Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du mardi 6 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Ce budget résume toute l'impuissance du Gouvernement en matière migratoire. Vous refusez de trancher entre plus ou moins d'immigration en France, préférant promouvoir un projet européen qui ne verra pas le jour. Ce qui vous manque, c'est un volontarisme politique, ainsi que l'acceptation – enfin – du fait que, pour bien accueillir, il faut savoir bien expulser.

Certes, en vue d'accueillir les étrangers en situation régulière, vous consentez des efforts, que je salue, notamment le renforcement du dispositif d'hébergement d'urgence, le doublement du volume horaire alloué à la formation linguistique et civique et l'introduction d'un volet « orientationinsertion professionnelle » dans le contrat d'intégration républicaine.

En revanche, s'agissant de l'éloignement des migrants en situation irrégulière, nous sommes proches du néant. La hausse des crédits de cette ligne budgétaire sera quasi intégralement absorbée par le raccompagnement des ressortissants des pays des Balkans et du Caucase. Concrètement, cela signifie que vous appliquerez une politique du chiffre, consistant à éloigner les migrants pour lesquels il est facile de trouver des solutions avec les pays d'origine afin de mieux masquer votre incapacité chronique à raccompagner dans leurs pays respectifs les migrants en situation irrégulière originaires d'Afrique subsaharienne ou du Maghreb.

Sur ce point, les chiffres sont édifiants : seules 17,5 % des obligations de quitter le territoire français – OQTF – ont été exécutées en 2017. Il s'agit du plus bas point historique. Non seulement les OQTF sont peu appliquées, mais vous ne prenez même pas la peine de prendre une telle mesure si un demandeur d'asile est débouté de sa demande : seuls 36 % des déboutés en reçoivent une !

Au cours des huit premiers mois de l'année 2018, 74 000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés. Les interpellations de ressortissants algériens ont augmenté de 48 %, celles de Tunisiens de 34 % et celles de Maliens de 14 %. Au contraire, celles d'Érythréens ont diminué de 37 %, celles d'Afghans de 51 % et celles de Soudanais de 54 %. Nous passons donc d'une migration humanitaire à une migration économique. Il est urgent d'employer les bonnes méthodes afin d'éloigner dans leurs pays d'origine respectifs ceux qui n'ont pas vocation à rester en France.

S'agissant de la délivrance des laisser-passer consulaires par les autorités des pays d'origine, votre faillite est patente. Pour 10 245 mesures d'éloignement prononcées contre des ressortissants algériens, seuls 684 laisser-passer consulaires ont été obtenus. La proportion atteint 7,5 % pour les Tunisiens, 2,8 % pour les Marocains et 0,24 % pour les Maliens, pour lesquels seuls huit laisser-passer consulaires ont été délivrés au premier semestre de cette année.

Vous avez abdiqué. Vous acceptez que les migrants économiques irréguliers restent en France. La conséquence, nous la connaissons : un nombre de clandestins qui ne cesse de croître, laissant les territoires de la République française et leurs habitants seuls face au défi migratoire.

Mentionnons également l'explosion du nombre de refus d'entrée sur le territoire et l'augmentation, chaque année, des dépenses engagées dans le cadre de l'aide médicale d'État, dont le budget atteint près de 1 milliard d'euros en 2018, sans autre horizon qu'un rythme de régularisations des étrangers en situation irrégulière toujours plus soutenu. Ce laxisme en matière d'éloignement du territoire vous amène même à refuser d'éloigner ceux qui représentent une menace pour la sécurité des Français : les 3 391 étrangers fichés pour radicalisation à caractère terroriste.

L'avis de votre rapporteur pour avis sur ce budget éloigné de toute réalité concrète, chers collègues, est donc défavorable, contrairement à celui de la commission des affaires étrangères, qui est favorable.

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