Intervention de Guy Teissier

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur :

C'est toujours un plaisir de présenter un rapport concernant un pays un peu exotique, cela nous fait voyager. Le Kazakhstan est un grand pays, vaste comme cinq fois la France, mais compte à peine 18 millions d'habitants. C'est un pays qui sort de l'époque post-soviétique et est aujourd'hui en mutation vers la démocratie.

L'Union européenne et le Kazakhstan ont conclu en décembre 2015 un accord, dit de partenariat et de coopération renforcé, destiné à remplacer le premier accord de partenariat et de coopération qu'ils avaient signé en 1995. L'appétence pour développer les relations est grande des deux côtés, car le Kazakhstan est en quelque sorte enclavé entre l'immense Russie et la très puissante Chine.

Les accords de partenariat et de coopération, ou APC, constituent un outil classique de la diplomatie de l'Union européenne. Des APC ont été signés à partir des années 1990 avec tous les pays de l'ex-URSS, puis avec plusieurs pays asiatiques. Le Kazakhstan est toutefois le premier pays avec lequel est conclu un APC dit renforcé, destiné à prendre la suite du premier accord signé.

Certes, le Kazakhstan n'est pas un partenaire économique majeur. Il ne pèse que 0,5 % dans le commerce extérieur de l'Union européenne prise comme un bloc, 0,3 % dans le commerce extérieur de la France. Il joue cependant un rôle stratégique pour certaines matières premières. C'est par exemple le premier producteur mondial d'uranium et, s'agissant du pétrole, le deuxième fournisseur de la France.

Du point de vue du Kazakhstan, l'Union européenne est un partenaire économique essentiel. Le Kazakhstan réalise près de 40 % de son commerce extérieur avec les pays européens et l'Union européenne est donc globalement son premier partenaire commercial. Il y a une volonté de s'affranchir de relations loyales mais qui l'étouffent un peu avec la Russie et la Chine.

Le Kazakhstan est par ailleurs un pays qui a une diplomatie active et positive. C'est un allié fidèle de la Russie. Mais, dans ce cadre, il s'efforce de jouer un rôle modérateur. Il s'est entremis dans la plupart des conflits qui ont agité l'ex-URSS, comme celui entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ou opposé la Russie à ses voisins, par exemple à la Turquie après la destruction d'un avion russe en 2015. Il accueille actuellement à Astana les négociations sur la Syrie voulues par la Russie, l'Iran et la Turquie. Le Kazakhstan ne veut pas se laisser enfermer dans des relations trop exclusives avec ses voisins immédiats.

Je serai assez bref sur le contenu de l'accord lui-même, car, bien qu'il soit long d'une centaine de pages, il s'agit d'un texte largement déclaratif qui comporte peu de dispositions réellement normatives et contraignantes.

Je rappelle que l'Union européenne passe plusieurs types d'accords avec ses partenaires. Les accords de libre-échange dits complets et approfondis, comme le CETA avec le Canada, posent on le sait un certain nombre de problèmes. Les accords d'association passés avec certains de nos voisins à l'Est et au Sud ont également un contenu très normatif, puisqu'ils tendent de fait à une intégration économique et réglementaire des pays concernés au marché unique européen. Les accords sur les visas, très demandés par nos partenaires, ont également des incidences migratoires évidentes.

Mais les APC ne sont rien de tout cela et celui que nous examinons ne déroge pas à la règle. Il comprend principalement des déclarations de principe. Les unes autour du partage des valeurs de la démocratie, des droits de l'homme, de l'économie de marché et du développement durable. D'autres en vue de l'établissement de coopérations bilatérales pour la politique étrangère et dans un grand nombre de domaines techniques.

Il y a aussi des engagements qui apparaissent un peu plus précis sur des questions commerciales, mais pour l'essentiel il s'agit de la reprise des engagements pris par le Kazakhstan en accédant à l'Organisation mondiale du commerce en 2015. De toute façon, le Kazakhstan a adhéré à l'Union économique eurasiatique, c'est-à-dire l'union douanière qui s'est constituée dans l'ancienne Union soviétique, ce avec quoi une intégration plus poussée avec l'Union européenne serait incompatible.

Je voudrais dire quelques mots d'une question sensible, celle des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, car le Kazakhstan porte le lourd héritage de l'Union soviétique. Comme tous les APC, celui que nous examinons comprend des clauses de principe sur ces questions. Mais, comme bien d'autres pays signataires de ces APC, le Kazakhstan a encore du chemin à faire dans ce domaine, et d'ailleurs il chemine. Son président est certes au pouvoir depuis 28 ans et a été réélu la dernière fois avec 97,7 % des voix. Mais il prépare actuellement une transition démocratique et il a en particulier décidé d'écarter une transmission du pouvoir qui aurait été dynastique, au bénéfice de sa fille.

Il y a un débat récurrent sur l'opportunité de signer ce genre d'accords avec certains pays. La thèse défendue traditionnellement par les diplomates européens est celle des petits pas par le dialogue. L'investissement de la diplomatie européenne en Asie centrale, la mise en place de programmes de coopération et les différents accords qui y ont été passés ont en effet permis, par exemple, l'établissement avec les cinq pays d'Asie centrale d'un dialogue annuel en matière de droits de l'homme et d'une « initiative », un programme, de l'Union européenne pour le renforcement de l'État de droit. Il s'agit, plutôt que de dénoncer tel ou tel abus, de faire de la pédagogie, de convaincre les élites locales que l'État de droit, une administration honnête et efficace, une justice fiable et indépendante sont dans l'intérêt de tous car cela répond aux attentes des populations et ce sont aussi des conditions du développement économique.

J'ajoute que l'accord permet également de prendre ce qu'il appelle des « mesures appropriées » en cas de violation de ses dispositions essentielles, notamment concernant les valeurs démocratiques. Bref, l'accord pourrait à tout instant être suspendu. Cela a été le cas il y a quelques années de celui avec l'Ouzbékistan après les sanglants événements survenus dans la ville d'Andijan.

En conclusion, nous avons un accord qui n'est sans doute pas parfait, mais nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes cher à Aldous Huxley. Cet accord répond à des intérêts partagés de ses signataires, dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine politique, car l'Asie centrale ne peut pas être laissée aux seules influences de la Russie et de la Chine. Cet accord a déjà été ratifié par une majorité d'États membres de l'Union européenne, 16 pour être précis. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi qui permettra sa ratification par la France.

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