Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l'État » porte à 99 % sur les dépenses relatives à la charge de la dette de l'État. En 2019, la charge de la dette devrait s'élever à 42,1 milliards d'euros, soit une hausse de 400 millions d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2018.
Cela s'explique par deux raisons principales : un, les conditions de financement de l'État se sont normalisées, avec une remontée progressive des prévisions de taux d'intérêt sur l'ensemble de la courbe des taux et une reprise de l'inflation ; deux, l'encours de la dette négociable de l'État, qui devrait s'établir à 1 845 milliards d'euros à la fin de l'année 2019, progresse de 84 milliards d'euros par rapport à la fin de l'année 2018. Je vais revenir sur ces deux points.
Les conditions de financement de l'État, il faut le dire, restent exceptionnellement favorables. Pour financer notre dette, nous empruntons à des taux historiquement bas. Le taux moyen pondéré des titres français de moyen et long termes s'est établi à 0,54 % à la mi-octobre 2018. Alors oui, les taux risquent de remonter, et il est normal de prendre cela en compte dans les prévisions, mais, à ce jour, rien n'annonce un choc qui placerait l'État en difficulté.
Si je l'affirme, c'est parce que les représentants de la Banque centrale européenne, les économistes et les représentants de l'Agence France trésor que nous avons auditionnés avec ma corapporteure Bénédicte Peyrol ont tous été rassurants sur la perspective de la remontée des taux : celle-ci devrait être progressive et graduelle, pour trois raisons. D'abord parce que la politique monétaire de la BCE reste accommodante – les détails figurent dans notre rapport – et que les taux directeurs ne devraient donc pas évoluer avant l'été 2019. Ensuite parce que les titres de notre dette sont attractifs – des titres de dette souveraine sûrs et de qualité, eh oui, c'est rare sur les marchés ! Enfin, la demande des marchés a peu de risque de faiblir parce que des règles prudentielles – Bâle III et Solvabilité II – imposent aux acteurs financiers de détenir des titres souverains de qualité. J'ajoute que la maturité de la dette s'allonge : la durée de vie moyenne de la dette négociable de l'État s'établit à près de huit ans. Ainsi, le refinancement de la dette ne représente chaque année qu'un huitième de la dette de l'État ; l'impact d'une remontée des taux sera atténué d'autant.
Je ne voudrais donc pas que l'on cède, notamment au sein des groupes d'opposition, à une dramatisation excessive de la situation. Toutes choses égales par ailleurs, le vrai problème de notre pays est l'encours de la dette : 1 845 milliards d'euros de dette et des intérêts associés à 42,1 milliards d'euros, c'est trop bien sûr, beaucoup trop. L'Agence France trésor fait très bien son travail pour minimiser cette charge mais cela n'affaiblit en rien notre volonté de rétablir nos finances publiques et de réduire la dette de notre pays. C'est là que résident les véritables enjeux.
Justement, concernant l'encours de la dette de l'État et sa détention, l'encours de la dette négociable de l'État, je l'ai dit, poursuit son augmentation, avec une progression de 84 milliards d'euros par rapport à 2018. C'est une hausse plus dynamique que l'augmentation moyenne annuelle, qui s'est établie à 77 milliards d'euros sur la période 2007-2017. Mais nous l'avions prévu et largement annoncé, madame la secrétaire d'État, avec la bascule du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales.
Par qui cette dette est-elle détenue ? Ici encore, permettez-moi quelques précisions face aux discours alarmistes sur différents bancs. À la mi-2018, un peu plus de la moitié des détenteurs de la dette – précisément 53,3 % – sont des non-résidents. Cette proportion est en baisse constante : elle a chuté de 14,5 points en neuf ans. La détention par les non-résidents est précisément connue : près de 60 % des investisseurs non-résidents sont européens et 52 % sont issus de la zone euro ; 13 % sont des investisseurs asiatiques ; 9 % sont américains ; les 18 % restant correspondent aux détentions d'organisations internationales ou aux placements des réserves de change. C'est transparent : il n'y a pas ni secret ni mystère.
D'ailleurs, le fait que la détention de la dette soit diversifiée n'est en vérité pas vraiment un problème. Cela comporte même quelques avantages. Si les Français investissent dans la dette, c'est autant d'investissement en moins pour l'économie. Est-il raisonnable que les ménages financent la dette de l'État plutôt que de relancer la consommation ou de renforcer les fonds propres de nos PME ? L'exposition du secteur bancaire et assurantiel domestique à la dette de l'État est-elle une bonne chose du point de vue de la stabilité financière ? Je pense que non. Si le risque était porté uniquement par des acteurs domestiques, une fragilisation de la dette publique entraînerait une déstabilisation des acteurs privés exposés. À ce titre, je vous invite à observer ce qui se passe en Italie, où la dette est essentiellement détenue par les résidents. Donc, de grâce, évitons les discours simplistes et cessons d'agiter des peurs qui n'ont pas lieu d'être !