En ce qui concerne la fongibilité régionale, nous avons fait une expérience de déconcentration en donnant aux préfets, aidés par les DIRECCTE et le service public de l'emploi (SPE), la possibilité de disposer d'une seule enveloppe réunissant à la fois les parcours emploi compétences et l'insertion par l'activité économique (IAE). En effet, les structures d'insertion par l'activité économique, les dynamiques, le tissu associatif ou le nombre de collectivités locales sont très variables selon les territoires. Nous avons donc voulu donner une marge de manoeuvre aux préfets pour qu'ils puissent coller aux besoins du terrain. Cette fongibilité a précisément joué dans le sens de l'IAE, ce qui me conforte dans l'idée qu'on peut et qu'on doit agrandir ce chantier. Elle a en effet conduit à la création de 4 000 places en plus dans les structures d'insertion par l'activité économique. C'est important car nous cherchons justement à créer de véritables tremplins permettant à des gens très éloignés du marché du travail d'y accéder. Je ne défends pas un programme plus qu'un autre : je promeus des budgets pour financer ce qui réussit le mieux. Si ce sont les entreprises adaptées et l'insertion par l'activité économique qui fonctionnent, ce seront eux que nous financerons. Notre but commun est de permettre à ces publics de retrouver le chemin de la qualification et de l'emploi.
Le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » est une expérimentation dont nous continuons à accompagner la montée en charge. Nous allons multiplier par deux les effectifs du dispositif par rapport aux prévisions de 2018, en les faisant passer de 650 à 1 270 ETP, en cohérence avec la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Concrètement, le budget augmente de 4 millions d'euros. À la mi-2018, onze entreprises à but d'emploi avaient été créées en France, comptant 565 salariés. L'objectif est de redéployer les dépenses liées à la privation d'emploi – l'accompagnement des chômeurs et le revenu de solidarité active (RSA) – vers un financement d'emplois en CDI sans surcoût pour la collectivité, conformément à l'hypothèse d'activation des dépenses passives. L'État contribue au financement de ces emplois à hauteur de 17 000 euros par ETP. Comme c'est un des dispositifs les plus chers, il faut vraiment vérifier que nous économisons par ailleurs. Cette participation étatique vient en complément de la mobilisation en cours des collectivités territoriales, et notamment des conseils départementaux qui sont très engagés sur le sujet. Je suis allée voir sur le terrain ces expériences. Il faut vérifier que le dispositif ne se substitue pas à de l'emploi permanent, notamment dans les TPE-PME du secteur de l'artisanat et des services de proximité. Il faut vérifier ensuite que l'emploi est durable. Un comité scientifique sera donc chargé d'évaluer cette expérimentation. La loi prévoit qu'au plus tard douze mois avant son terme, ce comité fera une évaluation et rendra au premier trimestre 2020 ses premières conclusions. Cela nous permettra d'envisager la suite avec une connaissance plus grande et, éventuellement, d'apporter les correctifs nécessaires.
Les écoles de la deuxième chance sont un outil d'insertion professionnelle adapté aux jeunes qui se sentent en échec, soit parce qu'ils sont fâchés avec l'école, soit parce qu'ils ont eu un parcours difficile. Il s'agit de remobiliser ces jeunes, ce qui implique de travailler avec eux sur l'estime de soi puis à l'élaboration d'un projet professionnel. En 2017, 14 600 jeunes ont bénéficié d'un soutien dans l'une des 124 écoles de la deuxième chance. Ce réseau s'étend au fil du temps – j'ai d'ailleurs donné mon accord à l'ouverture d'une nouvelle école. 31 % des jeunes bénéficiaires du dispositif sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville et 86 % d'entre eux ont un niveau inférieur ou égal au niveau 5 – CAP, BEP ou brevet. Le taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation qualifiante est de 61 %. Notre tissu associatif joue un rôle formidable et les collectivités locales sont très engagées : développons ces dispositifs ! Mieux vaut financer des dispositifs structurants s'appuyant sur un accompagnement effectué par des personnes ayant une méthodologie et sachant faire réussir les jeunes que de saupoudrer de l'emploi subventionné. Certes, il faut garder des contrats aidés, maintenant qu'ils ont été bien recalibrés, mais ils sont moins structurants et efficaces que le développement de l'IAE, les entreprises adaptées, les écoles de la deuxième chance et les EPIDE.
