Depuis août dernier, un concert de voix s'élève à propos de la situation actuelle de la Grèce. Celle-ci serait, à en croire M. Moscovici, un nouvel Ulysse revenant à Ithaque après un long et dangereux périple. Ce diagnostic n'est pas seulement biaisé, il est scandaleux à plusieurs titres : aveuglement idéologique quant à la réalité de la reprise économique de la Grèce, qui reste une martyre de l'austérité européenne ; mépris ostensible pour les terribles souffrances imposées à son peuple par les puissances financières coalisées ; cynisme et hypocrisie quant à la prétendue liberté d'un gouvernement maintenu sous tutelle et dont la souveraineté est perpétuellement foulée aux pieds.
Permettez-moi de brosser un autre tableau que celui de M. Moscovici de ce qui se passe en Grèce. Depuis 2010, le PIB a fondu d'un tiers, le salaire moyen s'est effondré de 22 %, les retraites plafonnent à moins de 700 euros bruts, un jeune Grec sur trois doit quitter son pays et le chômage continue de tutoyer les 20 %. Quant à la souveraineté économique, Bruxelles s'acharne aujourd'hui à exiger du gouvernement une énième baisse des pensions. Voilà la situation de la Grèce !
Plutôt qu'avec Ulysse, c'est avec le sage Solon que je souhaite conclure : beaucoup le croisent aux Quatre Colonnes sans savoir que ce père de la démocratie athénienne s'est justement illustré par l'effacement des dettes publiques et privées.
Ma question, deux mille cinq cents ans plus tard, est la suivante : pensez-vous sérieusement que la dette de la Grèce sera jamais remboursée ? Pensez-vous qu'il soit judicieux de lui imposer un tel excédent budgétaire primaire, au détriment de toute relance de l'activité et de mesures de justice sociale ? Et ce, alors qu'on parle d'un remboursement échelonné jusqu'en 2069 – autant dire les calendes grecques !