Intervention de Saïd Ahamada

Réunion du vendredi 26 octobre 2018 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSaïd Ahamada, rapporteur spécial (Affaires maritimes) :

La France est une nation maritime. Avec ses 5 000 kilomètres de côtes, en métropole et en outre-mer, et ses 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, elle est présente dans tous les océans et possède le deuxième plus grand domaine maritime dans le monde après les États-Unis. Cette situation constitue une opportunité pour notre pays, notamment sur le plan économique.

Je rappelle que l'économie maritime, souvent qualifiée d'économie bleue, représente environ 450 000 emplois, soit 1,7 % de l'emploi français.

C'est aussi une situation qui nous engage : en tant qu'État côtier, la France est tenue de sécuriser les routes et accès portuaires grâce au balisage maritime, mais aussi d'organiser et de coordonner la recherche et le sauvetage. C'est le rôle des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), en lien avec la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui intervient dans plus de 50 % des cas.

Le programme 205 Affaires maritimes et l'action 43 Ports du programme 203 Services et infrastructures de transport, qui font l'objet de mon rapport spécial, regroupent justement des crédits au service de l'économie maritime et des missions régaliennes de sûreté, de sécurité et de signalisation maritimes.

Il s'agit notamment d'aides aux armateurs, sous la forme d'exonération de charges patronales, visant à encourager l'emploi de marins français ainsi que de crédits destinés à l'enseignement maritime pour former les meilleures recrues pour la marine marchande, ou encore de subventions aux grands ports maritimes pour soutenir leur compétitivité face à la concurrence européenne. Au total, 262 millions d'euros en autorisations d'engagement seront consacrés l'année prochaine aux affaires maritimes et aux ports.

Ce budget 2019 est très satisfaisant, avec une hausse globale de 33 millions d'euros par rapport à 2018, soit une augmentation de 14,6 %. Côté ports, comme en loi de finances pour 2018, les crédits sont en forte augmentation : + 40,7 %. Ils atteignent cette année un montant qui permet enfin à l'État de compenser 100 % des dépenses de dragage engagées par les grands ports maritimes, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.

Ces travaux, comme vous le savez, ont pour objet de retirer les sédiments accumulés au fond de l'eau, à l'entrée du port, afin de permettre aux navires d'accéder aux quais sans s'enliser et de garantir un mouillage suffisant. C'est une opération coûteuse pour les ports, que l'État jusqu'alors ne compensait que partiellement, en dépit de l'obligation fixée par le code des transports. La compensation intégrale, qui constitue une première, est une bonne nouvelle. Elle devrait permettre à ces établissements de dégager une capacité d'autofinancement et d'être plus compétitifs, par exemple en baissant leurs droits de port ou en offrant des services supplémentaires.

De leur côté, les crédits dévolus à l'administration des affaires maritimes augmentent eux aussi de 4,5 millions d'euros par rapport à 2018. Cette hausse correspond à la deuxième année de financement du plan de modernisation de l'administration des affaires maritimes, ce dont je ne peux que me féliciter.

Parmi les dépenses engagées à ce titre en 2019, il faut signaler 8 millions d'euros pour l'achat d'un nouveau patrouilleur en Méditerranée, chargé de missions de police maritime, mais aussi pour l'investissement dans des technologies d'avenir comme le balisage en mer et les missions de sauvetage des CROSS.

Une autre bonne nouvelle pour 2019 est la stabilisation à 6,2 millions d'euros du montant de la subvention prévue dans le projet de loi de finances pour la SNSM. Il avait été augmenté de 2 millions d'euros lors de l'examen en nouvelle lecture du PLF 2018 ; il a été reconduit au même niveau cette année, ce qui correspond au besoin exprimé par la SNSM et devrait compenser l'absence de recettes issues du droit annuel de francisation et de navigation, qui fera l'objet d'une réforme en 2019.

