Madame la ministre, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2019, malgré une augmentation affichée de 6,8 %, due principalement à la revalorisation exceptionnelle de deux prestations, la prime d'activité et l'AAH, se révèlent très décevants au regard du périmètre couvert. Ils sont même en deçà des moyens nécessaires à la réalisation des ambitions fixées par la stratégie de lutte contre la pauvreté. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement, il va y avoir des perdants, car si l'on traduit votre langage, « rationalisation » signifie « réduction des droits ».
Ainsi, les gains de la revalorisation de la prime d'activité, ciblés vers les personnes au plus près de l'employabilité, soit entre 0,5 et un SMIC, et passés au filtre de l'article 65 du PLF et du décret du 3 octobre dernier, ne seront plus que de 5 à 8 euros au lieu des 20 annoncés. Si l'on y ajoute les plus de 3,7 millions de personnes touchant un RSA qui ne sera pas revalorisé, ce sont bien tous les travailleurs les plus modestes et les personnes les plus pauvres qui ne bénéficieront d'aucun coup de pouce, alors même qu'ils subissent de plein fouet les baisses du pouvoir d'achat.
La revalorisation de l'AAH subit elle aussi des coups de rabot injustifiables : à l'absence de revalorisation par rapport à l'inflation prévue pour 2019 et aux mesures de désindexation sur l'inflation en 2020, vous ajoutez le gel du plafond de ressources des couples et la fusion des aides complémentaires. Or la prise en compte des ressources du conjoint relève de la double peine, à la fois parce qu'elle sanctionne la personne en situation de handicap et parce qu'elle la place dans une situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint, ce qui entrave son émancipation. Vous avez d'ailleurs rejeté récemment la proposition de loi de nos collègues à ce sujet, au motif de la priorité donnée à la mobilisation familiale des ressources. Seulement, l'AAH n'est pas une prestation comme une autre.
Quant aux aides complémentaires, leur fusion se traduit par la disparition du complément de ressources, qui s'adresse à des personnes lourdement handicapées qui ne peuvent pas travailler, au profit de la majoration pour la vie autonome, la MVA, soit 104,77 euros au lieu de 179,31 euros. Remplacer l'une par l'autre causera une perte de 74 euros. Or les critères d'éligibilité à la MVA font qu'un certain nombre de bénéficiaires du complément de ressources ne pourront pas prétendre à cette aide et subiront une perte sèche de 179 euros par mois. L'injustice de cette mesure semble plonger la majorité dans le doute. Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale, n'a d'ailleurs pas émis d'avis défavorable sur notre amendement visant à supprimer l'article 83 lors de l'examen du texte en commission.
Hier, la commission des finances du Sénat a voté à l'unanimité en faveur du complément de ressources. C'est donc désormais un amendement issu de vos rangs qui le soutient.
Nous ne pouvons accepter une politique de rabot sur des prestations sociales destinées à des travailleurs modestes et à des allocataires sous le seuil de pauvreté, politique que vous êtes obligés de mettre en place pour compenser les choix budgétaires de votre gouvernement en direction des plus aisés. Notons par ailleurs qu'au regard de vos premiers résultats économiques, ces choix budgétaires sont loin d'être efficaces.
À l'heure où Victor Hugo est remis au goût du jour, souvenons-nous que la IIIe République avait proclamé la dette de la nation envers les pauvres ! Le discours du Gouvernement sur les prestations sociales donne désormais l'impression que ce sont les pauvres qui ont une dette à l'égard de la nation. Pour ces raisons, nous ne serons que plus vigilants quant aux modalités du futur revenu universel d'activité.
Vous l'aurez compris, aux yeux du groupe Socialistes et apparentés, ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux revendiqués, que ce soit en matière de lutte contre la pauvreté, de soutien aux personnes handicapées ou d'égalité entre les femmes et les hommes. Il poursuit une politique injuste et inefficace que nous ne pourrons approuver.