Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Tout d'abord, en réponse à M. Matthieu Orphelin, je tiens à dire que je suis bien consciente que le transport est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et que, malheureusement, on peut constater que les émissions ne se réduisent pas. Au contraire, elles ont augmenté dans les années récentes. Je partage donc pleinement son avis quant à la nécessité d'agir sur tous les plans pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, à la fois en favorisant les mobilités alternatives à la voiture individuelle ou à l'usage individuel de la voiture, et en accompagnant et soutenant le verdissement de toutes les flottes – qu'il s'agisse des voitures, des poids-lourds, du maritime ou de l'aérien. C'est bien le sens de la politique que je mène : soutien au verdissement des flottes ; priorité au traitement des noeuds ferroviaires afin d'accroître la part du ferroviaire autour des grandes agglomérations, aujourd'hui confrontées, sur tout le territoire ou presque, à des embouteillages extrêmement pénibles pour nos concitoyens ; développement des modes alternatifs à la route dans le transport routier. Enfin, le coeur de la LOM vise à permettre à l'ensemble des collectivités, sur l'ensemble du territoire, de se saisir de l'enjeu des mobilités pour proposer à nos concitoyens des alternatives à l'usage individuel de la voiture. C'est l'ensemble de ces mesures qui doit permettre d'accompagner le secteur des transports vers une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux.

C'était aussi le sens des propositions présentées par le COI, sur lesquelles la programmation qui vous sera présentée prochainement s'appuie très largement.

J'ai eu l'occasion d'expliquer qu'il y avait cinq grands chantiers prioritaires. Le premier est l'entretien et la régénération de notre réseau routier – compte tenu des enjeux que chacun a en tête, a fortiori depuis la catastrophe de Gênes. Il y a également le renforcement des noeuds ferroviaires autour des grandes agglomérations et le désenclavement routier – pour prendre en compte tous les territoires auxquels on promet depuis des années une amélioration des routes qu'ils ne voient pas venir. Je cite souvent la mise à deux fois deux voies de la RN 164, déjà promise par le général de Gaulle ! J'évoquais aussi avec la présidente du conseil départemental de Lozère le comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIAT) de 1993, au cours duquel le Premier ministre de l'époque, M. Édouard Balladur, avait promis la mise à deux fois deux voies de la RN 88… C'est donc un enjeu majeur que d'être capable de mettre à niveau ces itinéraires et de répondre au sentiment d'enclavement – qui n'est pas qu'un sentiment – que peuvent vivre ces territoires.

J'ajoute le soutien aux mobilités actives et propres, avec un nouvel appel à projets pour les transports en commun en site propre, le plan « Vélo » sur lequel je reviendrai, puisque j'entends que certains le jugent insuffisant, et le financement des modes alternatifs à la route dans le domaine du fret.

La question de la ressource est évidemment un enjeu majeur. La programmation doit être financée.

Je pense qu'il ne fait pas mystère que nous jugeons nécessaire que le transport routier puisse davantage participer au financement des infrastructures. C'est bien le sens des concertations et de la consultation que j'ai engagées avec les acteurs du secteur – et sur lesquelles je pourrai revenir.

S'agissant enfin des zones à faibles émissions, vous avez vu que nous sommes passés, en un an, de deux territoires engagés dans cette mise en place à quinze métropoles ayant pris l'engagement de réduire progressivement l'accès aux véhicules les plus polluants dans des zones qu'elles définissent, et qu'elles auront l'occasion d'adapter. Cela montre quand même le chemin qui a été parcouru depuis un an ! Bien sûr, c'est l'ensemble des territoires qui doit se saisir de ces enjeux de pollution. La LOM prévoira à cette fin que les agglomérations fassent des études sur la mise en place de ces zones à faibles émissions, avec l'accompagnement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Par ailleurs, je suis convaincue qu'avec le soutien que nous apportons notamment aux VUL et aux petits poids lourds pour le verdissement des flottes, des progrès considérables peuvent être consentis, notamment en termes de logistique urbaine, pour réduire les émissions du secteur, et que les métropoles et les agglomérations sauront se saisir de ces outils.

