Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du jeudi 8 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Après l'article 81

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Il porte sur une question relative à la santé et, même si je comprends les contraintes des uns et des autres, je regrette que Mme la ministre des solidarités et de la santé ne soit pas là pour en débattre avec nous. L'amendement demande un rapport gouvernemental sur la soutenabilité et la gestion du dispositif Dépakine. Je rappelle que la Dépakine est un médicament commercialisé depuis 1967, interdit aux femmes en âge de procréer depuis juin 2018. Le 15 novembre 2016, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la Dépakine, dont la gestion a été confiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, ONIAM.

Dans son rapport public annuel publié en février 2017, la Cour des comptes a fortement critiqué la gestion de l'ONIAM, pointant des délais de traitement des dossiers trop longs, des rejets trop nombreux et des recouvrements des assureurs peu effectifs. La Cour a d'ailleurs déconseillé la prise en charge par l'ONIAM de l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Si l'on veut dresser un rapide état des lieux de ce qui s'est passé depuis 2016, la procédure d'indemnisation reste aujourd'hui lourde et complexe : les victimes doivent – écoutez bien, chers collègues ! – constituer des dossiers de 800 pages, qui sont examinés par deux instances – un comité d'experts et un comité d'indemnisation – , avec des délais très longs. Ces procédures ont pris du retard, alors qu'elles peuvent concerner un grand nombre de personnes.

Rappelons quelques chiffres. Un rapport publié en août 2017 par la CNAM et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM, affirme qu'entre 2 150 et 4 100 enfants ont développé une malformation majeure entre 1967 et 2017, due à l'exposition au valproate de sodium in utero. Dans un rapport publié le 22 juin 2018, ces mêmes instances concluent que sur la même période, entre 16 600 et 30 400 enfants ont pu être atteints de troubles mentaux et du comportement. Le nombre de victimes qui pourraient bénéficier d'une indemnisation est aujourd'hui estimé à 10 000 environ. Fin septembre 2018, seules 296 victimes directes ont déposé une demande d'indemnisation. Selon l'ONIAM, quinze premiers paiements pourraient intervenir avant la fin de l'année, ce qui signifie que quinze dossiers seulement pourraient donner lieu à une indemnisation. Ce rythme est intenable et inadmissible pour les victimes, qui vivent des situations difficiles.

À travers cet amendement, je sollicite un rapport qui ferait le point sur la procédure, ses retards et ses difficultés, ainsi que sur l'adéquation des moyens budgétaires prévus. En effet, les crédits dédiés à l'indemnisation au sein de la mission « Santé » s'élèvent à 77,7 millions d'euros pour 2019 et à 424,2 millions pour les six années à venir. Cette budgétisation ne me paraît ni rationnelle ni suffisante. En effet, le 22 novembre 2017, la cour d'appel d'Orléans a obligé Sanofi à indemniser une famille à hauteur de 2 millions d'euros et l'assurance maladie à hauteur de 1 million ; c'est dire à quel point le montant de 77 millions dont on dispose pour 2019 est insuffisant. Si quelque10 000 personnes doivent être indemnisées du montant que je viens de citer, le problème est patent ; j'espère donc une écoute attentive du Gouvernement.

La commission des finances a rejeté cet amendement mais, puisque j'en suis l'auteur, j'y suis favorable à titre personnel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.