Intervention de Alain Aspect

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Alain Aspect, professeur à l'école polytechnique et à l'Institut d'optique, directeur de recherche au CNRS, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies :

Je suis physicien. Je fais de la physique quantique. Les technologies quantiques sont peut-être un sujet. L'Union européenne a lancé à ce propos un programme Flagship d'un milliard d'euros. Les conséquences des technologies quantiques sur la société pourraient constituer un sujet de réflexion, car cela est susceptible de bouleverser la société. D'ores et déjà la cryptographie quantique existe et permet une bien meilleure protection contre les interceptions. L'ordinateur quantique est à l'état de projet. Vis-à-vis de l'ordinateur quantique, je ressens, aujourd'hui, ce que je ressentais, il y a trente ans, vis-à-vis des ondes gravitationnelles : aucune loi physique fondamentale ne l'interdit, mais le gap technologique à franchir est absolument inimaginable. Trente ans plus tard, on dispose de la déviation des ondes gravitationnelles. Je ne sais à quelle échelle de temps on disposera ou on ne disposera pas encore d'un ordinateur quantique, dont la puissance de calcul serait, au sens exact et mathématique du terme, exponentiellement plus forte que son équivalent classique, et disant cela j'évoque bien l'exponentielle des scientifiques et non l'exponentielle des journalistes.

Mme Claudie Haigneré a évoqué la diplomatie scientifique. J'ai découvert personnellement ce problème : la France était, au départ, institutionnellement incapable d'entrer dans les projets Flagship. J'ai alors été sidéré de devoir intervenir de personne à personne, demandant des interventions ici et là, alors même qu'il existe une représentation française auprès de l'Union européenne à Bruxelles.

Enfin il est une dernière question, dont je m'étonne qu'elle n'ait pas encore été soulevée aujourd'hui, car elle relève vraiment de ce conseil scientifique de l'Office : l'inflation galopante, en particulier dans cette dernière décennie, de la bureaucratie qui accable les chercheurs (CNRS, ANR…) et, en particulier, les jeunes chercheurs. Dès qu'un scandale est dénoncé par la presse, les responsables veulent « se couvrir ». Ils décident de faire réaliser des audits en faisant appel à des sociétés de conseil, qui suggèrent évidemment la mise en place de structures chargées d'auditer… Personne ne maîtrise plus ce système. Les jeunes chercheurs ne peuvent que rêver à la souplesse qui prévalait au CNRS il y a trente ans. Il vaudrait mieux qu'ils consacrent leur temps à la recherche plutôt qu'à remplir des tableaux Excel. Il relève de la mission de l'Office de s'emparer de cette question, de diligenter une enquête pour distinguer le raisonnable, car tout ne doit pas être permis, du déraisonnable.

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