Intervention de Samantha Cazebonne

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSamantha Cazebonne, rapporteure :

En matière d'impôts sur le revenu, la France et le Portugal sont liés, par une convention fiscale qui date de 1971. L'avenant à cette convention que nous examinons ce matin comporte deux volets.

Par le premier volet, il s'agit de répondre à un problème précis, apparu en 2013. Ce problème concerne l'imposition des rémunérations des agents publics et retraités de la fonction publique française résidant au Portugal.

Pour ces rémunérations, l'actuelle convention de 1971 prévoit ce que l'on appelle « un droit d'imposition partagé » entre les deux pays. Concrètement, cela signifie que ces revenus sont imposables en France (État qui les verse), mais le Portugal, en tant qu'État de résidence, peut aussi les imposer, à condition d'éliminer les doubles impositions.

Cette règle n'est pas conforme aux recommandations les plus récentes de l'OCDE qui préconisent une imposition de ces rémunérations publiques exclusivement par l'État qui les verse.

Cependant ce droit d'imposition partagé n'a longtemps pas posé problème dans la mesure où ni le Portugal ni la France n'exerçaient leur faculté d'imposer en tant qu'État de résidence. La pratique était donc de fait conforme aux recommandations de l'OCDE.

Mais en 2013, en pleine crise économique et à la recherche de nouvelles recettes fiscales, le Portugal a modifié sa position et a commencé à exercer son droit d'imposer les rémunérations et pensions publiques versées par la France.

Sur cette base, l'administration fiscale portugaise a engagé des contrôles fiscaux à l'encontre d'agents publics (en particulier des enseignants des lycées français de Lisbonne et Porto) et de retraités de la fonction publique française qui avaient généralement déclaré leurs rémunérations et payé leurs impôts uniquement en France.

Ces personnes se sont retrouvées dans une situation particulièrement difficile, avec des situations de double imposition temporaire, une charge fiscale globalement plus lourde, l'impôt sur le revenu étant sensiblement plus lourd au Portugal qu'en France. Mais surtout, les redressements notifiés portent sur cinq années car le fisc portugais dispose d'un droit de reprise sur cinq ans : les contribuables concernés se sont donc vus notifier des rehaussements en base sur cinq ans, rehaussements auxquels s'ajoutent des majorations et pénalités pour défaut de déclaration ou retard de paiement !

On perçoit facilement l'incompréhension que ces contrôles et redressements, pourtant conformes à la convention fiscale, ont pu susciter chez nos compatriotes.

Pour remédier à cette situation, le ministère des finances français a rapidement engagé des démarches auprès des autorités portugaises. Ces dernières ont accepté de geler les procédures en cours. Et par cet avenant, elles ont accepté de faire évoluer les règles dans un sens très favorable aux contribuables français en s'appuyant sur le modèle de convention fiscale de l'OCDE.

Le Portugal a accepté de renoncer au droit d'imposition partagé. Ainsi, concrètement, aux termes de l'avenant qui nous est soumis, nos compatriotes résidant au Portugal et percevant des rémunérations et pensions publiques d'origine française seront désormais exclusivement imposables en France.

Le modèle de l'OCDE préconise en revanche une imposition de ces rémunérations dans l'État de résidence si le contribuable en a la nationalité. Les contribuables ayant la nationalité portugaise devraient donc être imposés par le Portugal. Cependant, à la demande de la France, le Portugal a accepté une dérogation au modèle de l'OCDE en faveur des fonctionnaires actifs binationaux (franco-portugais) qui seront eux aussi imposés par la France. Il s'agit d'une concession importante du Portugal que l'on ne peut que saluer.

Pour bien comprendre les évolutions proposées, les normes de l'OCDE, et la situation antérieure, je vous invite à consulter le tableau qui se trouve en page 10 de mon rapport.

Enfin, et c'est là un point très important, le Portugal a également accepté de ne pas insister sur le passé. L'avenant prévoit en effet une application rétroactive de ces nouvelles règles aux rémunérations et pensions versées à compter du 1er janvier 2013. Cela revient de facto à annuler les redressements effectués par le Portugal en 2013.

L'avenant est donc extrêmement favorable à nos compatriotes mais je souhaite attirer votre attention sur une catégorie de contribuables, pour lesquels l'alignement sur les standards de l'OCDE ne s'avère pas favorable et pour lesquels l'avenant n'apporte pas une réponse totalement satisfaisante.

Il s'agit des retraités de la fonction publique française ayant la double nationalité franco-portugaise. Imposables dans l'État de résidence, ces personnes se voient désormais appliquer le barème de l'impôt sur le revenu portugais et ce de manière rétroactive. Pour cette catégorie de contribuables, la France n'a pas pu obtenir du Portugal la dérogation au modèle de l'OCDE qu'elle a obtenue pour les actifs. Cette différence de traitement suscite leur incompréhension mais il faut avoir à l'esprit que la négociation a été globalement particulièrement favorable à la France et aux contribuables français et qu'un alignement sur les règles de l'OCDE n'aurait pu se faire qu'au détriment des actifs binationaux et non à leur profit. Pour l'avenir, les nouvelles règles ne sont pas contestables et certaines personnes concernées envisageraient de renoncer à leur nationalité française pour éviter l'imposition portugaise mais pour le passé, il reste une situation qui n'est guère satisfaisante.

Dans ce contexte, le 20 juillet dernier devant le Sénat, M. Gérald Darmanin, Ministre de l'action et des comptes publics, s'est engagé à demander à son homologue portugais une mesure de clémence fiscale en faveur de ces personnes. Je me félicite vivement de cet engagement et je crois que nous pouvons collectivement nous en réjouir et soutenir la démarche du ministre. Concrètement, il s'agit d'obtenir l'annulation des majorations et intérêts de retard demandés à ces personnes. Je serai, pour ma part, particulièrement attentive à la mise en oeuvre de cet engagement.

Le second volet de cet avenant, sur lequel je ne m'attarderai pas, constitue une actualisation des stipulations de cette convention qui, datant de 1971, n'étaient pas à jour des standards les plus récents de l'OCDE auxquels la France et le Portugal sont déjà soumis par ailleurs en vertu d'autres textes. Ces stipulations concernent l'échange de renseignements en matière fiscale, l'assistance au recouvrement, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Il n'y a donc pas de modification du droit existant et des modalités de coopération administrative avec le Portugal qui sont en ce domaine tout à fait satisfaisantes. Il s'agit d'une actualisation tout à fait bienvenue dont nous ne pouvons, je pense, que nous réjouir.

En conclusion, l'entrée en vigueur de cet avenant dont le Sénat a approuvé la ratification le 20 juillet dernier est très attendue. Le Portugal a achevé sa procédure de ratification le 3 avril 2017 ; l'application de l'avenant interviendra dès que la France aura fait de même. Mes chers collègues, je vous invite donc à approuver ce projet de loi qui facilitera grandement la vie de nos agents et retraités publics au Portugal.

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