Intervention de Général François Lecointre

Réunion du jeudi 18 octobre 2018 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées :

Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de m'accueillir une nouvelle fois trois mois après notre précédente rencontre, à l'occasion de laquelle nous avions fait le point sur les opérations. Au terme des auditions que vous avez conduites sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, avant d'entrer dans la phase d'examen à proprement parler, je tiens avant toute chose à saluer le travail collectif que vous conduisez avec le souci constant de mieux faire connaître nos armées et de répondre à leurs besoins et à leurs attentes. Soyez certains de la joie et de la fierté qu'ont toutes les unités – marins, soldats et aviateurs – à vous accueillir sur leurs emprises et à bord de leurs bâtiments. Ils sont fiers de leur armée, heureux de pouvoir partager leur passion avec les représentants de la nation ; je vous remercie donc pour cette proximité et pour la relation de confiance qui nous est essentielle. J'y suis aussi sensible que l'ensemble de la communauté des armées. La loi de programmation militaire (LPM) pour 2019-2015 permet d'envisager un effort de régénération et de modernisation des armées. Elle doit beaucoup à la qualité de notre relation et à la conscience aigüe que vous avez de la réalité des contraintes et des opportunités qui se présentent pour les armées.

Je sais que vous suivrez la construction et l'exécution de la première annuité avec la même attention afin qu'elle traduise le plus fidèlement possible l'ambition du président de la République pour la défense. Ce niveau d'ambition impliquait un effort financier conséquent dans un contexte budgétaire contraint. L'effort est là : c'est un effort de mise en cohérence entre le contexte sécuritaire, les missions et les moyens. Le chef militaire que je suis ne peut que s'en réjouir.

Avec votre accord, je n'entrerai pas trop avant dans le détail des opérations, puisque je me suis déjà exprimé devant vous le 17 juillet sur ce sujet, ni dans le détail chiffré du projet de loi qui vous a été exposé par le menu lors des auditions précédentes. Je m'attacherai plutôt à vous présenter les enjeux du PLF 2019, celui de l'entrée dans le temps de la traduction des ambitions en décisions puis en actes. Commençons par rappeler quelques ordres de grandeur : en 2019, la mission « Défense » connaît une hausse de 1,7 milliard d'euros hors ressources exceptionnelles, qui permettra d'aborder sereinement notre travail de régénération et de modernisation. La mention hors ressources exceptionnelles est importante : la ressource de la mission « Défense » s'élèvera à 35,9 milliards d'euros, contre 34,2 milliards inscrits en loi de finances initiale pour 2018 – soit une augmentation de 5 % – et 31,4 milliards au titre de la première annuité de la précédente loi de programmation militaire, en 2014 donc, dont 1,77 milliard d'euros de ressources exceptionnelles.

Quatre priorités ont été retenues dans le PLF 2019. La première d'entre elles concerne le soutien à l'engagement des forces, qui passe tout d'abord par la réévaluation de la provision pour opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (MISSINT), qui a été augmentée pour mieux correspondre au coût réel des opérations et pour moins bouleverser l'engagement normal de nos ressources, notamment en matière d'équipement et de condition du personnel. Cette provision s'élèvera à 850 millions d'euros en 2019 pour passer ensuite à 1,1 milliard, sachant qu'une provision spécifique de 100 millions d'euros sera en outre consacrée à la masse salariale des MISSINT.

Un effort marqué a été consenti au profit de l'activité des armées. Il est important, car il fonde le crédit et l'efficacité de nos forces. Le niveau d'activité augmentera au cours de la période couverte par la LPM, entre 2019 et 2025, de façon à atteindre les normes qualitatives prescrites. Pour l'armée de terre, il s'agit de 90 jours de préparation opérationnelle – contre 81 jours aujourd'hui et 72 jours en 2016. Au-delà de cette hausse globale, l'essentiel est l'augmentation du nombre des jours de préparation opérationnelle avec matériels majeurs, qui devrait passer de 54 % en 2018 à 57 % en 2019. Cela suppose naturellement un effort concernant l'entretien programmé du matériel – j'y reviendrai.

