parfaitement souhaitable et qui contribuera, d'ailleurs, à une plus grande flexibilité, d'autant plus nécessaire que nous devons réagir à des défis multiples. Vous avez été nombreux à déplorer l'opacité de la politique européenne.
Elle met en outre l'accent sur la « valeur ajoutée européenne », le budget devant intervenir dans des domaines où la mise en commun des ressources permet d'obtenir des résultats que les États-membres ne pourraient pas atteindre seuls. Cette notion permettrait de répondre à la logique du « juste retour », beaucoup trop simplificatrice.
Elle souhaite également conditionner le versement des fonds structurels au respect de l'Etat de droit, ce que l'on ne peut qu'approuver.
Passons maintenant aux propositions regrettables. Si le projet de cadre financier contient une augmentation du financement des nouvelles priorités que sont la recherche, l'innovation, le numérique, la jeunesse, la sécurité et la défense, les migrations et la gestion des frontières, assez consensuelles, il inclut une diminution des crédits alloués à la PAC, que la France ne peut accepter. Cette réduction pourrait avoir des conséquences graves sur la viabilité des exploitations et susciter l'incompréhension des agriculteurs européens. La PAC a besoin d'être modernisée et simplifiée, des financements à la hauteur de ces enjeux sont indispensables.
On peut déplorer en outre que la proposition française de conditionner l'octroi des fonds de cohésion à une certaine convergence fiscale et sociale n'ait pas été retenue : il n'est pas normal que des fonds structurels financent la réduction des taux d'impôts chez d'autres États-membres.
Vous avez également été nombreux à souligner que le décaissement des fonds européens n'était pas suffisant, ce qui conduit à des taux de retours catastrophiques. Cela est probablement dû, en particulier, à la complexité des procédures. À cet égard, la Cour des comptes française vient de souligner l'existence de retards de paiements importants pour les aides agricoles, qu'elle impute à la complexité des chaînes de paiement du fait de l'imbrication des responsabilités entre l'agence de services et de paiement (ASP), le ministère de l'agriculture et les régions. Elle en conclut que l'insuffisante préparation de la France à la mise en place d'un dispositif approprié des aides de la programmation 2014-2020 doit inciter les autorités françaises à tirer les leçons de cette expérience pour préparer la prochaine programmation.
Une réflexion est d'autant plus indispensable sur ce thème, que, pour le citoyen, « c'est de la faute de l'Europe ».
Je m'associe également à vos remarques sur l'opacité de la politique européenne, tout en soulignant que la proposition du futur cadre financier tente de le rendre plus lisible.
Je terminerai avec le calendrier de la mise en place de ce nouveau cadre financier. La fin mai 2019 est la date butoir souhaitée par la commission pour l'adopter. La synchronisation du cadre financier avec les élections pose question.