Madame la secrétaire d'État, chers collègues, le soutien aux entreprises est un élément particulièrement stratégique du budget. De la vigueur des entreprises françaises dépendent non seulement la résorption du déficit de compétitivité et le dynamisme de la croissance et de l'emploi, mais également le développement harmonieux de l'ensemble des territoires. Au côté de l'instrument fiscal, le budget permet de financer des dispositifs d'intervention pour les très petites entreprises (TPE) et PME. Si le cadre fiscal et normatif français en faveur des entreprises s'est amélioré, les marges de progression restent considérables, dans la mesure où la France n'arrive qu'à la vingt et unième place du classement Doing Business réalisé par la Banque mondiale dans l'ensemble des pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).
Dans ce contexte, l'importante baisse des moyens dévolus aux politiques de soutien aux entreprises françaises me semble particulièrement préoccupante. Le programme 134 enregistre en effet une baisse considérable de ces crédits : de 13,1 % en autorisations d'engagement et de 7,8 % en crédits de paiement. L'État consacre pour la première fois en 2018 moins de 1 milliard d'euros aux actions de développement des entreprises et de régulation. Les crédits s'élèvent en effet à 891 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 905 millions d'euros en crédits de paiement. Si la maîtrise de la dépense publique est une préoccupation que nous partageons tous, la suppression de certaines aides aux entreprises pourtant considérées comme efficientes par l'ensemble des acteurs risque de freiner le développement du tissu productif français.
Je souhaite faire une remarque préliminaire relative aux évolutions de la maquette budgétaire. Ses modifications substantielles nuisent considérablement à la lisibilité du budget. Par exemple, la suppression de l'action « Tourisme » et son intégration au sein de l'action « Industrie et services » rend moins claire la politique gouvernementale en la matière.
J'attire votre attention sur certaines suppressions et diminutions de crédits inquiétantes. C'est d'abord le cas de la suppression des dotations allouées par l'État à BPIfrance pour soutenir son activité de garantie. J'ai pu mesurer combien cette activité répondait efficacement aux problématiques de financement de nombreuses entreprises. Ce dispositif permet de pallier la frilosité des banques face à des projets considérés comme trop risqués et présente un effet de levier considérable : avec 272 millions d'euros de budget, ce sont 8 milliards d'euros de crédits qui peuvent être octroyés.
Je m'interroge ensuite sur le message que le Gouvernement adresse aux territoires en difficulté. J'avais déjà eu l'occasion de regretter les baisses récurrentes du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), l'an dernier et lors du « Printemps de l'évaluation ». C'est aujourd'hui sa suppression pure et simple qui est proposée. Son maintien est essentiel pour garantir l'efficacité de cette politique publique, notamment dans le cadre du plan « Action Coeur de ville » lancé par le Gouvernement. Les projets financés dans le cadre de ce plan ne sauraient remplacer l'action du FISAC, car les périmètres d'intervention diffèrent.
Je m'interroge également sur l'opportunité de la suppression prévue par le PLF pour 2019 de l'Agence France Entrepreneur, chargée de promouvoir l'entreprenariat dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le Gouvernement a annoncé que cette mission serait désormais assurée par BPIfrance à compter du 1er janvier 2019, mais avec quels moyens ?
Enfin, ces évolutions défavorables à l'économie de proximité risquent d'être amplifiées par la réduction drastique des financements publics alloués aux chambres de commerce et d'industrie. Le maintien des CCI départementales et territoriales est particulièrement crucial.
J'ai souhaité dans la deuxième partie de mon rapport approfondir la question du financement des TPE. Ces dernières représentent 96 % du tissu productif national. Les répercussions de la crise économique de 2008 ont pendant un temps rendu extrêmement difficile l'accès des TPE au financement. Aujourd'hui, je tiens à partager avec vous ma satisfaction de savoir ces difficultés dans l'ensemble résorbées. L'amélioration de la conjoncture économique et la baisse des taux d'intérêt expliquent ce rétablissement des conditions de financement des TPE.
