Je ne reviendrai pas dans le détail sur le périmètre des crédits relatifs au commerce extérieur, dont la partie relevant de la mission Économie ne reflète pas forcément l'ensemble des efforts publics en faveur de l'accompagnement à l'export. Y contribuent également, par exemple, outre le réseau diplomatique, des acteurs tels que les Alliances françaises ou les lycées français, qui concourent au développement d'un environnement propice aux exportations de nos entreprises.
Le déficit commercial, qui s'élevait à 63 milliards d'euros l'an dernier, est l'un des plus mauvais indicateurs économiques de notre pays. Pourtant, dans le même temps, l'Allemagne enregistrait un excédent commercial de 245 milliards, de sorte que le delta entre les deux pays est de 300 milliards d'euros ! Au cours des huit premiers mois de 2018, la France a déjà accumulé un déficit de 42 milliards alors que l'Allemagne présente un excédent de 156 milliards.
Certes, pour ce qui est des services, par exemple, la balance française présente un excédent de 26 milliards. Ainsi le déficit total pour les biens et services est seulement, si je peux m'exprimer ainsi, de 21,7 milliards. Certes, la dégradation du solde traduit également le dynamisme de la demande intérieure, qui soutient les importations – lesquelles peuvent néanmoins être utiles à l'exportation dans la mesure où les entreprises importent aussi pour réexporter. Certes, la facture énergétique, qui est de 39 milliards d'euros, pèse lourd sur ce déficit.
Mais enfin, la situation est mauvaise, disons-le, et elle l'est depuis longtemps. Depuis la fin des années 1990, la part de marché française dans le commerce extérieur international a diminué deux fois plus vite que la part de marché allemande. Dans la dernière étude annuelle du Forum économique mondial, la France se classe au dix-septième rang alors que l'Allemagne est au troisième. Je ne cite pas l'Allemagne par hasard : elle est notre principal partenaire et concurrent, et sans doute le pays le plus comparable au nôtre.
Il faut donc trouver des solutions. En février dernier, le Premier ministre a annoncé une nouvelle stratégie pour le commerce extérieur. De fait, si la compétitivité est évidemment le facteur essentiel en la matière, le dispositif public d'accompagnement des entreprises à l'export, notamment des petites et moyennes entreprises ou des entreprises de taille intermédiaire, contribue, à hauteur de 20 % ou 30 %, à la réussite. Cette réforme, je le rappelle rapidement, vise tout d'abord à instaurer un guichet unique d'accompagnement des entreprises en région, rassemblant les chambres de commerce régionales, les conseillers de Business France et les conseils régionaux. Cela va dans le bon sens, car la priorité est de sensibiliser les entreprises et de les accompagner dans leurs démarches, complexes, d'exportation. Elle vise ensuite à créer une plateforme numérique commune, qui permettra d'orienter les entreprises vers les bonnes options et de les accompagner en partageant les données entre les différents intervenants, l'entreprise n'ayant plus, au fond, qu'un seul interlocuteur. Enfin, le troisième grand axe de la réforme consiste à coordonner les efforts sur les marchés extérieurs, en essayant d'éviter les doublons entre les chambres de commerce françaises et Business France, qui peut ainsi se retirer – c'est le cas dans une bonne douzaine de pays – au profit d'un interlocuteur unique lié par un marché de service ou une concession de service public.
L'esprit de la réforme va dans le bon sens. Néanmoins, l'évolution des crédits dévolus au commerce extérieur est inquiétante. Tout d'abord, je l'ai déjà dit lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF), je déplore le plafonnement des taxes affectées à des acteurs qui sont efficaces dans le soutien aux filières, notamment à l'export – je pense aux comités professionnels de développement économique. Ensuite, je ne reviendrai pas sur la baisse assez brutale des financements des chambres de commerce alors même que les réorganisations proposées par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») ne sont pas encore mises en oeuvre.
