Bienvenue, Madame la secrétaire d'État. Nous aurons à travailler ensemble sur des sujets passionnants.
Je vais vous faire une présentation la plus synthétique possible des crédits de la mission « Économie » qui concernent les communications électroniques et l'économie numérique.
Je commencerai par le budget des deux principaux opérateurs du secteur : l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Les crédits de l'ARCEP sont stables, après un rattrapage budgétaire ces dernières années. Si l'Autorité s'est vu confier quelques missions supplémentaires, notamment la surveillance de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui est désormais habilitée, à des fins de protection des systèmes d'information, à contrôler les réseaux des opérateurs, elle nous a confirmé être en mesure de les assurer à moyens constants.
Les moyens de l'ANFR poursuivent leur décroissance année après année – trois ETP de moins cette année, quatorze ETP de moins entre 2018 et 2020 –, alors même que les missions se développent. L'ANFR se voit ainsi transférer la gestion de l'émetteur d'Allouis et les crédits correspondant à la prestation contractuelle, mais sans effectifs dédiés. Il me semble que nous atteindrons bientôt le seuil en deçà duquel les moyens ne pourront plus être diminués.
J'en viens maintenant au développement des réseaux de télécommunication, qui constituent l'essentiel des crédits dont j'ai la charge.
Premièrement, s'agissant du réseau mobile. Son financement est le fait des opérateurs privés, sous la surveillance de l'ARCEP, qui veille notamment à la bonne concurrence dans le secteur. L'année 2018 a été marquée par un événement majeur, qui va permettre de réorienter de nombreuses politiques publiques : le « New Deal mobile », conclu au mois de janvier par l'État, l'ARCEP et les opérateurs. Cet accord est novateur car il se substitue au mécanisme antérieur des attributions de licences aux enchères. En contrepartie de l'absence de rentrées budgétaires, l'État a obtenu de nombreux engagements des opérateurs, qui permettront d'assurer l'égalité de nos concitoyens sur le territoire et la qualité du service.
J'en cite les principaux.
Chaque opérateur va devoir équiper 5 000 sites nouveaux en installation 4G. Compte tenu des possibilités de mutualisation entre opérateurs, ce sont entre 5 000 et 10 000 sites qui devraient être équipés d'ici à 2022. Ces sites seront choisis par les collectivités territoriales, en fonction des besoins locaux.
Tous les pylônes 2G et 3G vont être convertis en pylônes 4G d'ici à la fin de l'année 2020, afin d'accroître la qualité de service.
Enfin, d'ici à la fin de l'année 2020, les 55 000 kilomètres de réseau routier national prioritaire seront couverts en voix et données, de même que le réseau ferroviaire, à l'échéance 2025.
C'est donc un changement d'échelle dans la couverture des zones rurales. Ces engagements, je le précise, ne sont pas des engagements de papier car leur mise en oeuvre est soumise au contrôle de l'ARCEP et peut donner lieu à sanction en cas de non-respect.
J'en profite pour dire un mot de la 5G. Tous les usages de cette nouvelle technologie n'ont pas encore été identifiés. Elle devrait en tout cas permettre de fiabiliser les connexions au réseau mobile, ce qui pourrait être utile pour la voiture autonome.
Les fréquences de la 5G vont être choisies, en 2019, au niveau international. En France, des premières expérimentations in situ ont déjà été lancées, avec des mesures des champs électromagnétiques induits. Enfin, le processus d'attribution des licences devrait aboutir en 2019, sous la direction de l'ARCEP.
Il est incontestable que le déploiement de la 5G nécessitera des investissements considérables de la part des opérateurs. Il faut donc être attentif à ce que les conditions financières d'attribution des fréquences soient compatibles avec ces investissements. Par exemple, en Italie, les enchères ont atteint 6 milliards d'euros, contre 2,5 milliards d'euros initialement attendus, ce qui compromet la capacité ultérieure à déployer le réseau.
J'aurai à ce titre deux questions, Madame la secrétaire d'État.
Comment voyez-vous le processus d'attribution des fréquences 5G ? Faut-il procéder à des enchères ou privilégier une méthode concertée avec les opérateurs, comme pour le « New Deal mobile » ?
Certains acteurs, dans une logique verticale, pourraient vouloir obtenir des fréquences 5G, par exemple pour équiper des sites industriels. Dès lors, les opérateurs de télécommunications ne seraient plus les seuls à gérer des fréquences. Le Gouvernement est-il favorable à ce type d'attributions ?
J'en viens au réseau fixe. Le principal investissement de l'État porte sur le développement de la fibre, avec un objectif de couverture de l'intégralité du territoire en 2022. C'est une action de long terme puisque le plan France très haut débit a été engagé en 2013. L'État y a investi 3,3 milliards d'euros, pour un investissement total supérieur à 20 milliards d'euros, dont l'essentiel est supporté par les opérateurs. C'est donc une bonne opération pour les pouvoirs publics et pour la France, qui sera l'un des premiers pays entièrement fibrés.
