Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 6 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, le budget pour 2019 de la mission « Sécurités » a pour objet de « faire reculer l'insécurité des Français au quotidien, au plus près du terrain et de leurs attentes ».

S'il y a une augmentation des crédits, celle-ci reste modeste et insuffisante.

S'agissant du programme « Police nationale », qui regroupe les moyens dédiés au maintien de l'ordre public, à la sécurité publique et à la sécurité routière, les crédits de paiement pour 2019 atteignent 10,7 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 172 millions par rapport à 2018. Compte tenu de l'inflation prévue – 1,7 % – , la hausse est en réalité de 0,3 % seulement.

Les crédits de l'action « Police des étrangers et sûreté des transports internationaux », qui augmentent de 1 % seulement, seront in fine moins élevés que l'année passée – ils reculeront de 0,7 % – , ce qui n'est pas sans surprendre alors qu'est affirmée une volonté de lutter contre l'immigration illégale.

Quant aux crédits de paiement du programme « Gendarmerie », ils s'élèvent pour 2019 à 8,8 milliards d'euros, en augmentation de 180,4 millions, soit 2,1 %. Là encore, rapporté à une inflation de 1,7 %, leur croissance sera de seulement 0,4 %. Sans entrer dans les détails, je note que les recettes de ce programme, à savoir les attributions de produits et les fonds de concours, sont en forte diminution en 2019.

Il existe donc un écart entre la priorité annoncée et les moyens effectivement disponibles pour mener une action d'ampleur en faveur de la protection de nos concitoyens.

Ce projet de budget n'apparaît pas à la hauteur de la situation des agents du ministère sur le terrain. Selon les organisations syndicales de policiers, plus de 20 millions d'heures supplémentaires seraient en attente de traitement. Dans le même ordre d'idées, le paiement des astreintes aurait atteint ses limites dès le troisième trimestre de 2018. Alors que la croissance est possiblement au rendez-vous, des choix politiques ont été faits au profit des plus aisés, ce qui a privé l'État de précieuses ressources, qui auraient pu être utilisées au bénéfice de notre police et, donc, de notre sécurité au quotidien.

J'en viens à la mission « Immigration, asile et intégration ». Les crédits de paiement du programme « Immigration et asile » augmenteront de manière significative, il est vrai, passant de 1 à 1,28 milliard d'euros. À bien y regarder, ces crédits relèvent de deux actions différentes : il s'agit, d'une part, des crédits d'intervention visant à garantir l'exercice du droit d'asile et, d'autre part, des crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière.

Les crédits de l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » suivent, si j'ose dire, l'augmentation du nombre de demandes d'asile. En 2019, lesdits crédits augmenteront de 13 %, tandis que le nombre de demandes d'asile, qui progresse en tendance de 30 à 40 % chaque année, devrait ou pourrait atteindre 140 000. Même si l'augmentation des crédits n'a pas à être proportionnelle, elle apparaît néanmoins en décalage par rapport aux enjeux et aux défis.

Quant à l'augmentation de près de 54 millions d'euros des crédits de l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière », elle concerne pour l'essentiel – les deux tiers – des crédits d'investissement.

Pour terminer, j'évoquerai brièvement le programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Ses crédits de paiement augmenteront de façon claire, passant de 218 à 413 millions d'euros. Cette hausse des crédits vise, pour l'essentiel, l'accueil des primo-arrivants et l'accompagnement des réfugiés. Si l'on peut s'en féliciter, on doit néanmoins considérer qu'elle suit l'augmentation du nombre des demandes et des situations à traiter, sans que l'on sache si les besoins sont anticipés de manière réaliste et raisonnable.

En définitive, malgré l'augmentation affichée des crédits de ces deux missions, nous nous interrogeons sur la volonté réelle du Gouvernement, d'une part, de donner à la sécurité les moyens dont elle a objectivement besoin et, d'autre part, d'anticiper raisonnablement et correctement les besoins en termes d'accueil et d'accompagnement des migrants devant faire l'objet d'une protection humanitaire. Je souhaite dire ici que la police, au sens général du terme, est une institution, une entreprise de personnes et de personnels, à qui il faut redonner du sens et des moyens. Je souhaite aussi rappeler, au nom de notre groupe, que miser sur un accueil digne des migrants et investir dans ce domaine ne constitue ni un luxe ni un risque : c'est un investissement de la collectivité en faveur de son ordre, de sa cohérence et de sa solidarité.

Nous le regrettons, mais nous ne voterons pas ces crédits. Comme cela a été indiqué, eu égard aux enjeux et aux moyens dont notre collectivité aurait pu disposer, les crédits de ces deux missions auraient pu et dû traduire une ambition beaucoup plus forte, pas seulement une ambition gestionnaire.

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