Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du mardi 6 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, demain, l'un de nos héritages de la Seconde guerre mondiale en matière de sécurité civile va connaître une évolution, puisque les sirènes, qui chaque premier mercredi du mois sonnaient à midi, vont résonner dans mon département à 11h45, du fait de la mise en place d'un logiciel unique à l'échelle nationale.

Je rapporte aujourd'hui les crédits du programme « Sécurité civile » qui, eux aussi, connaissent des évolutions. Précisons d'emblée que l'État ne joue qu'un rôle subsidiaire en matière de sécurité civile, l'essentiel des secours étant assuré par les services départementaux d'incendie et de secours – SDIS – , financés par les collectivités territoriales. Le budget de l'État ne prend ainsi en charge que 10 % des 5 milliards d'euros que les collectivités publiques consacrent à la sécurité civile. L'État n'en joue pas moins un rôle essentiel et a consenti un investissement important pour acquérir et entretenir un ensemble cohérent et efficace de moyens de lutte contre les catastrophes. Il s'agit en particulier de la flotte d'avions de la sécurité civile qui lutte contre les feux de forêt, de la flotte d'hélicoptères, des moyens de déminage ou encore des forces militaires de la sécurité civile.

L'année 2018 a d'ailleurs été marquée par l'engagement d'un marché de 370 millions d'euros pour l'acquisition de six nouveaux avions, en remplacement de la composante Tracker qui arrive en fin de vie. Or cette composante participe d'une particularité française dans la stratégie de lutte contre les feux de forêt, celle du guet aérien armé. Cette technique permet de repérer très tôt les feux naissants et de les attaquer avant qu'ils ne deviennent difficilement maîtrisables. Elle est très efficace et explique pourquoi la surface brûlée en France chaque année est bien plus faible que chez nos voisins européens. Je serai particulièrement attentive à ce que la livraison de ces nouveaux avions soit effectuée en temps et en heure. Ces nouveaux appareils devront s'intégrer dans la flotte actuelle, afin de ne pas perdre en capacité opérationnelle. L'urgence est bien là.

Je voudrais également aborder la question du volontariat des sapeurs-pompiers, qui occupent une place considérable dans notre modèle de secours, en particulier dans les territoires ruraux. 80 % des sapeurs-pompiers civils sont volontaires. Disons-le clairement : ce sont des volontaires qui assurent l'essentiel des secours dans notre pays. Or le recrutement de ces volontaires est devenu difficile, et plusieurs évolutions menacent le modèle du volontariat.

En premier lieu, il s'agit de l'application du droit de l'Union européenne sur le temps de travail. La Cour de justice de l'Union européenne a décidé, en mars dernier, qu'un sapeur-pompier volontaire belge devait bénéficier des règles européennes du temps de travail, qui imposent un temps de travail maximum de quarante-huit heures par semaine et un repos quotidien consécutif de onze heures. Cela rendrait pratiquement impossible la conciliation entre une vie professionnelle et un volontariat comme sapeur-pompier. Or il importe de pérenniser ce formidable modèle de mobilisation citoyenne, surtout quand le Président de la République appelle de ses voeux l'émergence d'une « société de l'engagement ». Le Gouvernement doit porter ce sujet auprès des autorités européennes, afin de préserver cette spécificité française.

Je souligne que le passage à un modèle de sapeurs-pompiers professionnels induirait un coût de l'ordre de 2,5 milliards d'euros – ce qui doit parler aux oreilles de mes collègues de la commission des finances – , pour une disponibilité opérationnelle moindre qu'actuellement. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à transférer cette somme vers le programme « Sécurité civile », afin d'attirer l'attention de M. le ministre sur ce problème. M. Nunez a d'ailleurs annoncé au Sénat une initiative européenne de la France pour garantir que les volontaires puissent continuer à concilier librement leur engagement et une activité professionnelle. Nous devons connaître aujourd'hui la nature de cette initiative : allons-nous vers une révision de la directive sur le temps de travail ou vers une directive spécifique pour les forces de sécurité ? Allons-nous obtenir une dérogation à l'application des règles européennes pour le volontariat des sapeurs-pompiers ? Je retirerais mon amendement si la réponse du Gouvernement s'avérait satisfaisante.

En second lieu, l'activité des sapeurs-pompiers devient de plus en plus dangereuse, les agressions qu'ils subissent en service augmentant. En la matière, toutes les solutions ne sont pas bonnes à prendre. J'ai exposé, au moment de l'examen du budget en commission, certains doutes quant à l'utilisation des caméras-piétons par les sapeurs-pompiers. Je serai très attentive aux résultats de l'expérimentation actuellement menée avant d'envisager toute généralisation. Monsieur le ministre, quelles autres mesures envisagez-vous pour assurer une meilleure protection des sapeurs-pompiers en intervention ?

Un mot, pour finir, sur la réforme du mécanisme européen de sécurité civile. Des discussions sont en cours au niveau européen, afin de constituer une réserve spéciale de ressources opérationnelles permettant une réaction de l'Union en cas de saturation des capacités nationales de secours. L'initiative pourrait aboutir à une réforme importante que je suivrai avec intérêt. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les orientations retenues pour la réforme de ce mécanisme, qui doit relancer l'effort d'investissement de nos partenaires européens dans les moyens de la protection civile ?

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