Comme vous le savez, notre territoire est réparti en trois types de zones : les zones très denses, dans lesquelles plusieurs opérateurs peuvent déployer un réseau tout en étant rentables ; les zones d'initiative privée ou zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII), pour lesquelles le déploiement du réseau est attribué à un opérateur ; enfin, les zones d'initiative publique ou zones de réseau d'initiative publique (RIP), où le déploiement du réseau est placé sous la responsabilité des collectivités territoriales. Dans ces dernières zones, les collectivités confient à un prestataire la construction de leur réseau, avec un soutien financier de l'État. Ce sont 3,3 milliards d'euros qui avaient été prévus à cette fin. Or, aujourd'hui, toutes les autorisations d'engagement ont été épuisées. L'ensemble des acteurs s'accorde à dire que manqueront environ 700 millions d'euros d'argent public pour permettre aux collectivités d'achever leur partie du réseau. Se posera donc, au cours des prochaines années, une question de financement. Je propose de réamorcer la pompe dès cette année, en rouvrant un guichet pour les collectivités territoriales, doté de 200 millions d'euros, afin de remobiliser les investissements locaux et ceux des opérateurs. Je souhaiterais, Madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous donner votre sentiment sur cette question.
Avant de conclure, j'en viens au bilan thématique que je dresse dans mon rapport de la modernisation de l'action publique grâce au numérique. Les crédits afférents relèvent d'autres missions budgétaires mais je tenais à souligner les progrès accomplis, afin de restituer une vision d'ensemble des politiques publiques en matière de numérique.
Plusieurs programmes existent pour moderniser les services publics. Je citerai le programme des start-ups d'État, qui n'a cessé de se développer et qui a permis d'ouvrir de nouveaux services pour nos concitoyens, tels que le simulateur d'aides sociales mes-aides.gouv.fr qui permet de simuler le bénéfice de plusieurs dizaines d'aides sociales.
On arrive d'ailleurs maintenant à quantifier les effets économiques de cette dématérialisation. J'en donnerai deux exemples. En matière d'aide au retour à l'emploi, on a mesuré une accélération de 12 % du taux de retour à l'emploi à six mois de plus d'un million de demandeurs d'emploi, soit 24 000 mois de chômage évités et des dizaines de millions d'euros d'allocation économisés via le site La Bonne Boîte, qui permet de cibler les entreprises à démarcher pour adresser une candidature spontanée. Autre exemple, plus de 80 000 dossiers administratifs ont été déposés en ligne grâce au site démarches-simplifiées.fr, ce qui permet un traitement deux fois plus rapide, et donc des économies de frais de gestion.
Pour mener à bien ces projets de modernisation, notamment quand ils sont de grande ampleur, un fonds spécifique a été créé, le fonds de transformation de l'action publique (FTAP). Il est doté de 700 millions d'euros, dont 200 millions pour financer des projets en 2018.
La politique d'inclusion numérique est une autre orientation, également essentielle, des politiques publiques en matière de numérique. En effet, la dématérialisation des services publics n'a de sens que si elle simplifie les démarches des administrés et non pas si elle les rend plus complexes. Or 13 millions de personnes sont aujourd'hui en difficulté avec le numérique, soit 28 % de la population française de plus de 18 ans.
Le Gouvernement a lancé un plan pour un numérique inclusif, qui comprend notamment la création du « Pass numérique », afin de financer des formations et un accompagnement au numérique. Il faudra certainement intensifier encore cette démarche, à l'exemple de ce qu'ont fait certains de nos voisins européens. Les conditions en sont remplies puisque deux structures pilotes ont été récemment créées : la mission Société numérique, au sein de l'Agence du numérique, et la MedNum, société coopérative qui rassemble tous les acteurs impliqués, dont l'État. Cette dernière, créée à la fin de l'année 2017, propose d'ores et déjà une offre de services aux collectivités et aux médiateurs numériques.
Je mentionnerai, pour finir, l'approfondissement de la logique d'open data. Il ne faut pas nier qu'il existe un coût d'adaptation pour les administrations publiques qui doivent désormais publier gratuitement leurs données mais c'est la condition pour mettre les données publiques au service de tous, notamment au service de la croissance économique.
Le numérique constitue bien un secteur d'excellence pour l'économie française, quels qu'en soient les aspects concernés. Il faut que les pouvoirs publics continuent de l'accompagner car c'est aussi un secteur d'avenir.
C'est pourquoi j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits que j'ai l'honneur de rapporter pour la commission.