Je vous remercie de me recevoir pour vous présenter le budget 2019 de la mission « Travail et emploi » dans le cadre de votre examen du projet de loi de finances.
L'année 2019 permettra de poursuivre la transformation profonde des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle que j'ai engagée dès mon arrivée, en parallèle des ordonnances visant à renforcer le dialogue social. J'ai ainsi mené en 2018 des réformes structurantes qui reposent sur des choix forts et assumés de réallocation de nos moyens, notamment en faveur des compétences.
Nous avons réalisé ensemble le premier chantier, qui est la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce texte a réformé les règles de gouvernance et de financement des politiques de la formation professionnelle et de l'apprentissage en replaçant l'individu et l'entreprise au centre du jeu – l'individu doit aussi être en mesure de décider son propre parcours. Par ailleurs, cette loi a élargi la couverture de l'assurance chômage en vue de faciliter les transitions professionnelles, de lutter contre la précarité et de conforter le retour à l'emploi. Ces objectifs sont au coeur du document de cadrage remis aux partenaires sociaux en septembre dernier.
Le deuxième chantier est le déploiement du plan d'investissement dans les compétences (PIC). Un montant de 1,5 milliard d'euros a déjà été engagé cette année pour lancer une vingtaine de programmes qui servent deux objectifs. Il s'agit, tout d'abord, d'accompagner et de former les personnes peu qualifiées en recherche d'emploi, dans une logique d'acquisition des compétences attendues sur le marché du travail, qu'il s'agisse de jeunes, de chômeurs de longue durée ou de demandeurs d'emploi éloignés du monde du travail – c'est évidemment la priorité et le coeur du PIC. Le deuxième objectif est d'intensifier les effets de la loi « avenir professionnel » en accélérant, par l'investissement et l'innovation, la transformation de notre système de formation professionnelle.
Le troisième chantier consiste à renouveler notre approche de la politique d'inclusion dans l'emploi, qui est une priorité de mon budget pour 2019. Ce renouvellement repose notamment sur la création des « parcours emploi compétences » (PEC), dès le 1er janvier 2018, et sur des moyens effectifs pour que la mise en emploi s'accompagne d'ambitions en termes d'accompagnement et de formation. La dimension territoriale du pilotage des outils de l'insertion a, en outre, été renforcée avec la création du Fonds d'inclusion dans l'emploi, qui permet d'adapter à l'échelle régionale, c'est-à-dire au niveau des préfets et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), l'allocation des moyens aux besoins observés, dans une logique de fongibilité des enveloppes.
Le quatrième chantier mené en 2018 et en 2019 est un renforcement sans précédent du modèle inclusif des entreprises adaptées. C'est le sens de l'accord pluriannuel « Cap vers l'entreprise inclusive » que j'ai signé le 12 juillet dernier avec le secteur des entreprises adaptées, en présence de ma collègue Sophie Cluzel. Cet accord est le fruit d'une concertation nourrie avec ce secteur. La réforme vise à ce que 40 000 personnes handicapées supplémentaires puissent avoir accès à un emploi d'ici à 2022. Nous la mettrons en oeuvre dès la fin de l'année avec le lancement, prévu dans les prochains jours, de l'expérimentation des emplois dits « tremplins », qui visent à faciliter les passerelles vers le milieu ordinaire.
Enfin, un plan de transformation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a été annoncé il y a quelques jours. Nous pourrons y revenir. C'est une question de survie, et d'avenir, pour l'AFPA.
Je tiens à souligner que l'ensemble de ces actions ont été menées dans le strict respect des crédits qui m'ont été alloués.
En 2019, le budget de la mission « Travail et emploi » s'élèvera à 12 milliards d'euros. À périmètre constant, il y aura certes une baisse des crédits, de 2 milliards d'euros, mais cette évolution est principalement liée à l'extinction de certaines mesures qui a été décidée par le précédent Gouvernement et dont j'ai pris acte à mon arrivée. Cela concerne en particulier l'aide ponctuelle à l'embauche dans les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) – il n'y aura donc de changement de politique. C'est aussi un choix assumé de réduire, en volume, les contrats aidés pour en faire des parcours plus qualitatifs et pour tenir compte de la consommation réelle des crédits qui est observée cette année. Maintenant que nous avons transformé ce dispositif en « parcours emploi compétences », avec un accompagnement et une formation, la demande a beaucoup baissé, ce qui montre bien a contrario qu'il n'y avait vraiment pas d'accompagnement jusque-là. Les crédits demandés pour 2019 sont à la hauteur de leur consommation cette année.
