Le budget que nous propose le Gouvernement s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation militaire examinée cet été et présente par conséquent les mêmes défauts. Le Gouvernement a déployé de grands efforts pour donner l'impression qu'il est visionnaire mais, en réalité, il ne s'agit selon nous que d'un saupoudrage, dans la continuité des mêmes alliances, des mêmes moyens et des mêmes objectifs.
L'OTAN impose l'objectif de consacrer 2 % du PIB au budget de la défense. En ce qui nous concerne, nous jugeons absurde la fixation d'un objectif chiffré plutôt que d'une stratégie. Quoi qu'il en soit, pour atteindre cet objectif, le choix est fait d'investir dans le renouvellement de la dissuasion – un choix qui n'a donné lieu à aucune discussion ni à aucune délibération démocratique, alors que le renouvellement de la dissuasion ne présentait selon nous aucun caractère nécessaire ni urgent. Ce sont des centaines de millions d'euros qui sont immobilisées et qui ne seront pas affectées à la préparation opérationnelle, au soutien et à la protection du territoire maritime, au renseignement humain ou encore à la montée en puissance des capacités cyber.
Ces derniers mois, le Gouvernement a plutôt cherché à faire savoir plutôt qu'à faire, et a cédé à la pente des événements plutôt que d'en influencer le cours. C'est par exemple le cas des annonces faites dans le domaine spatial : au lieu de porter une voix singulière en prenant les initiatives nécessaires pour lutter contre l'arsenalisation de l'espace qui, de l'avis de tous, fait peser un risque exorbitant sur la sécurité planétaire et que le droit international doit être étoffé dans ce domaine, le Gouvernement a pris prétexte du développement de leurs capacités par la Russie et par la Chine pour leur emboîter le pas et le claironner. Ce faisant, le Gouvernement a décidé de mettre ses pas dans ceux des États-Unis d'Amérique, qui ont décidé de franchir un cap dans le domaine de la guerre spatiale – ce que nous jugeons problématique.
S'agissant du cyber, les moyens et la doctrine ne sont toujours pas prêts. Il est illusoire, selon nous, de penser que l'action conduite dans ce domaine, aussi technique soit-elle, doit se cantonner à de petites unités au sein des armées. Au contraire, c'est par une large mobilisation et la création d'une véritable culture de défense dans la société que nous pourrons nous protéger et atteindre un niveau satisfaisant de résilience et de réponse.
Dans ses dernières interventions, la ministre a beaucoup insisté sur la nécessité d'associer le secteur privé au financement de la défense et de l'innovation. Nous contestons cette fausse bonne idée selon laquelle la satisfaction de l'intérêt privé servirait l'intérêt général. Il s'agit selon nous d'un asservissement à moyen terme à des opérateurs que la commande publique aura largement subventionnés ; le budget de cette année en porte déjà quelques traces dont l'une des plus emblématiques, même si elle est marginale du strict point de vue financier, est la baisse des dotations accordées à l'École polytechnique, vouée à se muer toujours davantage en antichambre des grands groupes privés plutôt qu'en berceau des grands fonctionnaires de l'État et des ingénieurs hautement qualifiés qui seraient en mesure de concevoir les outils dont nous avons besoin.
De même, la stratégie de mutualisation des coûts est illusoire : en matière de coopération européenne, nous perdons certaines capacités – cette question est en lien avec le débat plus général sur la défense européenne.
Dans ces conditions, le groupe La France insoumise est très réservé sur les annonces et le budget de la défense qui nous est présenté.