Les écoles de la deuxième chance rassemblent de nombreux financeurs, au premier rang desquels se trouvent les régions. L'État les cofinance à hauteur de 28 % et les crédits seront naturellement maintenus en 2019, et même complétés par le plan d'investissement dans les compétences à hauteur de 2,6 millions d'euros, afin de financer l'évolution de réseau. Certaines écoles de la deuxième chance répondront d'ailleurs aux appels d'offres du PIC. L'objectif est d'étendre leurs capacités d'accueil à raison de 2 000 jeunes supplémentaires par rapport à 2018, pour accueillir 16 600 jeunes en 2022, soit 15 % de plus qu'aujourd'hui.
J'en viens aux missions locales sur lesquelles de nombreuses questions m'ont été posées. Qu'il n'y ait aucune ambiguïté : à défaut d'être convaincue par toutes les missions locales, je le suis tout à fait par le principe même de ce mécanisme. J'ai eu l'honneur de faire partie des trois premiers directeurs de missions locales auprès de Bertrand Schwartz, et j'estime que son postulat initial, formulé en 1982, qui consistait à créer des missions locales tout à la fois sur la formation et l'emploi, la santé et le logement, bref, l'accompagnement global des jeunes, était excellent. Cette idée reste hélas très actuelle et toujours aussi utile qu'à l'époque.
Le rapprochement des missions locales avec Pôle emploi recouvre trois points. La coopération, tout d'abord : comme vous, je rencontre de nombreuses missions locales et des agences de Pôle emploi, et je constate qu'elles travaillent très bien ensemble dans certains endroits, beaucoup moins ailleurs. La coopération entre ces deux instances du service public de l'emploi doit être systématique. C'est à Pôle emploi que se trouvent les conseillers d'entreprise et la connaissance des offres ; en l'absence d'articulation avec Pôle emploi, une mission locale ne disposera donc pas des leviers lui permettant d'amener les jeunes vers l'emploi. En clair, la coopération n'est pas facultative.
Deuxième point : le patrimoine commun. Il concerne notamment les systèmes d'information. Aujourd'hui, sauf mission particulière, les missions locales ne bénéficient pas d'un accès direct aux offres d'emploi, de sorte que les jeunes doivent parfois faire la navette entre les missions et Pôle emploi. À l'ère numérique, il est absurde de ne pas partager ces informations. Cela ne signifie pas pour autant que le système d'information de Pôle emploi suffit aux missions locales puisque celles-ci sont également saisies des questions de santé et de logement, mais au moins faut-il partager un dénominateur commun. Accessoirement, cela permettra de réaliser des économies en matière d'informatique. L'essentiel, cependant, est d'améliorer l'efficacité du système.
Troisième point : l'État – je le réaffirme solennellement – ne fusionnera aucune mission locale avec Pôle emploi de sa propre initiative mais certains élus locaux provenant de territoires où la coopération porte souvent ses fruits proposent de créer une plateforme commune plus large, qui comprendrait naturellement une équipe dédiée aux jeunes, une autre à l'emploi et ainsi de suite. Toutes agiraient sous une ombrelle commune qui permettrait de penser une stratégie locale. Je ne vois pas pour quelle raison j'interdirais à des élus locaux qui le proposent de le faire. Structure chapeau ou fusion, les collectivités locales devront s'impliquer dans la gouvernance. C'est une expérimentation et non un plan d'ensemble. Ne nous l'interdisons pas sur certains territoires où les acteurs veulent se rapprocher. Il s'agit toujours du secteur de l'emploi et des jeunes et des chômeurs. C'est dans cet esprit que j'ai proposé une expérimentation. Si aucune demande n'est formulée en ce sens, il n'y aura pas d'expérimentation, mais certains acteurs y réfléchissent. Quoi qu'il en soit, la pérennité des missions locales n'est pas en cause : elle sera maintenue. En revanche, je souhaite privilégier une logique d'objectifs pour aller chercher ceux qui ne viennent pas spontanément – et tous les élus locaux et les financeurs me semblent être d'accord sur ce point.
