Le programme 161 complète ceux qui viennent d'être présentés par Nadia Hai et Romain Grau.
Il faut d'abord souligner que l'État n'est qu'un acteur subsidiaire de la sécurité civile : la majeure partie des 5 milliards d'euros de financements provient des collectivités territoriales. Ce sont elles qui financent l'élément de base des secours dans les territoires que sont les casernes de sapeurs-pompiers. L'ensemble des crédits est retracé dans un document de politique transversale, mais celui-ci n'a toujours pas été publié. Je le regrette, car c'est maintenant que nous en avons besoin.
Les crédits demandés en 2019 s'élèvent à 459 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 538 millions en crédits de paiement (CP). L'essentiel du programme concernant des dépenses engagées et consommées pendant une même année, la différence entre les AE et les CP est principalement liée à la couverture progressive du marché de renouvellement de la flotte d'avions de la sécurité civile, qui a été engagé l'année dernière.
Ces crédits servent pour l'essentiel à financer la structure nationale de la sécurité civile, qui est entretenue par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). La grande majorité des moyens budgétaires demandés concerne la flotte d'avions et d'hélicoptères de la sécurité civile, qui est basée sur l'aéroport de Nîmes-Garons. Elle comprend 26 avions, dont 12 Canadair qui servent principalement à lutter contre les feux de forêts, et 35 hélicoptères assurant plutôt des missions de secours d'urgence à la personne.
Les moyens nationaux comprennent, par ailleurs, 1 400 militaires de l'armée de terre qui relèvent de l'autorité opérationnelle de la DGSCGC, ainsi que des équipes de déminage.
À côté de ces moyens nationaux, l'État a un rôle de soutien aux autres acteurs de la sécurité civile.
Je voudrais maintenant vous faire part de plusieurs points d'alerte sur des enjeux essentiels.
Notre modèle de sécurité civile est principalement fondé sur le volontariat, ce qui est très atypique en Europe. Les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % des effectifs de sapeurs-pompiers civils. Or le recrutement se heurte à de plus en plus de difficultés.
Tout d'abord, le droit européen fait peser une menace de requalification de nos volontaires en travailleurs, ce qui met réellement en danger le modèle français de sécurité civile, qui est plutôt fondé sur la « société de l'engagement » et la mobilisation citoyenne. C'est une vraie question qui se pose, au moment même où l'Europe s'interroge sur une nouvelle forme d'engagement. Je tiens, pour ma part, à notre modèle car je pense qu'il nous ressemble et qu'il fait honneur à notre Nation. Si l'on professionnalisait vraiment le modèle de la sécurité civile, cela aurait par ailleurs un coût de 2,5 milliards d'euros – j'espère toutefois que ce ne sera pas le seul argument déterminant. Il me semble qu'il est essentiel de défendre notre modèle qui repose sur le volontariat et l'engagement, dans les territoires comme au niveau national. J'ajoute que les exemples étrangers n'incitent pas du tout à aller vers une professionnalisation : elle présente des limites et manque presque d'âme par rapport à notre modèle.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à un déficit d'attractivité. Deux facteurs jouent. D'une part, la société est de plus en plus violente. L'ensemble des corps sont concernés, et notamment les gendarmes et les policiers. J'ai pu alerter le ministre de l'intérieur, lors de son audition par la commission des lois, sur la nécessité d'alourdir les peines encourues lorsque ceux qui nous protègent – gendarmes, policiers ou pompiers – sont victimes d'une recrudescence des agressions. D'autre part, se pose la question de l'articulation entre l'activité professionnelle, la vie personnelle et le volontariat. Les échanges avec les organisations patronales méritent à cet égard d'être poursuivis.
Un mot enfin de la réforme du mécanisme européen de sécurité civile. L'idée est de constituer une réserve spéciale de ressources opérationnelles pour réagir plus vite et plus fort en situation de crise ou lorsque les capacités nationales sont saturées. C'est une initiative extrêmement pertinente, dont je suivrai les développements avec intérêt, mais dont il ne faudrait pas qu'elle entre en contradiction avec notre modèle français. J'espère plutôt que c'est ce dernier qui essaimera en Europe.
Ces précisions faites, je vous propose, chers collègues, de voter les crédits du programme 161.