Toutefois, ce constat globalement positif masque la persistance d'un certain nombre d'obstacles structurels. L'accès au crédit reste moins favorable aux TPE qu'aux autres entreprises françaises. Ces difficultés se manifestent particulièrement pour le financement des investissements matériels ou encore en matière d'accès au crédit de trésorerie. En la matière, seules 73 % des TPE obtiennent en moyenne une réponse favorable, alors que c'est le cas de 87 % des PME.
Les facteurs d'explication sont bien identifiés : les TPE sont considérées par les banques comme présentant des activités par nature plus risquées. En conséquence, elles bénéficient de conditions moins avantageuses. Le manque de compétence financière des TPE françaises peut également freiner leur accès au financement, dans un contexte où les dossiers de financement sont d'une technicité croissante. Ces difficultés peuvent être aggravées dans certains cas de figure : ainsi, une TPE en phase de développement, déployant une activité tertiaire en milieu rural et dirigée par une femme de moins de quarante ans, cumulerait autant de handicaps susceptibles d'entraver son accès au financement. La persistance de ces obstacles précis nourrit une certaine défiance des TPE envers leurs banques et peut déclencher des mécanismes d'autocensure.
C'est à l'aune de l'ensemble de ces constats que je propose dans mon rapport plusieurs pistes d'évolutions pour améliorer l'accès au financement des TPE françaises.
En premier lieu, le maillage bancaire territorial et la relation de proximité entre les dirigeants de TPE et leur conseiller sont essentiels et doivent encore être consolidés. En deuxième lieu, face aux défaillances de marché évoquées, je tiens à redire ici l'importance de préserver la dotation de l'État consacrée au financement d'une partie de l'activité de garantie de BPIfrance.
De manière plus générale, au côté des dispositifs d'aides financières qu'il faut préserver, l'accès au financement des TPE nécessite un travail fondamental d'accompagnement de leur projet. Les réseaux d'entreprises, comme Initiative France ou Réseau Entreprendre, jouent à ce titre un rôle majeur. Le taux de pérennité des entreprises accompagnées par un réseau est près de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Or, moins de 15 % des TPE bénéficient d'un tel accompagnement. Il s'agit là d'un potentiel très important pour favoriser les créations et le développement des TPE sur l'ensemble des territoires. Un soutien supplémentaire à ces réseaux pourrait prendre la forme d'un niveau de garantie publique plus élevé pour les entreprises accompagnées dans ce cadre.
Il s'agit également, face à la diversité des offres publiques et privées existantes, d'aiguiller les TPE dans leur recherche de financement et d'accompagnement. C'est le rôle des réseaux consulaires mais également des nouveaux « correspondants TPE » mis en place depuis 2016 par la Banque de France.
D'autres pistes peuvent également être envisagées, dans le sens de la diversification des modes de financement des TPE, via les Business Angels et le financement participatif notamment. D'une part, l'ouverture du capital des TPE françaises, notamment aux Business Angels, peut constituer une solution intéressante dans le cas particulier des start-ups. Pour encourager le développement de ces outils de financement, le levier fiscal pourrait utilement être actionné, en prévoyant, par exemple, un taux de réduction d'impôt sur le revenu plus élevé pour les investissements réalisés dans des TPE ou PME créées depuis moins de trois ans.
D'autre part, le financement participatif peut trouver sa place au sein de la palette de financements des TPE traditionnelles. Il offre une réelle complémentarité au côté du financement bancaire pour les TPE à la recherche de souplesse et de rapidité dans l'accès au financement.
En guise de conclusion, j'aurai quelques questions à vous poser, Madame la secrétaire d'État. Quels dispositifs envisagez-vous pour soutenir le commerce de proximité et l'artisanat ?
L'année précédente, votre prédécesseur s'était engagé en séance publique à ce que les crédits supplémentaires alloués au FISAC bénéficient en priorité aux stations-services de maillage, confrontées à des difficultés de financement particulières. Or les critères d'éligibilité au FISAC ont, dans les faits, considérablement limités l'accès à ce fonds pour les stations-services concernées. Quelles mesures envisagez-vous pour remédier à ces difficultés ?
Enfin, le PLF pour 2019 prévoit la suppression du financement par l'État d'une partie de l'activité de garantie de BPIfrance. Quels dispositifs alternatifs pourraient être mis en place pour répondre aux difficultés structurelles de financement des TPE ?