Intervention de Antoine Herth

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth, rapporteur pour avis du budget Commerce extérieur :

Madame la secrétaire d'État, chers collègues, le commerce extérieur est un secteur stratégique pour l'économie française, en termes de recettes, d'emplois et d'activité économique. Pourtant, les chiffres du commerce extérieur pour l'année 2017 ne sont pas bons. Le solde des échanges de biens et services, après une baisse de 30 % en quatre ans, se dégrade une nouvelle fois, de 12 milliards d'euros. Le déficit atteint son niveau le plus élevé depuis 2012 : près de 40 milliards d'euros.

Dans ce contexte, je dois souligner la diminution des crédits alloués au commerce extérieur. Les crédits de l'opérateur Business France, bras armé de l'État en matière de commerce extérieur, sont en baisse de 2,7 % par rapport à 2018, passant de 95,3 millions d'euros à 92,8 millions d'euros. Cette diminution poursuit un mouvement engagé depuis 2015, qui a conduit à une perte de plus de 10 % des ressources en quatre ans.

Pour compenser cette réduction de la subvention, Business France a recours de façon croissante à la facturation de ses prestations. Cette politique de services payants permet aux entreprises d'exiger un service de qualité tout en poussant le prestataire à améliorer constamment son offre. Mais, appliquée sans discernement, elle peut aussi entraver l'efficacité de l'accompagnement à l'export des plus petites entreprises.

Toutefois, à mon sens, et comme j'ai pu le voir au cours de mes auditions, la question principale n'est pas tant celle du budget que celle de la manière dont il est utilisé, il serait en effet erroné d'établir un lien de causalité entre le niveau de budget et l'équilibre de la balance commerciale, celui-ci résultant d'une multitude de facteurs.

Aussi ai-je souhaité m'interroger sur la réforme de l'accompagnement à l'export, annoncée en juillet. Cette réforme est d'autant plus nécessaire que, pour beaucoup d'entreprises, il est encore difficile de savoir à qui s'adresser pour obtenir les bonnes réponses ou bénéficier d'un accompagnement spécifique.

Le Gouvernement entend donc redonner de la visibilité au dispositif, grâce à la constitution d'une équipe de France de l'export dite Team France Export, qui regrouperait l'ensemble des opérateurs d'accompagnement à l'export des entreprises. Cette Team France Export mettra en place un guichet unique en région. Des équipes communes réuniront les collaborateurs des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et ceux de Business France ; le secteur privé y sera également associé. C'est aux régions qu'est confiée la mission de définir les priorités de la stratégie à l'export et de veiller à la mise en oeuvre de ce guichet unique. Dans un second temps, il me semble qu'il sera intéressant de faire un point d'étape pour observer la manière dont les priorités auront été déclinées dans chaque territoire.

Pour ce qui est de la phase opérationnelle, je persiste à regretter la baisse massive des moyens des CCI et la diminution de la taxe affectée, à l'heure où il faudrait, au contraire, renforcer leur présence aux côtés des PME et TPE pour les aider à développer leurs exportations.

La Team France Export désignera un correspondant unique à l'étranger, qui pourra être issu de Business France ou, dans certains cas, d'un opérateur privé, sous la forme d'une concession de service public. Enfin, une plateforme de solutions sera mise en oeuvre. Elle constituera l'équivalent dématérialisé du guichet unique et proposera l'ensemble des réponses aux questions que se posent les entreprises ; une première version devrait en être proposée mi-2019.

L'ensemble de ces mesures me paraissent aller dans la bonne direction et répondre aux demandes et aux besoins des entreprises. Je souhaite toutefois qu'une évaluation en soit réalisée dans un an, pour s'assurer que la réalité correspond bien à l'intention de départ.

Au-delà des moyens budgétaires, au-delà de la pertinence du dispositif de soutien, ce qui doit faire la force de la France à l'export, c'est l'existence d'une stratégie de filières, qui assoie l'internationalisation sur une étude des marchés et des consommateurs à cibler. C'est pourquoi, dans le prolongement des États généraux de l'alimentation, j'ai choisi de me pencher sur une filière spécifique, celle des produits agricoles et agroalimentaires.

