Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un grand hebdo de la presse française titrait hier, dans un cahier spécial : « L'économie sociale et solidaire, un poids lourd en devenir ». Il rappelait des chiffres désormais connus : 2,4 millions de salariés, soit 12,8 % de l'emploi privé, dont 77 % dans les associations, pour une valeur voisine de 10 % du produit intérieur brut.
Oui, l'économie sociale continue son développement. Elle est l'expression souvent directe des besoins de nos concitoyens, qui éprouvent la nécessité d'organiser eux-mêmes une réponse à un besoin collectivement ressenti auquel le marché ne répond pas ou répond mal. L'économie sociale ne connaît pas de sujet qui lui soit interdit, de domaine où elle ne puisse prospérer. C'est sans doute ce qui la rend parfois difficile à décrire, et ce qui peut donner le sentiment d'une grande hétérogénéité. Pourtant, des énergies renouvelables à la santé, de l'éducation à la monnaie, de la finance à la solidarité, de l'emploi à l'insertion, de l'agriculture à la distribution, dans tous les domaines de la vie économique, il est de ces entreprises qui vivent et se développent sans rechercher le profit, en plaçant un projet collectif souvent devenu d'intérêt général au-dessus de la lucrativité capitalistique.
Oui, comme le dit le président de Finansol, le regard sur l'économie sociale est en train de changer parce qu'elle ouvre de nouvelles filières innovantes, parce qu'elle invente de nouvelles réponses à des demandes sociales qui coïncident avec l'envie des jeunes générations de donner davantage de sens à ce qu'elles font, et parce que le règne sans partage de l'argent ne permet pas un développement économique et social équilibré.
Depuis plusieurs années déjà, l'ambition de l'État est d'accompagner et d'amplifier ce mouvement. C'est ainsi que le législateur a su se saisir de ces enjeux en votant la loi du 31 juillet 2014, qui a permis de définir le périmètre, les modalités et les objectifs essentiels de l'économie sociale et solidaire, l'ESS. C'est aujourd'hui une seconde étape que nous nous apprêtons à franchir avec le pacte de croissance pour l'ESS, dont les contours seront précisés dans les mois à venir.
Cette ambition politique se traduit dans votre budget, monsieur le ministre d'État, puisque les crédits de l'action 14 du programme 159 augmentent d'environ 28,5 % en autorisations d'engagement et de 38,5 % en crédits de paiement. Près de 20 millions d'euros sont attribués à cette politique, sans compter les autres programmes qui participent également au financement de l'ESS. L'action publique se renouvelle dans le cadre de l'initiative « French impact » et de l'accélérateur d'innovation sociale, qui reposent sur le principe de la stimulation de l'investissement privé par le financement public. D'ici 2022, 1 milliard d'euros sont attendus pour le développement de l'ESS. Je tiens à saluer cette émulation en faveur de l'innovation sociale.
Je voudrais néanmoins rappeler l'importance de certains dispositifs plus classiques, qui ne jouent pas moins un rôle fondamental sur les territoires. La diminution des crédits accordés aux dispositifs locaux d'accompagnement – DLA – me paraît préjudiciable : je défendrai donc tout à l'heure un amendement visant à maintenir ces crédits à leur niveau actuel.
J'ai consacré une partie de mon rapport à la question des allégements de charges – c'est un effort très significatif qui sera réalisé en direction de l'économie sociale en 2019. Le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires – CITS – représentait 500 millions d'euros d'allégements de charges dans les budgets précédents. Sa bascule au 1er janvier 2019, ainsi que les nouveaux allégements de charges sur les salaires au niveau du SMIC prévus à partir du 1er octobre, représenteront au total 1,5 milliard d'euros pour les entreprises de l'ESS. Il s'agit d'un soutien sans précédent.
Je souhaiterais également dire un mot de la situation de l'emploi. Je vous rappelle d'abord que 600 000 à 700 000 départs à la retraite sont attendus dans l'ESS d'ici 2025. Il reste bien sûr nécessaire de veiller à l'attractivité du secteur, de bien identifier les emplois correspondants, d'améliorer les outils d'analyse statistique et d'accroître les liens entre l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – , l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – , les chambres régionales de l'ESS et le Conseil national des chambres régionales de l'ESS, afin que nos statistiques soient plus performantes.
L'emploi dans l'ESS est confronté aux effets de la réforme des contrats aidés. Les nouveaux parcours emploi compétences restent peu mobilisés par les associations, sans doute à cause d'une prise en charge financière publique trop faible et de conditions d'octroi trop disparates. L'amélioration des politiques publiques de retour à l'emploi passera sans doute aussi par un soutien plus affirmé aux entreprises de l'insertion par l'activité économique, comme l'a proposé Jean-Marc Borello. Enfin, la réforme des contrats aidés ne peut faire l'économie d'une réflexion plus approfondie sur le soutien apporté au monde associatif. Même si ce n'était pas leur objet, les contrats aidés représentaient un soutien financier important, de l'ordre de 1,1 à 1,3 milliard d'euros. La transformation du CITS en allégements de charges ne touchera pas les mêmes associations : elle bénéficiera plutôt aux structures employeuses les plus importantes, dont elle rétablira la compétitivité.
Plus largement, c'est l'ensemble du soutien public à l'action associative qui doit être repensé. À ce titre, la création d'un secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative envoie un premier signal positif, dont nous pouvons espérer qu'il sera à la hauteur des enjeux relatifs à la vitalité de l'action associative.