En ce qui concerne la marine, il est prévu 110 jours de mer par bâtiment hauturier en 2023. D'ici là, l'effort sera consacré à la régénération, ce qui explique que le nombre de jours de mer diminuera légèrement, passant à 96 en 2019 contre 106 jours en 2018. En revanche, le nombre d'heures de vol d'équipage des patrouilles maritimes passera dès l'an prochain de 308 à 315. L'armée de l'air, quant à elle, connaîtra une augmentation progressive du nombre d'heures de vol par pilote de chasse pour atteindre 180 heures de vol avant la fin de la loi de programmation, en passant le seuil de 164 heures de vol dès l'an prochain.

L'entretien programmé des matériels (EPM) fait l'objet d'une recapitalisation importante : il faut en effet élever le niveau de disponibilité de nos équipements. Le budget de l'EPM s'élève à 4,15 milliards d'euros, soit une hausse de plus de 300 millions d'euros par rapport à 2018. Cet effort est par ailleurs soutenu par le plan de transformation du maintien en condition opérationnelle (MCO). La création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), placée sous mon autorité directe, est désormais acquise. Il s'agit de donner corps à cette ambitieuse réforme afin de disposer de contrats de soutien durables et globaux confiés à un maître d'oeuvre principal dédié à chacune des flottes. Il s'agit aussi d'impliquer davantage les services industriels, notamment le service industriel de l'aéronautique dans le MCO. Nous avons également lancé un plan de transformation du MCO terrestre pour là encore transférer aux industriels une partie plus importante de la maintenance industrielle. En ce qui concerne le MCO naval, nous attendons des propositions avant la fin de l'année pour moderniser nos approches en impliquant davantage les industriels de sorte que nous ajoutions un effort d'efficience à l'effort de ressources que j'ai évoqué.

En complément de cet effort indispensable pour soutenir l'engagement des forces, je m'attacherai personnellement, comme je vous l'ai dit lors de notre dernière rencontre, à accroître notre capacité à moduler le niveau d'engagement au plus strict nécessaire, en fonction des effets fixés par l'autorité politique et de leur traduction en termes militaires.

Deuxième priorité : la poursuite de la modernisation. La nouvelle loi de programmation permettra de réduire les impasses capacitaires consenties lors de la précédente LPM et d'accélérer la modernisation des équipements des armées. Dans ce domaine, l'effort de modernisation est sensible : les crédits augmentent de 7 % par rapport à 2018 pour s'établir à 19,56 milliards d'euros, sachant que la part consacrée à la modernisation du programme 146 augmentera de 15 % pour atteindre 5,31 milliards d'euros de crédits de paiement, le complément étant principalement lié à la part dédiée à la dissuasion. Cela permettra la montée en puissance de capacités nouvelles, les premières livraisons étant prévues dès l'année 2019.

J'en citerai quelques exemples emblématiques qui permettront de donner à nos hommes et femmes une traduction concrète de l'effort consenti par la Nation et qu'ils pourront physiquement mesurer. À l'armée de terre seront livrés 89 véhicules Griffon, qui relèvent du programme Scorpion. Ce programme d'engins de combat de l'armée de terre de nouvelle génération commencera ainsi à produire son effet parmi les forces à différents niveaux, qu'il s'agisse des équipements, des systèmes d'information et de commandement, de l'infrastructure ou encore de la doctrine. Mentionnons également l'amélioration de la supériorité du combattant débarqué avec la livraison de 50 postes de tir de missiles à moyenne portée et de 8 000 fusils HK 416. Seront également livrés quatre hélicoptères Tigre HAD « rétrofités » ou encore huit hélicoptères NH90 Caïman.

La marine nationale recevra une frégate multi-missions (FREMM), deux bâtiments hauturiers, un patrouilleur léger, deux hélicoptères NH90, deux avions Atlantique 2 rénovés, auquel s'ajoute l'acompte prévisionnel en 2019 de six patrouilleurs outre-mer, un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda et trois bâtiments de soutien logistique FLOTLOG. L'armée de l'air, quant à elle, recevra un appareil A400M, un A330 MRTT, deux KC-130J et deux systèmes de drones Reaper.

Je suis conscient que cette énumération peut prendre des airs de liste à la Prévert mais la réalité est la suivante : oui, comme je l'ai déclaré le 14 juillet en réponse à l'impatience de nos soldats, un effort est consenti par la Nation, oui, les équipements arriveront et oui, les infrastructures seront rénovées mais pour autant, nous créons une attente qu'il ne faudra pas décevoir. Dès lors, l'énumération des équipements majeurs destinés aux forces, qui sont la concrétisation de cet effort, peut sembler surréaliste mais elle est importante.

