Intervention de Danielle Brulebois

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Brulebois, rapporteure pour avis :

Monsieur le Président, mes chères collègues, mes chers collègues. Programme ambitieux, le programme 181 « Prévention des risques » est doté, pour l'année 2019, de 841 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 835 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Ces crédits, répartis en 5 actions, la prévention des risques technologiques et des pollutions (action n° 1), la sûreté nucléaire et la radioprotection (action n° 9), la prévention des risques naturels et hydrauliques (action n° 10), la prévention des risques liés aux anciens sites miniers (action n° 11), répondent, à l'exception de la dernière action, l'action n° 12, financement de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) dont la finalité est plurielle, au même impératif : prévenir les risques, à savoir empêcher une catastrophe d'advenir.

Les deux actions les plus dotées du programme sont l'action n° 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » et l'action n° 12 « Financement de l'ADEME ».

L'analyse des crédits de ce programme fait apparaître une sanctuarisation des crédits dont il faut se féliciter, dans un contexte de contrainte des finances publiques.

En effet, par rapport aux crédits votés en 2018, les prévisions pour 2019 accusent simplement une légère baisse, inférieure à 1 % des crédits votés en loi de finances pour 2018, légère baisse qui correspond à une réduction générale des crédits dans un contexte de maîtrise des finances publiques, baisse dont il importe de s'assurer qu'elle restera modérée et ne sera pas accentuée, en fin d'exercice budgétaire, une fois les crédits votés, par un gel, voire un surgel, des crédits.

C'est parce que c'est la majorité actuelle qui a mis fin à cinq années de baisse continue des crédits du programme 181 et que la prévention des risques ainsi que la transition écologique portées par les crédits de l'ADEME restent, depuis 2017, des priorités de l'action gouvernementale.

Parce que le Gouvernement a choisi d'en faire une action prioritaire de sa politique en sanctuarisant ces crédits, votre rapporteure pour avis soutient sans réserve les crédits du programme 181.

À ce titre, ce programme apparaît, clairement, eu égard aux objectifs affichés, comme une réussite au vu du peu d'accidents industriels recensés, car paradoxalement, c'est bien parce que la prévention des risques est bien assurée, que le risque disparaît et devient invisible.

Pour autant, l'absence d'accidents spectaculaires souvent meurtriers d'origine industrielle, ne doit pas conduire à baisser la garde, et ce, à un double titre.

L'absence de véritable culture du risque en France conduit à ne tirer les leçons que des catastrophes passées – l'usine AZF voire la catastrophe nucléaire de Fukushima – leçons qui ont par ailleurs conduit à une approche davantage prudentielle en termes de prévention des risques, dont l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est la conséquence en passe d'être définitivement concrétisée.

Or, d'une part, cette apparente réussite repose sur un suivi renforcé des mesures prises et tirées des expériences passées, suivi qui nécessite des moyens afférents et des crédits constants.

Et, d'autre part, le développement de la technologie et du réchauffement climatique nécessite également de davantage anticiper les conséquences de ce qu'il est convenu d'appeler les risques émergents, dans un domaine de recherche nouveau qui implique de faire une liaison entre la santé et l'environnement, et conduit à la mesure des effets dits « cocktail », à l'analyse de la lutte contre l'apparition d'espèces envahissantes exotiques telles que la pyrale du buis, ou encore à l'analyse des mesures des effets de la 5G, des nano particules et des perturbateurs endocriniens notamment.

La prévention des risques appelle donc de la part des pouvoirs publics une vigilance constante et renforcée, d'autant que l'absence de culture du risque, au sens anglo-saxon du terme, implique une sensibilité accrue au risque qui se manifeste par une tolérance zéro à son endroit et a pour corollaire une défiance envers les pouvoirs publics.

Dans le cadre d'un premier déplacement, à Marseille, le 4 octobre dernier, sur le site du Parc national des Calanques, à Gardanne ainsi qu'à La Mède, votre rapporteure pour avis a pu observer les actions relatives à la prévention des risques industriels ainsi que celles relatives à la dépollution des sites industriels dits « orphelins » en partenariat avec l'ADEME, sites situés dans le Parc national des Calanques, ainsi que les actions de prévention et de sanction des pollutions industrielles du fait de la présence de « poussières rouges », la question du rejet des « boues rouges » ayant été préalablement traitée par l'usine Alteo, à l'origine de cette pollution industrielle, du fait d'une action ferme des services de la DREAL PACA.

Lors d'un second déplacement, le 19 octobre dernier, à Lons-le-Saunier, votre rapporteure pour avis a également pu observer la prévention de la santé au travail dans le cadre d'une usine de l'entreprise GCPAT, à Larnaud, dans le Jura, et notamment la difficulté à anticiper la question des risques émergents qui ne sont pas encore entièrement pris en compte par la législation, tels que les effets des nanoparticules ou des perturbateurs endocriniens sur les salariés qui manipulent ses substances.

C'est pourquoi si votre rapporteure pour avis soutient sans réserve les crédits affectés au programme 181 un renforcement des crédits s'avère nécessaire pour répondre à un impératif de transparence et d'efficacité pour trois actions prioritaires : la politique de prévention des risques sur le terrain, le financement de la recherche des risques émergents et l'accompagnement de la transition énergétique portée par l'ADEME, préalable à la préservation de l'environnement du fait d'une croissance propre.

