Une dynamique d'innovation est lancée. Le colonel à qui j'ai confié la responsabilité de structurer et d'organiser cette chaîne innovation dans l'armée de terre s'emploie à tisser des liens avec l'ensemble de l'écosystème, notamment avec l'agence ministérielle pour l'innovation. Je suis très ambitieux en matière d'innovation. À cet égard, j'ai fixé trois priorités. Les deux premières sont directement liées à l'engagement des forces sur le terrain, tandis que la troisième est liée aux soldats.
Ma priorité essentielle en termes d'innovation concerne la robotisation et la capacité à imaginer ou à construire des engins qui allègent les soldats en opération et fassent office de robots dotés d'une forme d'intelligence. Aujourd'hui par exemple, des mules robotisées sont capables de transporter du matériel et des munitions, voire d'évacuer des blessés, et peuvent se déplacer de façon autonome sur le terrain. Des solutions existent, méritent d'être finalisées et, pourquoi pas, d'être acquises dans le cadre de la LPM.
Ma deuxième priorité, toujours liée au matériel, touche à l'énergie. Nos systèmes sont fortement consommateurs d'énergie, au quotidien comme dans le fonctionnement des états-majors. Or, nous intervenons souvent dans des pays où nous pouvons tirer un grand avantage de l'énergie solaire. Je souhaite donc que cet axe de réflexion soit approfondi. L'innovation énergétique peut contribuer à alléger le poids supporté par les combattants – je pense singulièrement aux batteries des radios –, ou encore à gagner en discrétion pour alimenter les postes de commandement. L'énergie solaire serait emmagasinée le jour et restituée la nuit pour les bivouacs et les états-majors. Demain, nous pourrions même imaginer que certains de nos véhicules combinent l'énergie classique et une énergie solaire.
Ma troisième priorité touche à la protection du soldat : pièces de protection balistique, casques, lunettes, possibilités d'allégement, etc.
Monsieur Corbière, le « livre vert » que je vous ai distribué n'avait pas été réécrit depuis le passage d'une armée d'appelés à une armée d'engagés en 1996. Lors de cette transition, nombreux étaient ceux qui s'interrogeaient sur le comportement et le rôle d'une armée professionnelle dans un pays comme le nôtre. Aujourd'hui, vingt-deux ans plus tard, l'armée de terre professionnelle est arrivée à maturité. Il m'a donc paru utile que nos jeunes soldats en formation initiale et nos jeunes cadres disposent d'un texte fondateur sur cette armée professionnelle. Il s'agit aussi de s'assurer que les aspirations des hommes et des femmes qui souhaitent nous rejoindre correspondent à nos attentes en matière d'emploi, de comportement et d'éthique militaire. La guerre juste est l'un des aspects de cette éthique, qui converge d'ailleurs souvent avec les motivations des jeunes qui nous rejoignent.
Quant à votre question relative au Yémen, je n'exercerai pas de devoir de réserve mais rappellerai qu'elle dépend du pouvoir politique et du chef d'état-major des armées, qui commande les opérations militaires. Je peux néanmoins vous affirmer qu'aujourd'hui, aucun soldat de l'armée de terre n'est projeté au Yémen.
Monsieur Chassaigne, votre question sur le MCO terrestre pointe un enjeu déterminant : la souveraineté. La maintenance opérationnelle s'exerce au plus près de nos hommes sur le terrain et est réalisée par des structures étatiques. Concernant la maintenance industrielle, nous ne visons pas à faire disparaître la part étatique, mais simplement à atteindre un nouvel équilibre entre ce qui est réalisé en étatique et ce qui est réalisé par des industriels privés. Nous devons donc régler le curseur entre les uns et les autres à l'aune d'un critère : la capacité à entretenir une force en opération dans la durée. Nous devons avoir la certitude qu'in fine le maintien en condition opérationnelle sera au rendez-vous.
La ministre des Armées nous a demandé de réfléchir à ce ratio. Elle l'a clairement affiché pour le MCO aéronautique. S'agissant du MCO terrestre, la part de MCO industriel réalisé par des acteurs privés est aujourd'hui de 25 %. Nous visons un taux de 35 % en 2019, avec une cible finale à 40 %. Je ne pense pas qu'avec un ratio de cette nature, la souveraineté soit mise en péril.
La part de la maintenance opérationnelle doit nous garantir un soutien en opération au plus près des soldats. En outre, des expérimentations – notamment au camp de Canjuers où s'est implanté Nexter au plus près de nos forces à l'entraînement – ont démontré qu'une maintenance industrielle de proximité pouvait être une solution d'avenir. Elle permet d'ailleurs de libérer les énergies pour la maintenance opérationnelle, dans un secteur de haute concurrence avec le monde privé.
Je ne crois donc pas qu'il faille concevoir des craintes à cet égard. Je pense même que nous pourrions porter plus loin la démarche, et imaginer un soutien industriel de nos forces un peu plus en avant. Cela fait partie des études que la ministre nous a demandé de mener sur le dispositif de soutien opérationnel. Aujourd'hui en effet, les matériels usés ou détériorés sont rapatriés en France, où la maintenance industrielle les reconstruit. Ce fonctionnement est très coûteux. Peut-être une maintenance industrielle plus proche de nos théâtres d'opérations permettrait-elle de mieux entretenir le matériel, de façon plus régulière. Cela offrirait en outre une « vitrine » à nos industriels dans les pays où nous sommes présents en opération. D'autres pays ont moins de scrupules en matière d'agressivité économique sur ces mêmes théâtres. Sachez quoi qu'il en soit que le chef d'état-major de l'armée de terre veille au réglage de ce curseur, qui doit préserver la souveraineté.
Madame Mauborgne, est-ce dans le domaine de l'infrastructure que vous avez noté des crédits non consommés ?