Intervention de Claude Goasguen

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur :

Ce projet de loi propose de ratifier le nouvel accord portant sur le statut des forces françaises et jordaniennes respectivement déployées en Jordanie et en France. Ce texte a d'ores et déjà été adopté par le Sénat, je n'entrerai donc pas dans le détail d'un accord au demeurant de facture classique, mais j'insisterai sur quelques points importants.

Tout d'abord, rappelons que dans un voisinage ravagé par les crises, la Jordanie constitue l'un des rares îlots de stabilité qu'il faut impérativement préserver.

La Jordanie est un allié central de la France dans la lutte contre Daech et un partenaire essentiel pour la défense de nos intérêts de sécurité dans la région. Au-delà de l'excellente coopération opérationnelle que nous menons dans le domaine militaire, la Jordanie constitue aujourd'hui un point d'appui majeur pour les actions menées par la France au Levant contre le terrorisme jihadiste.

Je rappelle qu'Amman est un membre actif de la coalition internationale mise en place en 2014, participe aux frappes aériennes et accueille la base aérienne projetée de la France dans le cadre de l'opération Chammal. Cette base, dite base H5, présente un intérêt certain du fait de sa proximité avec le théâtre d'opérations irako-syrien.

Notre relation bilatérale de défense s'est considérablement étoffée, à la faveur de la lutte anti-Daech.

Dans ce cadre, nos efforts de coopération répondent à un triple objectif : consolider l'appareil militaire jordanien en le rendant interopérable avec le nôtre, le mettre en position de répondre aux menaces régionales (en le dotant d'une capacité autonome d'intervention contre les groupes armés terroristes) et maintenir la Jordanie comme éventuel point d'appui pour nos opérations au ProcheMoyen-Orient.

La France a un intérêt majeur à ce que la Jordanie maintienne sa contribution dans la lutte contre le terrorisme. Les efforts de la France dans la coopération bilatérale de défense avec la Jordanie doivent être préservés et faire l'objet d'un investissement continu. L'accent est notamment porté sur trois niches de coopération dans les domaines du renseignement, de l'armée de l'air et des forces spéciales.

Par ailleurs, la Jordanie est également un relais utile pour notre action diplomatique au Proche et Moyen-Orient, du fait de sa position de carrefour régional et de l'activisme diplomatique du Roi Abdallah II qui lui permet de parler à l'ensemble des acteurs de la région.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent projet de loi.

Le statut des membres des forces françaises déployées en Jordanie faisait l'objet d'un accord passé en 1995. Le statut des forces jordaniennes déployées en France ne faisait l'objet d'aucun texte particulier.

Ce point est précisément celui qui a été mis en avant par les autorités jordaniennes, dans leur lettre du 21 décembre 2011, pour justifier leur demande de renégocier le statut des forces françaises en Jordanie, tel que déterminé par l'accord relatif aux conditions de stationnement des forces armées françaises à l'occasion d'exercices ou d'entraînements sur le territoire du Royaume hachémite de Jordanie de 1995.

L'accord de 2015 qu'il s'agit de ratifier vient remplacer l'accord de 1995. Pour la France, la renégociation de l'accord de 1995 permet de garantir un cadre pérenne stable, juridiquement solide et plus protecteur.

L'accord de 2015 est moins avantageux que l'accord de 1995 s'agissant du statut juridique des personnels et de facilités opérationnelles. Fondé sur la réciprocité réclamée par la Jordanie, il est nécessairement moins avantageux pour les forces françaises que les précédents instruments qui n'étaient pas réciproques. Aux termes de l'accord de 1995, par exemple, le personnel français bénéficiait d'une immunité de juridiction pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions et d'une procédure d'expulsion vers la France pour les infractions pénales commises en dehors de l'exercice de ses fonctions. En matière d'accès au territoire, l'accord de 1995 exonérait les forces françaises de visa.

Néanmoins, l'accord de 2015 garantit un cadre plus solide pour nos personnels. Le caractère confidentiel, non réciproque et l'absence de ratification de l'accord de 1995 le fragilisaient. En outre, la rédaction de l'article relatif à sa durée de validité le rendait précaire : pour preuve, les Parties ont appliqué l'accord de façon constante sans remise en cause de sa validité pendant dix ans, jusqu'à ce qu'en 2011, les autorités jordaniennes invoquent sa caducité. L'accord de 2015 permet de disposer d'un cadre juridique transparent, ratifié par les deux Etats, publié et dont la validité sera prorogée automatiquement d'année en année au-delà des cinq premières années.

En outre, il instaure, pour nos personnels civils et militaires, un cadre juridique protecteur et conformément à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, confère aux personnels déployés et aux personnes à leur charge les garanties essentielles de protection de leurs droits. L'accord prévoit en effet :

- un ensemble de règles de partage de compétence juridictionnelle applicable en cas d'infraction,

- le droit à un procès équitable et les garanties procédurales qui en découlent (droit d'être jugé dans un délai raisonnable, d'être représenté ou assisté, de bénéficier d'un interprète…),

- la peine de mort étant toujours appliquée en Jordanie, cet instrument assure une protection suffisante de nos ressortissants pour le cas où ils viendraient à commettre des infractions relevant de la compétence des juridictions jordaniennes et passibles de la peine de mort, de torture, de peines ou de traitements inhumains ou dégradants.

Sous réserve de ces remarques, je vous propose d'adopter ce projet de loi et vous remercie.

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