Ces produits représentent un poids considérable dans la balance commerciale et constituent le troisième excédent commercial de la France, sixième exportateur mondial du secteur. Les enjeux sont considérables compte tenu de l'augmentation de la population mondiale et des attentes des consommateurs en matière de qualité et de traçabilité. Cependant, la concurrence y est forte, et des pays produisant à moindre coût gagnent progressivement des parts de marché sur la France.

C'est ainsi que notre excédent agricole est tombé en 2017 à un niveau historiquement bas. Cela s'explique à la fois par des raisons conjoncturelles et structurelles. Nous avons en effet un nombre d'entreprises exportatrices beaucoup plus faible que dans d'autres États – 25 % en France contre 80 % en Allemagne. De plus, la filière est fragilisée par une très grande hétérogénéité et, si quelques secteurs réussissent, la plupart sont déficitaires. Nous souffrons enfin d'un déficit de compétitivité-prix, qui s'explique par des normes plus strictes en matière sanitaire notamment, mais surtout par un coût du travail et une fiscalité sur les produits agro-alimentaires plus élevés qu'ailleurs.

C'est pour cela qu'il est primordial pour nos exportations de refonder une véritable stratégie par filière, chacune disposant d'atouts indéniables dans la concurrence internationale. C'est à mon sens aux interprofessions qu'il incombe de porter ce changement de stratégie, autour d'un discours commun sur l'export qui ne soit pas uniquement protectionniste mais qui cherche à saisir l'un des rares relais de croissance.

Pour cela, elles doivent accepter d'adapter leurs produits à la demande internationale et produire spécifiquement pour la clientèle étrangère. Il leur faut aussi déployer plus de démarches collectives à l'export entre filières ou au sein d'une même filière. À cet égard, la collaboration entre l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) et l'Interprofession nationale porcine (Inaporc), qui mutualisent leurs équipes et leurs réseaux sur le marché chinois, ou l'association entre les biscuiteries normandes, qui ont constitué un outil commun de production spécifiquement affecté à l'export, sont des exemples qui méritent d'être soulignés.

À mon sens, la clé de l'export, c'est la mise en commun de l'intelligence. Plus largement, il faut renforcer la visibilité de l'offre française, notamment dans les salons. L'amélioration de cette visibilité passe par la création d'une marque France commune à l'ensemble des filières. Notre slogan actuel, Made in France, made with love, est daté, et beaucoup d'interprofessions n'ont pas voulu l'adopter.

La réflexion sur la nouvelle marque France doit donc se poursuivre autour des valeurs communes de la France agricole et agroalimentaire. Il est urgent de nous remettre au niveau de nos concurrents, comme l'a fait l'Irlande avec son label Origin Green. Nous devons véhiculer un message de qualité et de traçabilité, qui sont les fondements de notre compétitivité hors prix. Il ne s'agit pas uniquement de produire haut de gamme mais aussi de renforcer l'image de notre milieu de gamme, ce coeur du marché où la demande et les volumes sont les plus importants. Cela n'exclut pas évidemment pas que les produits français continuent d'exceller sur les marchés de niche, dits « premium », dont la réputation sera encore renforcée par le recours à l'agriculture biologique.

Enfin, au niveau de l'État, d'autres réformes sont à poursuivre. On a négligé le rôle de la logistique dans l'expansion du commerce extérieur, et nos infrastructures sont aujourd'hui vieillissantes, alors que celles de nos concurrents sont, au contraire, plus performantes. J'insiste donc sur la nécessité d'orienter les fonds du plan France logistique 2025 vers la modernisation de ces infrastructures nécessaires à l'export et vers l'optimisation des plateformes logistiques.

Il s'agit enfin de continuer la politique de réduction des taxes. Je prends note de la suppression de la taxe sur les céréales et de la taxe sur les farines inscrite à l'article 9 du projet de loi de finances. Je souhaite que ce mouvement se prolonge, avec la suppression, par exemple, de taxes à faible rendement, comme la taxe sur les huiles végétales ou celle sur les produits sous appellation d'origine protégée ou sous indication géographique protégée.

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