Je réponds à Mme Valérie Beauvais que le Gouvernement assume une fiscalité écologique qui consiste à baisser les charges sur le travail et à augmenter la fiscalité pour ceux qui polluent. Comme vous le savez, la hausse que les automobilistes peuvent constater aujourd'hui à la pompe est largement indépendante de ce choix fiscal : elle est due, pour 50 % ou 70 %, à l'augmentation du prix du baril. Je suis parfaitement consciente que c'est un sujet de préoccupation, a fortiori pour ceux qui utilisent leur voiture. Mais c'est bien le sens des politiques menées par le Gouvernement, notamment avec la prime à la conversion – je rappelle que, grâce à elle, acheter un véhicule d'occasion plus récent c'est non seulement émettre moins de gaz à effet de serre, moins polluer, mais aussi consommer moins de carburant et donc faire des économies. Je rappelle le succès de cette prime à la conversion, qui bénéficiera à la fin de l'année à 250 000 bénéficiaires, alors que nous en avions envisagé 500 000 sur l'ensemble du quinquennat.

J'ai eu l'occasion de le dire, les moyens de soutien permettant aux particuliers d'adopter des véhicules plus propres augmentent de 63 % dans le cadre du budget 2019. Par ailleurs, tout ce que j'évoquais de la politique visant à permettre aux collectivités de se saisir des enjeux de mobilité et de proposer des alternatives à l'usage individuel de la voiture va dans ce sens. L'accompagnement du covoiturage a son importance également. Un chef d'entreprise m'indiquait hier que ses salariés se rendent compte de l'intérêt du covoiturage, tant en termes de pouvoir d'achat que pour la planète. Ces signaux sont peut-être, j'en suis consciente, difficilement visibles pour nos concitoyens, mais nous les accompagnons vers des alternatives à l'usage individuel de la voiture.

S'agissant de la participation des transporteurs étrangers, je me réjouis de votre soutien, mais il ne vous aura sans doute pas échappé que nous ne pourrons pas mettre en place une contribution des transporteurs étrangers qui ne concernerait pas les transporteurs français. C'est le sens des discussions que nous avons engagées. Comme j'ai eu l'occasion de le dire aux représentants des organisations professionnelles concernées, quand on voit que le remboursement de la TICPE est amené à passer de 700 millions d'euros à 2,7 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat, il paraît plus que jamais raisonnable de demander au secteur du transport routier de participer au financement des infrastructures. Les chiffres montrent d'ailleurs que si les usagers de la route, quels qu'ils soient, couvrent les coûts internes de l'infrastructure, ils ne couvrent pas ses coûts externes, loin de là. C'est le sens des discussions que j'ai engagées, et je me réjouis de pouvoir compter sur votre soutien.

S'agissant du raccordement, le Gouvernement soutient plus que jamais le déploiement des infrastructures de recharge. Je souligne que la LOM permettra de porter à 75 % la prise en charge par le réseau de distribution des coûts de raccordement. Au moment où nous souhaitons promouvoir des modes moins polluants, en particulier les véhicules électriques, nous soutiendrons évidemment le développement des infrastructures de recharge.

J'ai évoqué, madame Florence Lasserre-David, les pistes en matière de ressources. J'ajouterai que le transport aérien relève d'un cadre international et que la taxation du kérosène n'est pas autorisée dans ce cadre. En revanche, le secteur s'est engagé à maîtriser et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre – c'est le sens de l'accord conclu dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en vue d'une réduction de la consommation et d'un passage progressif aux biocarburants. Le mécanisme repose davantage sur des incitations et sur des échanges de quotas d'émission que sur la taxation, mais il faudra bien, in fine, avoir réduit de 50 % les émissions du secteur à l'horizon 2050. Tel est bien le sens de la stratégie nationale en faveur des biocarburants pour l'aérien que M. François de Rugy et moi souhaitons développer.

S'agissant du péage urbain, ce que nous proposerons de faire dans la LOM n'est pas de l'instaurer : la possibilité existe depuis le Grenelle de l'environnement. Mais les dispositions actuelles limitent sans doute à l'excès la durée d'expérimentation, limitée à trois ans : pour mettre en place un péage urbain, il faut une certaine durée, ce qui suppose d'investir dans des dispositifs. Le dispositif lui-même, en revanche, est très peu encadré : rien n'est dit de la concertation à mettre en place, ni de la nécessité de proposer des modes alternatifs tels que, par exemple, des transports en commun, ni des taux-plafonds qui pourraient être appliqués, ni des modalités de contrôle. C'est pourquoi la LOM encadrera ce qui est un outil parmi d'autres à disposition des collectivités. Je me garderai bien d'émettre un point de vue général, car il y aura autant de solutions que de situations locales. S'il s'agit d'une zone limitée dans laquelle des alternatives existent, le péage urbain peut être une solution, mais il existe d'autres outils, comme les zones à faibles émissions ; à un moment donné, les deux pourront se rejoindre. Ce que nous voulons, c'est mettre à la disposition des collectivités – sur ce sujet comme sur d'autres – des outils opérationnels, encadrés, proportionnés, avec toutes les garanties que la concertation sera bien menée et que les citoyens disposeront bien d'alternatives.