Le budget que je vous présente poursuit les efforts engagés en 2018, avec un objectif affirmé et renforcé qui est de permettre l'inclusion dans l'emploi des personnes les plus vulnérables. Il est primordial qu'elles soient replacées au coeur des politiques que nous menons, en cohérence avec l'objectif de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui a été présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018.
C'est dans cet esprit de transformation et en multipliant les déplacements sur le terrain, dans le cadre de la semaine de l'apprentissage et de celle de la lutte contre la pauvreté, que j'ai construit ce budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour 2019.
Tout d'abord, nous poursuivrons la montée en puissance du plan d'investissement dans les compétences, avec un engagement financier qui passera de 1,5 à 3 milliards d'euros. Il sera financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par une contribution des entreprises, via France Compétences – cela représente 1,5 milliard d'euros qui ne figure pas directement dans ce budget mais qui accompagnera les politiques menées.
Ces crédits seront mobilisés dans quatre directions.
Il s'agit, tout d'abord, de mettre en oeuvre des parcours de formation dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences qui sont actuellement en cours de négociation entre l'État et les régions – et avec les collectivités compétentes dans les territoires ultramarins. Le but est d'avoir vraiment une visibilité et une programmation au service de l'innovation et de la montée en gamme, grâce à une contractualisation avec les régions sur la période 2019-2022. Nous provisionnerons 1,5 milliard d'euros d'engagements pour la seule année 2019.
Ensuite, nous réaliserons un effort particulier pour certains publics de la politique de l'emploi, dont nous renforcerons l'articulation avec les enjeux de la formation. Après avoir consacré 20 millions d'euros en 2018 à la formation des bénéficiaires de l'insertion par l'activité économique, nous ferons passer ce montant à 60 millions d'euros par an à compter de 2019. On sait, en effet, que c'est souvent un des points qui manquent dans le domaine de l'insertion par l'activité économique.
Nous consoliderons, par ailleurs, les mesures d'accompagnement des jeunes dans le cadre du parcours contractualisé vers l'autonomie et l'emploi (PACEA), dont la formule la plus intensive, la Garantie jeunes, est destinée à 100 000 personnes – ce nombre est en augmentation par rapport à 2018, et plus encore par rapport à 2017. Ces mesures représenteront environ 550 millions d'euros l'année prochaine. Le plan d'investissement dans les compétences permettra aussi de renforcer les capacités d'accueil dans les écoles de la deuxième chance et les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), qui ont fait la preuve de leur réussite.
Enfin, nous allons promouvoir les expérimentations d'approches innovantes sur des problématiques ciblées, telles que la remobilisation et le retour à l'emploi dans les quartiers prioritaires de la ville, grâce à l'appel à projets « 100 % inclusion », dont je présenterai les premiers résultats le 6 novembre prochain, et grâce à la préparation à l'apprentissage, qui fait l'objet d'un appel à projets lancé auprès de l'ensemble des centres de formation d'apprentis (CFA).
Le budget de l'emploi pour 2019 traduit également un engagement important en direction des publics les plus éloignés de l'emploi, mais qui peuvent accéder au marché du travail grâce à un tremplin – ou à un marchepied. L'objectif est que 10 000 personnes supplémentaires puissent accéder à l'insertion par l'activité économique dès 2019. Les crédits correspondants seront ainsi augmentés de 50 millions d'euros.
Comme je l'ai déjà indiqué, 2019 sera aussi l'année du plein déploiement de la réforme des entreprises adaptées, qui vise à avoir une offre plus inclusive et diversifiée tout en changeant d'échelle. Les moyens, en hausse, que nous consacrerons à cette ambition seront de 400 millions d'euros. Au total, nous souhaitons que 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2019.
