Monsieur le président, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, nous en arrivons à l'examen des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », qui représentent une partie significative des crédits dédiés à l'impulsion et à l'accompagnement de la transition énergétique et écologique de notre pays.
Les crédits du programme 174 représentent un peu plus de 400 millions d'euros, dont près de 90 % sont dédiés au financement de l'accompagnement social de la fin de l'activité minière. La plupart sont gérés par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) qui s'occupe notamment de verser des prestations de logement et de chauffage aux anciens mineurs. Une autre partie finance la remise en état de certains sites, notamment du site de stockage de déchets Stocamine qui a fait l'objet de la mission d'information présidée par notre collègue M. Vincent Thiébaut.
Les 22,8 millions d'euros prévus pour 2019 ont été calculés sur la base d'un scénario de poursuite du confinement des déchets. Le rapport de la mission d'information étudie toutefois l'hypothèse d'un déstockage des déchets. Le montant des crédits exécutés est donc susceptible de varier fortement selon le scénario retenu. Un arbitrage pourrait être rendu au printemps prochain.
Globalement, les crédits de l'action 04 connaissent une baisse de près de 31 millions d'euros, baisse mécanique qui résulte essentiellement de la diminution du nombre de bénéficiaires des dispositifs d'accompagnement social de l'après-mines. Les droits des anciens mineurs ne sont bien entendu nullement affectés. J'ai au contraire pu constater la très grande qualité de l'action de l'ANGDM, dont le plan « Bien vieillir » porte une attention particulière aux aidants, qui est à saluer.
Cette baisse des crédits de l'action 04 explique la diminution de 26 millions d'euros des crédits du programme 174. Les crédits des trois autres actions connaissent, quant à eux, une augmentation de près de 5 millions d'euros qui traduit le volontarisme du Gouvernement dans la mise en oeuvre d'une transition écologique réussie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique.
Les crédits de l'action 05 augmentent de trois millions d'euros pour atteindre près de 34 millions d'euros. C'est un montant significatif qui permettra de financer des études et des démarches liées à la mise en oeuvre des plans et dispositifs de lutte contre la pollution.
L'action 05 comporte aussi les crédits de l'enveloppe spéciale de transition énergétique (ESTE), au titre de laquelle 700 millions d'euros ont été engagés et 475 millions d'euros ont déjà été payés.
Le projet de loi de finances ne prévoit pas cette année de crédits de paiement au titre des 255 millions d'euros de restes à payer jusqu'en 2021. Un état de l'avancement des actions serait en conséquence nécessaire pour mieux estimer le montant des crédits de paiement qui devront être ouverts et le calendrier de leur décaissement.
Les crédits de l'action 01 relative à la mise en oeuvre de la politique de l'énergie augmentent de près d'un million d'euros pour atteindre 5,2 millions d'euros.
Ces crédits serviront à poursuivre le financement d'actions peu onéreuses mais néanmoins essentielles, qu'il s'agisse de la participation du ministère au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ou encore du soutien des revendications françaises en matière de délimitation du plateau continental, dit programme EXTRAPLAC.
Je tiens d'emblée à préciser que je m'opposerai aux amendements qui visent à réduire les crédits de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) au motif d'une opposition au projet de centre industriel de stockage géologique (CIGÉO). La subvention de 2,8 millions d'euros qui lui est accordée ne sert pas à financer ce projet mais à réaliser un inventaire national des déchets radioactifs et à traiter des déchets orphelins lorsque le principe « pollueur-payeur » ne peut pas être appliqué. Ces deux missions me semblent indiscutablement être d'intérêt général et justifier un financement de l'État. Prétendre régler la question du nucléaire en écartant la question des déchets et en niant leur existence m'apparaît dangereux.
Le second volet des crédits examinés dans le rapport est le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », dont l'objet est de financer les dispositifs de soutien aux producteurs d'énergie renouvelable.
Ce soutien s'élèvera à plus de 5 milliards d'euros pour 2019, le montant total du compte atteignant plus de 7 milliards d'euros pour tenir compte du remboursement du principal de la dette due à EDF par l'État au titre d'anciennes obligations dans le cadre de sa contribution au service public de l'électricité (CSPE).
Ce montant est considérable. Je constate toutefois que le soutien apporté aux producteurs est presque exclusivement tourné vers l'électricité, alors que la consommation de chaleur représente 50 % de la consommation finale et que d'autres filières que l'électricité contribuent fortement à sa production.
Je salue l'augmentation de 30 % des aides au gaz renouvelable et considère que l'effort doit être encore amplifié.
De ce point de vue, l'augmentation des crédits du Fonds chaleur de l'ADEME est essentielle pour le volet consacré à l'investissement des dispositifs de soutien. Le conseil d'administration de l'agence a voté une augmentation de 14 % du budget du fonds pour 2018 et le ministre a annoncé son augmentation de 100 millions d'euros pour 2019.
Ces deux décisions vont dans la bonne direction et elles nécessitent d'être appuyées. J'ai donc déposé deux amendements alternatifs pour consolider la démarche.
Le premier vise à doubler le fonds en augmentant de 200 millions d'euros le budget de l'ADEME. Ce n'est que par ce doublement que la France se placera à la hauteur des enjeux et des objectifs qu'elle a inscrits dans la loi et sur lesquels elle s'est engagée vis-à-vis de ses partenaires dans le cadre de l'Accord de Paris et de l'Agenda 2030.