Enfin, ce budget permet à l'administration des affaires maritimes de poursuivre ses missions en matière de contrôle des émissions polluantes des navires : c'est le rôle des centres de sécurité des navires qui sont au nombre de quinze, répartis sur le littoral français. Les inspecteurs des centres de sécurité des navires contrôlent le respect par les navires des normes fixées par la convention MARPOL (Marine Pollution) en matière de teneur en soufre des carburants marins.

Depuis le début de l'année 2018, cinq procès-verbaux de constatation de pollution de l'air ont été dressés, dont un, très médiatisé, à l'encontre du MS Azura. Cette question, vous le savez, me tient particulièrement à coeur.

Nous savons que les carburants actuellement utilisés par les navires sont très polluants. Une étude allemande réalisée en 2015 a montré un lien sans équivoque entre les gaz d'échappement des navires et certaines maladies pulmonaires et cardiovasculaires, concluant que la pollution des navires pourrait être responsable de 60 000 décès prématurés par an dans l'Union européenne. En outre, selon le ministère de la transition écologique et solidaire, le transport maritime contribue à 2,6 % des émissions de CO2 dans le monde.

Dans ma circonscription, c'est devenu une source d'angoisse pour les riverains. Il y a donc urgence à agir, d'une part en incitant les armateurs à se convertir aux énergies propres, d'autre part en aidant les ports à s'adapter, car il ne suffit pas d'encourager l'achat de navires au gaz naturel liquéfié (GNL) ; encore faut-il qu'ils puissent se ravitailler dans les ports et que, de la même manière, les navires qui s'équipent pour pouvoir se brancher sur le réseau électrique à quai puissent le faire dans les ports français. À cet égard, je crois qu'il est possible de progresser en activant des leviers fiscaux.

J'ai souhaité que cela se traduise au plus vite dans la loi ; c'est pourquoi j'ai proposé un amendement portant article additionnel en première partie du projet de finances, adopté en séance publique vendredi dernier après avoir été sous-amendé par le Gouvernement. Il s'agit d'un acte fort pour accélérer la transition écologique des navires et faire entrer le maritime dans la politique nationale de transition écologique. Ce nouvel article prévoit la création d'un dispositif de suramortissement pour encourager l'achat par les armateurs de navires fonctionnant au GNL, à l'hydrogène ou à l'électricité. Je souhaite qu'il permette d'accélérer le renouvellement de la flotte de commerce.

Sur le second volet, la France a adopté un cadre d'action national pour le déploiement d'infrastructures d'alimentation en électricité à quai et pour l'avitaillement en GNL dans les ports à l'horizon 2025. L'État s'est engagé dans le cadre du dernier comité interministériel à le mettre en oeuvre rapidement. Cependant, l'électricité à quai fait face à plusieurs difficultés d'ordre technique notamment dues au coût de l'investissement. Une étude lancée en 2017 par le ministère, dont les conclusions devraient bientôt être connues, devrait permettre d'identifier des solutions pour les ports et les quais pour lesquels l'ensemble des contraintes est trop important pour envisager une telle installation.

En ce qui concerne le GNL, la présence de terminaux méthaniers dans les ports est un point-clef pour l'avitaillement des navires et la compétitivité de nos ports. Or le montant de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) due par les entreprises qui exploitent ces terminaux, au titre de l'activité de stockage de gaz naturel, est très pénalisant lorsque l'activité de stockage génère un chiffre d'affaires modeste. C'est pourquoi je proposerai par un amendement portant article additionnel d'adapter le barème de l'IFER en fonction des capacités de stockage.

En matière maritime et portuaire, tous nos efforts devraient se concentrer sur la transition écologique et je me réjouis que ce budget y contribue. Je serai très attentif aux prochaines avancées et aux réflexions qui seront menées à ce sujet dans le cadre du prochain comité interministériel de la mer. C'est une évidence en matière environnementale et de santé publique, et ce sera aussi un atout pour la compétitivité de nos ports et de notre flotte de commerce.

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