Les variables d'ajustement constituent en effet une véritable difficulté : plus elles sont importantes et plus il est difficile de les répartir, ce qui justifie l'attachement que nous mettons à les réduire au maximum. Il faudra nécessairement revoir ce système que nous connaissons depuis 2010, avec la définition d'une enveloppe dite normée, au sein de laquelle l'ensemble des financements nouveaux devaient être des financements internes, sauf décision particulière, comme celle que nous avons prise cette année sur les 120 millions d'euros liés à l'exonération de CFE.
Monsieur Molac, les contrats existent aujourd'hui dans leur première version : il est évident qu'ils doivent être améliorés. Il faudra trouver d'autres méthodes de discussion, tout en garantissant la tenue d'une trajectoire nationale. L'équilibre n'est donc pas simple à définir. Je tiens à préciser qu'avec la ministre Jacqueline Gourault nous avons coprésidé le comité de suivi des contrats. Au-delà des trois critères fixés par la loi de programmation, nous avons pris, sous notre responsabilité, plusieurs dérogations et adaptations. Nous avons ainsi « détouré », pour les faire sortir du périmètre d'évaluation, certaines dépenses de fonctionnement dotées d'un caractère exceptionnel. Par exemple, l'organisation de la Route du Rhum, tous les quatre ans, coûte à l'agglomération de Saint-Malo 4 % de ses dépenses réelles de fonctionnement. Il est impossible de lui demander d'organiser la course et de soutenir une trajectoire à 1,2 %. Il en a été de même lorsque nous demandons à une commune d'accueillir des événements liés à la Coupe du monde de rugby. Nous avons également travaillé sur des repérimétrages géographiques, ce qui nous a conduits à un long débat avec la commune nouvelle et l'agglomération de Cherbourg-en-Cotentin, créée en 2018 et dont il faut reconstituer le périmètre d'évaluation de l'année 2017, les simples additions ne suffisant pas.
S'agissant des questions d'ingénierie, au Comité des finances locales, nous avons annoncé que nous allions rendre éligibles à la DETR les dépenses d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO), dans une certaine limite : le montant total de la DETR attribué au titre de l'AMO ne pourra pas excéder 10 % du total de la DETR versée pour le projet, de manière à éviter de faire grimper les coûts d'étude.
Pour en venir à la réforme de la fiscalité locale, pendant la période de suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, a été actée, par la loi de programmation et la loi de finances pour 2018, la compensation des collectivités par dégrèvement. Cela est avantageux, puisque, contrairement aux allocations de compensation, il est impossible d'étendre les variables d'ajustement aux sommes liées au dégrèvement, ce qui sécurise les collectivités. Pendant la période qui suivra, en 2021 et 2022, pour ce qui concerne la suppression des 20 % restants, soit un nouveau modèle fiscal intègrera la recette correspondante, soit nous garderons la même méthode.
Le financement des 80 %, qui s'élève à environ 15 milliards d'euros, a été intégré dans la loi de programmation des finances publiques et pris en compte par l'État pour garantir le dégrèvement dans le cadre de sa programmation. Il nous reste aujourd'hui à trouver le financement correspondant aux 20 % restants, sachant que, parmi ces 20 %, tout ne sera pas supprimé, puisque la recette liée à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires sera maintenue – nous devrons peut-être en changer le nom, dans la mesure où il n'y aura plus de taxe d'habitation sur la résidence principale –, tout comme les recettes de taxe d'habitation liées à des instruments politiques à la main des communes et des intercommunalités, pour sanctionner l'usage d'un logement à des fins commerciales – en Airbnb, par exemple, à Paris – ou sa vacance volontaire. Ces outils de politique locale du logement doivent être maintenus. Ils représentent un montant d'environ 400 millions d'euros. Charge à nous de trouver, y compris par économies, les 6,5 milliards d'euros qui manquent.
En ce qui concerne la compensation auprès des communes et des intercommunalités, la mission Richard-Bur a rendu son rapport. Si elle avance une piste privilégiée, le débat reste très ouvert. Son scénario consiste à affecter aux communes le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements. À un niveau macroéconomique, il y a 300 millions d'euros d'écart. La compensation se trouverait là, à condition de créer un fonds national de garantie. Cette solution poserait deux questions : celle, d'une part, de la compensation des intercommunalités, pour laquelle deux hypothèses sont avancées – un financement par le biais de l'affectation d'une fraction d'un impôt national, comme nous l'avons fait pour les régions avec la TVA, ou via une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), pour créer une fiscalité dynamique assise sur une forme d'aménagement du territoire ; d'autre part, celle de la compensation des départements, pour laquelle l'hypothèse la plus souvent proposée tient à l'affectation d'une fraction d'un impôt national. Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et moi-même sommes chargés de continuer la discussion avec l'ensemble des associations d'élus et des collectivités, pour trouver le modèle le plus efficient. Selon la feuille de route fixée par le Président de la République, lors du dernier Congrès des maires, la recette allouée en compensation doit être dynamique et juste, et le modèle de financement durable, pour financer les besoins des collectivités et de leurs habitants, sans créer d'impôt nouveau.
Par ailleurs, si nous n'avons pas aujourd'hui de projet de réforme des dotations, une fois la réforme de la fiscalité passée, c'est un chantier qu'il faudra rouvrir pour gagner en simplicité et, peut-être, nous débarrasser du système des variables d'ajustement, difficilement compréhensible, qui conduit à des réfactions sur des produits sans offrir d'explication limpide – c'est le moins que l'on puisse dire.
Enfin, la simple modification de l'affectation du produit des impôts locaux, en termes de répartition entre les différentes strates de bénéficiaires, a aussi des conséquences sur le potentiel financier des communes et des intercommunalités. Les principales évolutions de la DGF, en 2018, ont été liées, au-delà des variations de population ou de l'écrêtement, au fait que l'application de la nouvelle carte de l'intercommunalité avait modifié les potentiels financiers intégrés des communes bénéficiaires. Aussi faut-il avoir en tête que la modification de la répartition du produit de la fiscalité locale a un impact sur le potentiel financier. Il faudra veiller à éviter de répéter la mésaventure de cette année, en termes d'instabilité et d'imprévisibilité.