Le second, qui est un amendement de repli, prévoit de consolider le budget de l'agence de 100 millions d'euros afin que l'augmentation annoncée ne se fasse pas a minima, au détriment des autres missions de l'agence. Je pense à la mise en oeuvre du plan hydrogène, à la feuille de route sur l'économie circulaire ou encore au financement de la recherche.
Lors des auditions, mon attention a également été attirée sur d'autres sujets essentiels à la mise en oeuvre d'une transition énergétique et écologique solidaire.
Il s'agit en premier lieu du crédit d'impôt pour la transition écologique (CITE) : le Gouvernement a pris l'an dernier les dispositions nécessaires pour concentrer l'effort sur des gestes plus performants du point de vue énergétique. Dans cette perspective, il faudrait renforcer la démarche de diagnostic afin de rendre le dispositif encore plus efficient.
Le Gouvernement a également décidé de faciliter les démarches pour que les ménages les plus précaires n'aient plus besoin d'avancer les sommes nécessaires en lien avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). C'est une initiative essentielle qui mériterait à mon avis d'être prolongée, dès que cela sera techniquement possible, par la conversion du crédit d'impôts en prime pour tous.
Il s'agit, en deuxième lieu, du chèque énergie. L'augmentation de son montant a été unanimement saluée mais il a également été indiqué que l'augmentation du prix du gaz pourrait gommer l'effet de cette augmentation pour certains publics, pour lesquels le montant du chèque demeure par ailleurs insuffisant.
Il s'agit, en troisième lieu, du changement d'approvisionnement de gaz dans les Hauts-de-France en raison du tarissement des gisements de gaz aux Pays-Bas. Les chaudières de plus de quinze ans n'étant pas compatibles avec le nouveau type de gaz, il faudra trouver un véhicule législatif adapté dans les prochains jours pour résoudre ce problème urgent et éviter une rupture d'approvisionnement dès le premier trimestre de l'année 2019. Le gouvernement précédent avait pris en compte ce problème dans une loi, mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés. J'ai déposé un amendement qui propose une solution rapide à mettre en oeuvre, qui bénéficiera notamment aux personnes âgées exposées à la précarité énergétique qui n'ont pas les moyens de rénover leurs appareils.
Avant de conclure, je voudrais vous inviter à lire la seconde partie de mon rapport qui interroge la contribution de la recherche, de l'innovation et du numérique à l'atteinte des objectifs de développement durable (ODD), notamment l'ODD n° 7 « Garantir l'accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».
Le choix d'un angle large pour traiter le sujet a permis de mettre en évidence certaines difficultés qu'il serait très intéressant d'approfondir dans le cadre de la mission d'information en cours sur les freins à la transition énergétique ou d'une mission dédiée.
Je voudrais toutefois d'ores et déjà partager avec vous trois conclusions importantes de mon rapport.
Premièrement, la recherche française dans le domaine de l'énergie est excellente mais les choses se compliquent à la sortie du laboratoire. Les innovations dont le modèle économique n'a pas encore prouvé sa viabilité immédiate mais qu'il est néanmoins nécessaire de tester, ne bénéficient pas d'un soutien suffisant comme l'avait déjà pointé l'an dernier notre collègue M. Gérard Menuel dans son avis sur la recherche. La faiblesse des taux de consommation des crédits du programme d'investissement d'avenir (PIA) gérés par l'ADEME qui visent à soutenir les « démonstrateurs » montre que, même lorsque la viabilité du modèle économique est testée, le soutien financier n'est pas forcément à la hauteur des enjeux. Enfin, une fois les innovations éprouvées, demeure l'enjeu de la consolidation des filières et de la baisse des coûts de production. C'est tout le droit commun de l'aide aux entreprises qui est interrogé, notamment la cohérence et le ciblage des dispositifs fiscaux, eu égard à l'encadrement européen très strict des aides directes.
Cela m'amène à mon deuxième point : si le financement des innovations techniques est indispensable, il faut aussi faire preuve d'audace dans l'innovation juridique, budgétaire et sociale afin de faciliter la mise sur le marché des innovations technologiques. Il y a aussi derrière cela un enjeu humain décisif, car sans pédagogie et surtout sans protection des citoyens, le progrès technique ne sera pas accepté, comme l'illustrent les difficultés rencontrées avec les compteurs Linky.
Dernier point : la multiplicité des acteurs, des financements et des centres de décision rend nécessaire un renforcement de la gouvernance afin que les enjeux environnementaux soient pris en compte à la hauteur de leur importance en matière de recherche et d'innovation dans les domaines de l'intelligence artificielle et du numérique. Je suis convaincue qu'avec un recentrage de certains dispositifs sous l'impulsion du ministère de la transition écologique et solidaire, nous pourrions faire du numérique un puissant levier de transformation au service de la transition écologique que nous appelons tous de nos voeux.
Enfin, j'invite chacun d'entre nous à s'interroger sur la lisibilité des indicateurs budgétaires actuels. Je soutiens l'idée que ceux-ci devraient être revus pour être alignés, par exemple, sur les excellents indicateurs de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui reprennent les objectifs de développement durable.
Pour conclure, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 174 et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».