Tout d'abord, la prévention des risques demeure une action prioritaire à consolider.

En effet, le rythme d'inspection des installations classées a fortement décru en 10 ans puisque l'on est passé d'une moyenne annuelle d'environ 25 000 contrôles par an à environ 18 500 par an.

Si le nombre de contrôles réalisés reste élevé en 2017 – près de 18 500 visites d'inspection ont été réalisées, dont 10 000 visites d'inspection approfondie – il n'est pas suffisant eu égard à l'importance de ces inspections pour préserver l'environnement, mais également éviter la survenue d'accidents industriels.

En effet, un inspecteur a en charge l'inspection de 440 usines ou barrages, chiffre éloquent qui montre l'ampleur de la tâche à accomplir et la nécessité de renforcer les effectifs sur le terrain pour que le nombre d'accidents recensés en France reste peu élevé.

Le nombre minime d'accident ne doit pas faire oublier que les causes profondes des accidents industriels sont dues soit à une mauvaise organisation sur le site industriel, soit à un non-respect de la législation, ce qui renforce la nécessité, pour maintenir ce taux bas, d'un contrôle régulier et continu des installations classées.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteure pour avis a déposé un amendement de crédits visant à augmenter les crédits du programme 217 portant les personnels du programme 181 à hauteur de 10 millions d'euros de manière ce qui correspond à une augmentation d'environ 200 ETPT qu'il faudrait affecter au contrôle des installations classées.

Renforcer les crédits de la recherche sur les risques émergents demeure également fondamental, notamment dans un contexte d'aversion au risque.

Jean-Pierre Dupuy, dans son ouvrage Pour un catastrophisme éclairé, quand l'impossible est certain, rappelle que la certitude de l'inacceptable doit pousser à agir, et à agir en toute transparence pour rendre justement le risque acceptable, le risque zéro n'existant pas.

Par définition, les risques émergents sont des risques mal définis dont on ne mesure pas encore tous les effets sur la santé humaine, animale et végétale pour pouvoir les classer comme étant des risques à part entière. Cette nouvelle catégorie de risques est particulièrement large car elle englobe tant la 5G, que la prise en compte des effets cocktail, l'exposition aux nanoparticules voire aux perturbateurs endocriniens, ou les nuisances induites par des espèces envahissantes telles que la pyrale du buis pour n'en citer que quelques-uns.

La mesure de ces risques émergents nécessite donc d'engager d'importants crédits. Les appels à projets étant pluriannuels il importe pour l'ANSES, sur des projets de cette envergure, d'avoir une certitude pluriannuelle quant aux engagements de l'État dans ce domaine. L'augmentation des crédits de recherche demandée par l'amendement de votre rapporteure répond donc partiellement à cette demande.

Conforter les crédits de l'ADEME pour assurer la transition énergétique et solidaire, notamment le financement du Fonds chaleur reste une priorité.

La transition énergétique et le financement de la croissance verte se trouvent, en effet, au coeur de la mission de l'ADEME et se décline essentiellement autour de deux programmes, le programme « Chaleur renouvelable » plus connu sous le nom de Fonds chaleur et le programme « Économie circulaire et déchets », plus communément intitulé Fonds déchets.

Le programme « Chaleur renouvelable » contribue à l'objectif, fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, de porter d'ici 2020 la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation énergétique nationale et à 32 % en 2030. Il finance essentiellement les investissements de production et de distribution de chaleur renouvelable.

La dotation budgétaire dont bénéficie l'ADEME, pour charges de service public, à hauteur de 591 millions d'euros en loi de finances initiale en 2019, est en baisse de 6 millions d'euros par rapport à 2018. Si en valeur nominale cette baisse peut sembler conséquente, en valeur relative elle se trouve inférieure à 1 %, soit 0,98 % exactement.

Si l'ADEME n'est pas sous dotée dans les prévisions budgétaires en loi de finances pour 2019, eu égard aux enjeux en termes de transition énergétique, et de fonctionnement de l'agence, la stabilité du budget était au minimum un préalable, et qu'eu égard à l'élargissement du champ d'intervention de l'agence, l'augmentation du budget devrait être envisagée.

En effet, la budgétisation de l'agence votée en loi de finances initiale pour 2018, si elle a des vertus – visibilité annuelle, budget pérenne non soumis à la variabilité d'une taxe – emporte un inconvénient majeur : celui relatif à la régulation budgétaire, gel et surgel des crédits décidé par Bercy, notamment en fin d'exercice budgétaire.

Pour votre rapporteure pour avis l'agence devrait avoir la garantie du Gouvernement qu'elle ne sera pas impactée par les questions de régulation budgétaire, eu égard à l'importance de ses missions.

Concernant l'augmentation du Fonds chaleur, la parole présidentielle ayant été engagée, le ministre de la transition écologique et solidaire, M. François de Rugy, a rappelé devant le Sénat, le 2 octobre dernier, l'engagement du Gouvernement à augmenter le Fonds chaleur dès 2019, à hauteur de 300 millions d'euros, proposition à laquelle votre rapporteure pour avis souscrit, le Fonds chaleur étant un acteur essentiel de la transition énergétique.

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