Monsieur Stéphane Demilly, je n'ai mentionné aucun grand projet. N'y voyez donc pas un manque d'intérêt pour le canal Seine-Nord Europe, sujet sur lequel vous savez que nous avons avancé. Vous avez vu que le Président de la République a annoncé une régionalisation de la société de projet. L'État a par ailleurs confirmé son engagement à hauteur d'un milliard d'euros par un emprunt à long terme de la société de projet, dont les annuités sont à rembourser par des taxes nationales à assiette locale. Vous savez que nous dialoguons sur ce sujet avec le président du conseil régional des Hauts-de-France. Ces dispositions fiscales n'ont pas à être dans la LOM, mais la perspective du déplacement du Président de la République peut procurer l'occasion d'aboutir rapidement sur des propositions précises. En tout cas, ce projet est clairement cité dans la programmation des infrastructures, et la régionalisation de la société de projet est également prévue.

Je me réjouis, monsieur Christophe Bouillon, de l'impatience avec laquelle vous attendez le texte de la LOM, et je la partage. Si sa mise au point a pris un certain temps, c'est d'abord parce qu'il a fait l'objet d'une concertation très approfondie, ensuite parce que les sujets ne sont pas simples – ce qui explique d'ailleurs qu'il n'y ait jamais eu de programmation des infrastructures. Les questions de gouvernance des collectivités ne sont pas non plus un sujet simple, pas davantage que celle des dispositifs de contrôle et de sanction liés à la mise en place des zones à faibles émissions. Il fallait donc prendre le temps nécessaire ; c'est ce qui a été fait, et le texte est en cours d'examen au Conseil d'État.

S'agissant de l'impact du Brexit sur les ports français, vous avez mentionné la proposition de la Commission européenne. J'y ai réagi dès le lendemain, en plein mois d'août, pour dire qu'elle n'était pas acceptable, et j'ai eu l'occasion de le redire à la Commissaire. Nous échangeons régulièrement, depuis, sur le sujet. Naturellement, les ports français devront trouver toute leur place dans les nouveaux flux qui se mettront en place à l'issue du Brexit, dans des conditions différentes selon qu'il y aura ou non un accord sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Je souligne que, comme j'ai eu l'occasion de l'écrire aux différents acteurs concernés, j'ai obtenu que soient réservés 65 millions d'euros sur les derniers crédits disponibles pour l'interconnexion des ports qui ne sont pas encore dans le réseau transeuropéen. J'invite donc tous les porteurs de projet à préparer des projets pour répondre à l'appel qui sera lancé.

Je pense avoir répondu sur le péage urbain. Le dispositif était à la fois trop limité dans le temps et insuffisamment encadré, me semble-t-il, pour donner des garanties à nos concitoyens.

Par ailleurs, je crains de ne pas avoir exactement la même lecture de notre politique que M. Loïc Prud'homme. Je n'ai pas l'impression que cette politique soit dans la continuité de ce que nous avions fait jusqu'à présent ou de ce qu'avaient fait mes prédécesseurs. Nous avons pris un engagement très fort en faveur du fret ferroviaire, outre l'augmentation de 50 % des crédits consacrés à la régénération du réseau. Si celle-ci avait démarré plus tôt, les choses seraient plus simples. Je pense que nos concitoyens qui prennent le train le voient. Nos entreprises qui ne peuvent pas utiliser le fret ferroviaire parce que les réseaux se sont dégradés le voient aussi. Nous avons engagé la nécessaire augmentation des crédits destinés à la régénération du réseau, mais, malheureusement, on ne modifie pas les choses du jour au lendemain. C'est aussi tout le sens de la politique que nous menons pour favoriser concrètement le fret ferroviaire, que ce soit en matière de péages, qui devraient augmenter de 10 %, ou d'aide au transport combiné.

