Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du mardi 6 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État », dont je suis rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, rassemble les moyens du ministère de l'intérieur lui permettant d'assumer trois de ses principales responsabilités : garantir l'exercice des droits des citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État sur le territoire national et y mettre en oeuvre des politiques publiques.

Le budget et les effectifs alloués à cette mission par le projet de loi de finances pour 2019 ont été présentés en détail par les orateurs qui m'ont précédé à la tribune. Pour ma part, je m'en tiendrai à trois observations.

Premièrement, s'agissant de l'accueil des usagers en préfecture, l'honnêteté m'oblige à saluer la création, en 2018, de 313 points d'accueil numériques dans les préfectures et les sous-préfectures, lesquels assurent une sorte de service minimum atténuant un peu la brutalité de la réforme que l'on a fait subir aux Français dans le cadre du plan préfecture nouvelle génération. Pour autant, le choix de fermer les guichets des préfectures et des sous-préfectures aux usagers nationaux et de réserver l'accueil physique aux seuls services des étrangers demeure, à mes yeux, un choix contestable. Au demeurant, j'observe que cette mission continue d'emboliser le fonctionnement des préfectures.

Deuxièmement, je m'étais inquiété, l'année dernière, de la faiblesse des moyens consacrés au contrôle de légalité. Cette observation demeure. Monsieur le ministre, le décalage entre les lois de moralisation ou de transparence de la vie publique que nous votons au Parlement et l'absence de tout contrôle sur le terrain finira par se voir.

J'en prendrai pour exemple l'article 8 de la loi dite « Sapin 2 », qui fait obligation aux collectivités locales de plus de 10 000 habitants de mettre en place un dispositif de recueil des signalements d'alertes en vue de prévenir la corruption, et ce au plus tard le 1er janvier 2018. Or, d'après l'Agence française anticorruption, seules 8,7 % des collectivités locales concernées satisfont à cette obligation. En dépit de cette absence flagrante d'application de la loi, je n'ai pas connaissance que les préfets aient procédé à des rappels à la loi.

Enfin, je me suis particulièrement intéressé, cette année, aux moyens alloués à la commission nationale de contrôle des comptes de campagnes et des financements politiques – CNCCFP – , qui a récemment fait parler d'elle à propos des comptes de campagne de M. Mélenchon et M. Macron, qui ont fait l'objet d'un signalement au parquet.

Au sujet des crédits qui lui sont alloués, je me bornerai à une observation consistant à regretter le manque d'élasticité des moyens : 51 ETP, c'est parfois trop, notamment dans les années, comme 2019, où l'on compte un seul scrutin ou aucun, et très insuffisant dans les années où l'on en compte plusieurs – comme 2017, émaillée des scrutins présidentiel, législatif et sénatorial.

Les polémiques nées de l'examen des comptes des campagnes électorales de 2017 m'amènent à ouvrir plusieurs champs de réflexion au sujet des moyens juridiques dont dispose la CNCCFP. Leur évolution aurait des conséquences sur ses moyens effectifs.

À l'heure actuelle, rien ne permet à la commission de vérifier si les dépenses engagées par un parti politique dans le cadre de l'élection présidentielle ont été intégrées ou non dans le compte de campagne du candidat qu'il soutient. Le Gouvernement serait-il opposé à ce que le législateur lui permette d'accéder à la comptabilité des partis politiques pendant la période d'examen des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle, si du moins ceux-ci excipent du concours financier d'un parti politique ? Cette proposition a été formulée par la commission des finances de l'Assemblée nationale en 2015.

Dans mon rapport pour avis, je propose une modification plus radicale encore, portant sur les modalités du contrôle assuré par la CNCCFP. Il s'agit de passer d'une logique de contrôle ex-post, qui amène souvent à des débats un peu réchauffés sur l'élection présidentielle passée, à une logique de contrôle continu. Dans ce cadre, la CNCCFP pourrait se voir conférer la capacité d'effectuer des contrôles sur place au cours de la campagne électorale. En pratique, une telle évolution permettrait à ses rapporteurs de travailler au fil de l'eau, donc de détecter rapidement les analyses erronées – de bonne foi – des candidats. En outre, elle aurait pour ceux-ci un caractère sécurisant, dans la mesure où elle leur permettrait de bénéficier d'une forme de rescrit sur leurs comptes de campagne. Quel serait l'avis du Gouvernement sur une telle évolution ?

Enfin, j'évoquerai les dons perçus par les candidats. Dans le cadre de l'élection présidentielle de 2017, la CNCCFP a relevé que les partis politiques – par le biais des concours financiers qu'ils apportent aux comptes de campagne – constituent indirectement un moyen de collecte de dons supplémentaire. À titre d'exemple – c'est le cas le plus flagrant – , les comptes de campagne du candidat vainqueur, Emmanuel Macron, mentionnent une somme de 1 million d'euros de dons, à laquelle il faut ajouter 5 millions d'euros de dons collectés par le parti ayant effectivement servi pour la campagne.

La pratique du double don ne contredit pas expressément la loi, mais elle en méconnaît certainement l'esprit, car elle permet de s'affranchir du plafond en la matière, fixé à 4 600 euros par campagne électorale, et permet d'atteindre 12 100 euros par don, voire le double pour un couple. Je rappelle que ces dons sont subventionnés par le contribuable à hauteur de 66 %. En conséquence, mieux vaut être le candidat des Français qui ont de la trésorerie que de ceux qui ont des découverts !

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que la moralisation de la vie publique, visant, d'une part, à limiter les risques de conflits d'intérêt et, d'autre part, à rétablir un tant soit peu d'égalité entre les candidats, mériterait que l'on en revienne à la pratique plus stricte d'un don unique par campagne ?

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