Ces efforts sont complétés par 100 000 nouveaux « parcours emploi compétences » prescrits en 2019 et par 30 000 contrats dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap, dont le financement est désormais transféré sur le budget de l'éducation nationale, ce qui est plus logique car c'est ce ministère qui met en oeuvre ce dispositif. Les 124 millions d'euros correspondant à ces 30 000 contrats ont donc été transférés de mon budget vers celui de l'éducation nationale.
L'expérimentation des emplois francs, lancée au 1er avril, se poursuivra en 2019. Après un démarrage progressif, qui est lié à l'appropriation du dispositif par les acteurs concernés, nous avons constaté une intensification des signatures au cours des dernières semaines – nous sommes à plus de 2 200 contrats signés à l'heure actuelle.
Par ailleurs, la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage se traduira dans le budget 2019 sous deux formes.
Tout d'abord, la simplification du paysage des aides à l'apprentissage, et donc des démarches pour les entreprises, sera mise en oeuvre dès le 1er janvier 2019. Il y aura ainsi une aide unique pour les entreprises de moins de 250 salariés qui emploient des apprentis de niveaux IV et V. Comme l'a prévu la loi « avenir professionnel », cette aide regroupe quatre dispositifs existants qui font l'objet de versements par les régions et l'État.
À cela s'ajoute la création d'un nouvel opérateur, France Compétences, qui associera les partenaires sociaux, l'État et les régions pour l'exercice de missions de nature financière, de régulation, de recommandation ou concernant la qualité, en vue de favoriser le développement et l'efficacité des politiques de formation et d'alternance.
À travers cette réforme, mais aussi de manière plus générale, nous souhaitons accompagner les actifs et les entreprises dans leurs phases de transition et leur montée en compétences, ainsi que les restructurations dans les territoires. Notre priorité est le travail, grâce à l'éducation, la formation et la valorisation sur le plan financier.
Pour ce qui est du coût du travail, l'année 2019 sera marquée par une simplification du paysage des exonérations, grâce au basculement de certains allégements spécifiques vers le droit commun, souvent plus favorable. Lorsque ce sera le cas, les allégements de charge s'appliqueront dès le 1er janvier, et non en octobre. Par ailleurs, un effort budgétaire de 3,8 milliards d'euros, soit un tiers de mon budget, sera consacré au soutien de l'emploi dans les services à la personne ou par la création d'entreprises.
La mise en oeuvre et la réussite de ces orientations nécessitent de renforcer la performance et la coordination des acteurs du service public de l'emploi. L'expérimentation d'un rapprochement entre les missions locales et Pôle emploi ne doit pas être un sujet tabou. C'est en effet ce que demandent certaines collectivités territoriales. L'objectif est de permettre davantage de synergies, au service des demandeurs d'emploi et des entreprises, notamment grâce à des systèmes d'information communs.
De la même façon que nous demandons à tous les opérateurs d'identifier des leviers d'efficience dans le cadre d'Action publique 2022, mon ministère appliquera l'objectif gouvernemental de réduction des effectifs – en parallèle d'une amélioration de l'efficacité. La baisse sera de 233 emplois en 2019, ce qui représente un taux d'effort de 2,5 %, qui est stable par rapport à 2018. Les effectifs se réduiront de 1 385 équivalents temps pleins travaillés (ETPT) pour les opérateurs, y compris Pôle emploi – nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.
Cet effort s'inscrit dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'évolution du périmètre des missions et de l'organisation territoriale de mes services, en particulier les DIRECCTE.
Enfin, le ministère relèvera le défi du numérique par le biais de la modernisation des systèmes d'information en appui des politiques de l'emploi. Pôle emploi fait de même en ce qui concerne ses propres systèmes.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames et messieurs les députés, sur ce budget et ce qui fait sa cohérence. Il traduit, pour résumer, deux grandes ambitions : intensifier l'effort d'inclusion des plus vulnérables ; stimuler la création d'emplois, notamment par la libération de l'apprentissage et un renforcement de l'effort en ce qui concerne la baisse du coût du travail.