J'ai bien noté que le plan « Vélo » semblait insuffisant à beaucoup, mais cela me rassure de savoir que les associations jugent que l'effort consenti est sans précédent, que jamais un plan aussi global n'avait été présenté et que jamais l'État ne s'était autant engagé en faveur du vélo. Jusqu'à présent, l'État considérait en effet que ce n'était pas son affaire. Aujourd'hui, nous prenons le sujet à bras le corps, au moyen d'un ensemble de mesures. Vous avez mentionné les 50 millions d'euros par an, mais vous oubliez les 500 millions d'euros annuels de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Les collectivités n'attendent pas de l'État qu'il se substitue à elles pour réaliser des itinéraires cyclables, mais qu'il les accompagne ponctuellement quand il convient de lever des discontinuités.

M. Hubert Wulfranc m'a interpellée sur les trains de nuit. J'ai eu l'occasion, après avoir fait un voyage très agréable dans l'un des trains de nuit qui circulent encore sur le territoire, d'annoncer que nous allions renouveler la convention entre l'État et la SNCF pour ces trains de nuit. Par ailleurs, nous allons engager leur modernisation. Un montant de 30 millions d'euros y sera consacré, à la fois pour leur modernisation technique et pour l'ajout d'un certain nombre d'éléments de confort indispensables, comme la pose de prises électriques, la modernisation des toilettes ou la rénovation des couchettes. Les travaux démarreront dès l'an prochain.

Je remercie M. Bertrand Pancher pour son commentaire général sur le budget et répondrai d'abord à sa question sur le Grand Paris. Nous avons souhaité – c'était le sens des annonces du Premier ministre – fixer un calendrier réaliste à la mise en oeuvre de ce projet d'une ampleur considérable, qui est le plus grand chantier d'Europe. Je n'ai aucun doute sur son utilité : il permettra de mailler la banlieue, qui a été la grande oubliée des plans d'aménagement des années 1970, et de soutenir un redéveloppement urbain qui sera bénéfique non seulement aux habitants, mais aussi aux entreprises et, au-delà, à tout le pays. Il faut, pour ces chantiers d'une grande complexité, des calendriers crédibles, et c'est le sens des annonces faites par le Premier ministre. Nous réfléchissons à la question des ressources, avec la volonté de ne pas endetter à perpétuité la Société du Grand Paris. Des amendements au PLF pourraient être déposés, s'inspirant des pistes intéressantes avancées par M. Gilles Carrez.

Par ailleurs, nous comptons bien tous que le CDG Express soit mis en service pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La déclaration d'utilité publique (DUP) a été validée récemment par le Conseil d'État.

J'en viens aux questions de Mme Zivka Park sur le transport aérien. Je voudrais souligner qu'un travail très important a été effectué, qui couvre tous les sujets – la performance économique, l'impact sur les territoires, le développement durable, l'accessibilité des aéroports et les enjeux sociaux. Je ne vais pas détailler les propositions qui ont été préparées à l'occasion de ces assises, et dont certaines relèvent uniquement du ministère des transports, tandis que d'autres nécessitent des discussions interministérielles. Il n'a échappé à personne que la gouvernance d'Air France a connu une certaine vacance au cours des derniers mois, et il est essentiel que je puisse dialoguer avec le nouveau dirigeant d'Air France-KLM sur la performance du transport aérien en France. Cela justifie à mes yeux que l'on décale un peu la clôture des assises.

Je confirme à M. Damien Pichereau que les très importants enjeux de la régénération du réseau routier seront au coeur de la programmation, avec notamment la perspective de passer à 850 millions d'euros d'ici à la fin du quinquennat et à 930 millions d'euros sur le prochain quinquennat. Nous avons absolument besoin de ces investissements si nous voulons permettre aux utilisateurs de la route de disposer d'un réseau de qualité.

Je salue, monsieur Jimmy Pahun, les amendements qui ont été adoptés sur le verdissement des navires. Je pense que l'on pourra peut-être ajouter la propulsion vélique. En tout cas, il me semble très important d'inclure le transport maritime dans ces enjeux de transition énergétique, car cela n'avait pas été le cas jusqu'à présent. Une étape très importante a ainsi été franchie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.