Enfin, et surtout, je veux rappeler que les crédits affectés à Business France, qui est le bras armé de l'État dans ce domaine, ne cessent de diminuer d'année en année. Sa dotation ne couvre même pas le coût de la masse salariale. Ainsi, les facturations demandées aux entreprises par Business France augmentent, si bien que son coût n'est pas compétitif par rapport aux opérateurs des pays concurrents. La trajectoire prévue pour le quinquennat prévoit une baisse de 2,5 millions et de 20 ETP par an jusqu'en 2022. Si la réforme du commerce extérieur permet de faire mieux avec moins, tant mieux. Mais ne faut-il pas d'abord laisser à l'opérateur le temps d'accomplir sa réforme avant de couper ses fonds ? À titre de comparaison, alors que la dotation de Business France est de 92 millions d'euros pour 2019, son équivalent italien, l'Italian Trade Agency, bénéficiera de 162 millions d'euros du ministère du développement économique italien.
J'en profite pour appeler votre attention, monsieur le président, sur la nécessité pour notre commission de réaliser beaucoup plus de comparaisons internationales, notamment dans le domaine du soutien à l'export. Elles montreront que nous ne sommes pas forcément toujours très performants.
En tout état de cause, il y a un problème de logique : la rationalisation des dépenses doit découler d'une réforme réussie et ne pas être le préalable à la réforme.
Deuxième point : une partie des postes budgétaires du réseau à l'étranger de la direction générale du Trésor est transférée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Cela peut aller dans le bon sens mais le risque est que la philosophie du Quai d'Orsay l'emporte alors que les agents de la direction internationale du Trésor sont des experts de très haut niveau dont le ministre de l'économie, les ambassadeurs et les entrepreneurs ont besoin. Je crains qu'il ne se crée un déséquilibre qui nuise à l'efficacité. N'oublions pas la question des moyens et soyons prosaïques : l'agent du Trésor qui est responsable d'une zone doit pouvoir s'y rendre – je l'ai constaté récemment en Argentine. S'il ne peut pas y aller parce que les crédits pour les voyages sont réservés principalement aux missions diplomatiques, cela ne fonctionnera pas. J'y insiste : l'Assemblée nationale doit être attentive à ce sujet.
Dernier point : l'assurance prospection, qui est pour moi le principal sujet de ce budget pour 2019. En matière de garanties apportées aux entreprises exportatrices, il y a eu un transfert de gestion de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) à Bpifrance Assurance Export. C'est une réussite, aussi bien pour le budget de l'État – diminution de la rémunération de l'opérateur de plus de 20 % – que pour les entreprises qui ont enfin un interlocuteur unique, puissant, compétent et très organisé pour toute une gamme de financements à l'international.
Cependant, je m'inquiète pour l'avenir de l'assurance prospection. Cet outil est l'un des atouts du dispositif français à l'étranger, qui permet aux PME de s'assurer contre les risques d'échec de leurs actions de prospection. Il s'agit généralement de petites sommes – 90 000 euros en moyenne – pour de petites entreprises : 60,3 % des bénéficiaires emploient de un à neuf salariés, et 31,8 % de dix à quarante-neuf salariés.
Un nouveau dispositif a été mis en place depuis mai 2018, permettant aux entreprises d'obtenir une avance de trésorerie très utile, mais il est déficitaire. Le PLF 2019 prévoit une dotation de 43,5 millions d'euros sur les appels en garantie de l'État pour combler partiellement ce déficit. Il y a une impasse : il manque 55,2 millions d'euros. Si l'on en reste aux crédits prévus dans le PLF, Bpifrance ne pourra plus servir d'assurance prospection à partir de la fin du premier trimestre. D'ailleurs, je déposerai en séance un amendement visant à obtenir une rallonge de 55,2 millions d'euros.
En conclusion, je voudrais faire une remarque : nous sommes face à une impasse budgétaire pour l'assurance prospection alors que, dans le même temps, l'assurance crédit qui bénéficie aux grands comptes est très largement excédentaire puisque 531 millions d'euros seront reversés au budget de l'État en 2019. Ne pourrait-on pas imaginer un dispositif de péréquation et réinvestir l'excédent de l'assurance crédit pour financer les actions de prospection des PME ?
En tant que rapporteur, je donnerai un avis favorable à ce budget même si je regrette des impasses et le fait qu'il n'y ait pas de ministre du commerce extérieur en titre, ce qui est très dommageable.