Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je tenais tout d'abord à remercier Stéphane Viry pour la qualité de son rapport et de son intervention qui nous éclairent utilement.

Depuis quelques jours, le Gouvernement fait feu de tout bois pour assurer aux Françaises et aux Français que sa politique a une priorité : que le travail paye. Pour cela, encore faudrait-il que la politique du Gouvernement contribue à une baisse du chômage.

Il y a un an, vous passiez en force par ordonnances un ensemble de mesures dont vous promettiez qu'elles allaient améliorer le fonctionnement du marché du travail. Nous étions nombreux à dire qu'elles allaient surtout dans le sens d'une précarisation des salariés, d'un amoindrissement de leur protection collective et d'une facilitation des licenciements. Les derniers chiffres du chômage – que je ne lis pas de la même façon que notre collègue – nous donnent malheureusement raison : depuis un an, il y a 22 000 demandeurs d'emploi de plus, toutes catégories confondues, et 16 000 demandeurs d'emploi en contrat précaire – c'est-à-dire des catégories B et C – de plus.

Au printemps, vous avez prétendu apporter la solution avec les fameux droits nouveaux accordés aux Françaises et aux Français pour qu'ils puissent se former et s'adapter à ce marché du travail dérégulé. À nouveau, les résultats sont décevants : les entrées en formation sont en baisse de 3 100 personnes entre 2017 et 2018 ; l'AFPA, l'opérateur historique de la formation des adultes, est en pleine crise et s'apprête à supprimer 1 541 postes en CDI et à fermer trente-huit sites. En matière de formation, votre budget indique 760 millions d'euros au titre du PIC 2018. Dans le bleu budgétaire, figure un fonds de concours d'un montant de 1,5 milliard d'euros en provenance de France Compétences. Il nous sera utile que vous puissiez nous éclairer sur la réalité de ces circuits financiers.

Vous avez supprimé 250 000 emplois aidés, condamnant autant de Françaises et de Français. Considérant qu'il s'agissait de faux emplois, vous préfériez en faire de vrais chômeurs. Au passage, vous avez aussi fragilisé de nombreux employeurs associatifs : 12 500 associations ont disparu en un an, ce qui représente une hausse de 15 %. Les petites associations considèrent que 60 000 de leurs emplois sont menacés.

Dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les contrats aidés étaient financés à 80 % ou 90 % par l'État et ils ne le sont plus qu'à 40 % avec votre dispositif PEC, ce qui ne fait qu'accroître les difficultés financières d'établissements déjà fragiles.

La très faible montée en puissance de votre dispositif PEC, que vous opposiez aux emplois aidés, témoigne de votre erreur d'appréciation aux dépens des Français les plus éloignés de l'emploi ainsi que des associations. Vous aviez prévu une enveloppe budgétaire couvrant 200 000 contrats en loi de finances initiale l'année dernière, or seulement 20 % étaient consommés en mai dernier. Vous entérinez cet échec en ne prévoyant plus que 100 000 PEC pour 2019.

Vous revenez devant nous, madame la ministre, pour nous présenter un budget en baisse de plus de 2 milliards d'euros que vous ne manquez pourtant pas de qualifier d'ambitieux.

Vous vous apprêtez à poursuivre la suppression des emplois aidés à hauteur de 60 %. Les aides à l'embauche spécifiques pour les TPE-PME sont supprimées. Pôle emploi va devoir supprimer 800 postes après en avoir déjà supprimé 600 en 2018. Les missions locales perdent des crédits alors que votre priorité est l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Vous réduisez de 20 % le budget des dispositifs locaux d'accompagnement, pourtant essentiels à la consolidation technique et financière des employeurs associatifs et de l'insertion économique.

Pour celles et ceux qui ont un travail, encore faut-il qu'il paie, comme le proclame le Gouvernement. Je serai tenté de compléter ce truisme : tout travail mérite salaire. Il serait juste que le salaire paie plutôt que les grands-mères. Ce n'est pas avec les annonces du Gouvernement que l'on paie ses courses surtout quand ces annonces sont de la fausse monnaie : la prime d'activité augmentera seulement de 8 euros pour un salarié au SMIC, inflation non déduite, et non pas de 20 euros pour tout le monde comme annoncé.

Le rapport mondial de 2018 sur les inégalités souligne l'importance des syndicats et de la représentation des salariés pour l'amélioration des conditions de travail et la réduction des écarts de rémunération.

Quelles leçons en tirez-vous dans ce budget ? Dans vos documents budgétaires, vous proclamez que « la politique du travail ne peut se construire et s'appliquer sans la participation active des partenaires sociaux ». Or vous avez déjà démantelé le compte personnel de prévention de pénibilité (C3P), vous avez supprimé le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et vous avez affaibli comme jamais les moyens de la représentation salariale. Dans ce budget, vous voulez réduire de 900 000 euros les crédits alloués au défenseur syndical qui assiste ou représente les parties devant les conseils de prud'hommes, vous diminuez de 100 000 euros les crédits alloués au développement de la négociation collective. Ces mesures ne vont pas dans le bon sens et relèvent de la duplicité du discours.

Comme depuis bientôt un an et demi, les députés socialistes vont donc s'opposer vigoureusement à votre politique. Ils présenteront des amendements pour montrer que d'autres politiques sont possibles.

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