L'effort en matière de dissuasion se poursuit. Sur les 19,56 milliards d'euros de crédits d'équipement, 4,5 milliards lui sont consacrés, l'objectif étant d'atteindre 6,2 milliards en 2025. Les choix ont été faits – vous m'avez d'ailleurs déjà interrogé ici même sur ce point – et la crédibilité de la dissuasion à l'horizon 2035 est assurée grâce à la modernisation de ses deux composantes – océanique et aéroportée – ainsi que des moyens de liaison qui y sont associés.

Par ailleurs, la préparation de l'avenir exigera, outre la modernisation des moyens, la création de conditions internes pour penser et agir autrement afin de rester à l'avant-garde de la créativité opérationnelle qui, seule, garantit la supériorité au combat. Les crédits alloués à la recherche et à l'innovation au titre du PLF 2019 répondent à cette exigence. En ce qui concerne les études amont, ils s'élèvent à 758 millions d'euros. En 2019, ils permettront notamment de financer la poursuite des travaux dans le domaine des missiles, dans le cadre d'une coopération franco-britannique, de poursuivre les travaux relatifs à l'évolution des architectures de réseaux pour le traitement des données de masse, ou encore de préparer de futures capacités majeures, en particulier les deux programmes structurants que seront le Main Ground Combat System (MGCS) – que je ne veux pas appeler le futur char de bataille, même si certains pourraient être pressés de le faire – et le système de combat aérien futur (SCAF), que je ne veux pas appeler le futur chasseur pour les mêmes raisons, ou encore le porte-avions de nouvelle génération qu'il faut selon moi appeler autrement. Il me semble essentiel de conserver le maximum de possibilités ouvertes dans l'évolution de nos systèmes. Gardons-nous de penser le remplacement d'un char Leclerc ou d'un Rafale par un char Leclerc ou un Rafale « plus plus ». Mieux vaut imaginer – ce que nous avons fait avec le SCAF que nous avons présenté à Mme la ministre – des systèmes de systèmes reposant sur des architectures complexes permettant notamment de basculer la capacité de production d'effets militaires d'une plateforme à l'autre. C'est en faisant preuve d'une grande d'imagination que nous parviendrons à créer des systèmes qui nous assureront la supériorité opérationnelle dans vingt ans, puisque c'est à cet horizon qu'il faut penser l'entrée en service des grands programmes que j'ai évoqués.

La troisième priorité a trait à l'effort sur les fonctions stratégiques que sont la prévention et la connaissance et l'anticipation. La loi de programmation a défini un nouvel équilibre entre les cinq fonctions stratégiques et prévoit un effort particulier au profit des deux fonctions susmentionnées. Cette nouvelle priorité se traduira dans les faits dès la première annuité de la LPM. En matière de prévention, nous renforcerons concrètement, dès 2019, les effectifs permanents au Sénégal et en République de Côte d'Ivoire. Nous renforcerons également les forces de souveraineté en ajoutant un patrouilleur léger supplémentaire aux Antilles. Enfin, nous pérenniserons la participation française aux dispositifs de solidarité de l'OTAN dans l'espace européen – je pense en particulier à l'opération « présence avancée renforcée – Enhanced Forward Presence (EFP) –, à la mission Baltic Air Policing ainsi qu'au déploiement naval en mer Noire.

Quant à la fonction de connaissance et d'anticipation, elle bénéficiera pour la seule année 2019 de la création de 199 emplois, pour l'essentiel au bénéfice de la fonction de renseignement des armées et des services de renseignement de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et de la direction du renseignement militaire (DRM). L'année 2019 sera également celle du lancement du programme de capacité universelle de guerre électronique (CUGE), avec la commande de deux avions de reconnaissance stratégique.

En parallèle, l'effort consenti en faveur de la fonction de protection, entamé en 2015, se poursuivra avec des livraisons structurantes prévues en 2019 : un radar d'approche et deux radars tactiques 3D dans le cadre du système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales, un système de lutte informatique défensive au profit de la composante « cyber », 31 missiles air-air Meteor et 500 véhicules 4x4 tactiques.