Le plan d'investissement dans les compétences comporte un volet important relatif à la contractualisation avec les régions. Pendant la durée du quinquennat, 6 milliards d'euros seront ainsi apportés aux régions – un montant qui ne sera pas comptabilisé au titre du plafond de leur dotation de fonctionnement. Il s'agit d'un partenariat approfondi.
Il est d'autant plus important de veiller à la bonne utilisation de ces crédits que certaines régions ont fait le choix – la décentralisation les y autorise – de baisser fortement le nombre de formations destinées aux demandeurs d'emploi, notamment les moins qualifiés. Il s'agit d'une minorité de régions, mais le nombre de formations y a beaucoup baissé voire tout bonnement disparu dans certaines catégories – les formations destinées aux personnes incarcérées, par exemple. Dès lors, nous avons fixé comme condition à la contractualisation avec les régions l'obligation de ne pas réduire le budget, car l'État ne peut pas se substituer à la région, et d'augmenter à due proportion le nombre de demandeurs d'emploi peu qualifiés qui sont concernés par les formations. Ce cadre étant fixé, il est possible d'être très innovant : certaines régions, qui possèdent la compétence économique, adoptent des stratégies de filière, et il est utile que les filières de formation correspondent aux emplois de demain. C'est pourquoi je crois profondément à ce partenariat entre l'État et les régions, et je pense que la majorité des régions le signeront.
Ensuite, le plan d'investissement dans les compétences englobe l'appel d'offres « 100 % inclusion » : il s'agit d'un appel d'offres ouvert qui pourra donner lieu à de nouveaux projets labellisés et financés tous les trois mois. D'autre part, 15 millions d'euros sont consacrés à un projet de formation des réfugiés, en complément de ce qui est déjà fait dans le cadre du programme HOPE (hébergement, orientation, parcours vers l'emploi) financé par le ministère de l'intérieur et réalisé en grande partie par l'AFPA. Ce programme comprend le parcours d'intégration par l'acquisition de la langue française (PIAL) – trois mille parcours de ce type ont été financés en 2018, pour un montant de 4,4 millions d'euros. Ce parcours est également financé au titre du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) pour les jeunes, notamment pour ce qui concerne les jeunes mineurs isolés et les jeunes majeurs – les jeunes, en effet, sont nombreux parmi les réfugiés.
Par ailleurs, la direction de l'asile a lancé un appel à projets et onze projets innovants ont été présentés par des associations pour l'intégration de bénéficiaires d'une protection internationale. Suite à l'appel à projets que le ministère du travail a lancé ce mois-ci sur le plan territorial, on constate que les projets portent souvent sur des métiers en tension pour lesquels il est difficile de trouver des qualifications et, surtout, des volontaires susceptibles de se qualifier. C'est le cas du secteur de la couverture, où les volontaires sont rares. Les réfugiés à qui nous devons accorder l'asile au titre des droits de l'homme qui souhaiteront s'intégrer en contribuant ainsi à la vie de la nation seront les bienvenus et chacun s'en portera mieux. Cet appel à projets privilégiera également les femmes, qui bénéficient d'un moins grand nombre de programmes.
En clair, le budget consacré à l'insertion des réfugiés en 2019 est de 35 millions d'euros se répartissant entre le parcours HOPE et le PIAL, les 1 000 parcours de validation des acquis de l'expérience (VAE) collective ainsi que l'appel à projets pour 15 millions d'euros.
Autre volet du PIC : la prépa apprentissage. Il s'agit d'un appel à projets lancé auprès de 965 centres de formation d'apprentis (CFA) qui considèrent à juste titre que certains jeunes pourraient entrer en apprentissage mais n'y sont pas encore prêts parce qu'ils manquent de savoir-être professionnels – l'habitude de se lever tous les jours à la même heure, travailler en équipe, être autonome, faire preuve de respect. Pour entrer en apprentissage, il leur faut améliorer ces savoir-être, affiner leur connaissance des métiers par une immersion en entreprise et consolider des acquis de base.
Ce dispositif est assez proche par sa philosophie d'un autre mécanisme relevant du PIC, « Prépa compétences », qui est également centré sur les savoir-être professionnels mais s'adresse davantage aux adultes. En effet, un tiers des difficultés d'embauche constatées chez Pôle emploi sont liées non pas aux compétences tactiques – un problème auquel nous consacrons par ailleurs d'importants efforts – mais aux savoir-être professionnels, d'où l'existence, dans le cadre du PIC, d'un appel à projets en la matière.
Un autre appel à projets a été lancé pour ouvrir 10 000 formations numériques et – rançon de la gloire, en quelque sorte – ce nombre devrait être augmenté, ce dont il faut se réjouir. En effet, 80 000 emplois sont disponibles dans le numérique, dont bon nombre sont accessibles à l'issue de huit mois de formation, et ce à tout niveau de qualification. De même, 10 000 formations seront ouvertes dans le secteur des emplois verts et ce nombre devrait augmenter.
En ce qui concerne les métiers en tension, qui représentent un gisement de plusieurs centaines de milliers d'emplois, j'ai lancé avec Pôle emploi l'expérimentation #versunmétier afin de résoudre le problème du désajustement entre l'offre et la demande, qui empêche les entreprises de gagner des marchés faute de compétences et les demandeurs d'emploi de saisir des opportunités. Ce secteur est donc une priorité du PIC. Il s'agit, à partir d'une évaluation territoriale des métiers en tension, de permettre aux entreprises et aux demandeurs d'emploi de se rencontrer afin de faire découvrir d'autres métiers. Citons par exemple cette formation de « référent Web TPE-PME » qu'offrait une agence Pôle emploi dans laquelle je me suis rendue récemment : nul ne sait a priori de quoi il s'agit. En réalité, ce référent est le « couteau suisse » d'une TPE-PME sur internet. Or, il existe des milliers d'emplois de cette nature ! Comment les demandeurs d'emploi pourraient-ils cependant postuler à des emplois qu'ils ne connaissent pas ? Les entreprises proposent donc des séquences thématiques sur les métiers en tension, par bassin d'emploi. Nous verrons comment ce mécanisme pertinent monte en puissance.
S'agissant des parcours emploi compétences, sur lesquels j'ai déjà largement répondu, je précise qu'il a été laissé aux préfets une capacité d'adaptation du taux prise en charge entre 30 % et 60 %, avec un taux pivot fixé à 50 % en métropole et à 60 % en outre-mer, toutes les structures ne disposant pas des mêmes capacités financières et d'encadrement. C'est une mesure d'adaptation au terrain.
La question de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la fonction publique ne relève ni du budget ni de mon ressort mais du ministère de l'action et des comptes publics et du secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, et de la lutte contre les discriminations. Je confirme néanmoins qu'un protocole d'accord est soumis à la signature des partenaires sociaux qui, le cas échéant, le signeront le 26 novembre, auquel cas il deviendra impératif. Dans le cas contraire, c'est le projet de loi relatif à la fonction publique qui sera examiné au premier semestre de l'année prochaine qui traitera ce sujet, selon une démarche analogue aux mesures annoncées faites dans le cadre de la loi sur l'avenir professionnel dans le secteur privé. Je saisis cette occasion pour vous indiquer que j'annoncerai dans quelques semaines le mécanisme qui s'appliquera dès le 1er janvier dans toutes les entreprises du secteur privé.
En parallèle des prépas apprentissage, qui s'adressent à des personnes sorties du système scolaire, le ministère de l'éducation nationale va fusionner les prépas professionnelles et les dispositifs d'initiation aux métiers en alternance (DIMA) pour proposer des « prépas métiers » à des jeunes encore scolarisés, en privilégiant là aussi les savoir-être professionnels et la découverte des métiers. Les deux dispositifs vont de pair, avant et après la sortie du système scolaire.