Après l'engagement, la modernisation et le renforcement de deux fonctions stratégiques, la quatrième priorité concerne la prise en compte du facteur humain. C'est une démarche pluriannuelle essentielle qui produira des effets dans plusieurs domaines : les ressources humaines, l'infrastructure, la condition du personnel, ainsi que l'effort particulier déjà consenti en faveur des familles, conformément à la volonté forte de la ministre.

En ce qui concerne les ressources humaines, les crédits de titre 2 connaîtront une hausse de 1,3 % liée à la montée en puissance des effectifs – à savoir l'augmentation de 450 emplois en 2019 – mais aussi à des mesures catégorielles d'attractivité et de fidélisation destinées au personnel militaire et civil. Je pense notamment aux mesures prévues pour les praticiens des filières médicales et paramédicales du service de santé des armées.

L'effort en matière d'infrastructures sera prononcé : 550 millions d'euros seront consacrés à l'entretien et à la rénovation du parc immobilier, ce qui aura une incidence directe sur la condition du personnel. Ceux d'entre vous qui sont allés visiter nos bases, nos aéroports, nos bases navales et nos régiments savent combien ce sujet affecte directement la vie quotidienne des soldats. Nous y consacrerons donc un effort particulier en impliquant fortement les chefs d'état-major d'armée, selon une logique de subsidiarité qui me paraît importante. Je veillerai également, dans une logique de proximité, à ce que des moyens accrus soient délégués aux commandants de bases de défense de sorte qu'ils puissent coller au plus près des besoins du terrain.

En 2019, 57 millions d'euros seront investis dans le cadre du plan famille que la ministre a lancé il y a un an. Avant la fin 2018, 70 % des mesures auront été mises en oeuvre au moins partiellement. Là encore, il s'agit de mesures concrètes dont le personnel militaire et civil peut constater les effets tangibles. Quelques exemples : les cellules d'information aux familles sont en phase d'expérimentation dans les armées. Depuis le mois de mars, 100 000 lits d'hébergement et des dizaines de lieux de convivialité en enceinte militaire bénéficient du wi-fi gratuit, et nous finalisons l'extension de cette mesure à l'outre-mer, une dépense de 13 millions d'euros sur un coût total de 57 millions. À la rentrée 2018, 130 places de crèche supplémentaires ont été ouvertes et nous souhaitons augmenter leur nombre de 20 % en quatre ans. L'aide à l'emploi du conjoint, enfin : à la fin septembre 2018, 1 500 conjoints étaient inscrits à l'agence « Défense Mobilité » en vue d'un reclassement, contre 1 000 conjoints inscrits à la même date l'an dernier. Le plan famille est un plan vivant qui continuera de s'enrichir des nouvelles mesures et propositions émanant des commandements de proximité, dont je tiens à saluer l'implication directe et déterminée. C'est grâce au contact qu'ils entretiennent avec leurs hommes et grâce à la connaissance fine qu'ils ont des attentes de terrain que nous pouvons agir de manière concrète et efficace.

Nous avons évidemment suscité un espoir dans les armées ; il faut désormais faire de la pédagogie – et je compte sur votre relais – pour souligner les progrès réalisés et les apports de la loi de programmation militaire, et pour expliquer que certains effets ne peuvent se produire que progressivement.

Pour conclure ce bref tour d'horizon des apports du projet de loi de finances pour 2019, j'évoquerai deux points qui retiennent mon attention : la relation des armées avec ses partenaires de coopération internationale ; les équilibres et le fonctionnement interne des armées et du ministère.

S'agissant de la coopération, les armées françaises font preuve, année après année, de leur excellence opérationnelle par l'engagement en conjuguant créativité, économie de moyens et lien avec les populations. Par ailleurs, la masse de nos forces et de leurs soutiens s'établit à un niveau historiquement bas. En évoquant les opérations devant vous en juillet, j'ai employé l'expression d'« humilité stratégique ». Nous devons en effet accepter de ne pas pouvoir peser partout et de faire des choix pour peser là où nos intérêts le commandent. Surtout, nous devons chercher à ne pas peser seuls mais avec nos alliés, dans le cadre de coopérations – quelles qu'elles soient – pour la défense de nos intérêts communs.

C'est pour cette raison que le PLF 2019 prévoit que la France contribue au financement de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) à hauteur de 179 millions d'euros – elle en est le troisième contributeur. Nous devons nous assurer de disposer d'un pouvoir d'influence à hauteur de notre participation afin d'occuper toute notre place dans la structure. Pour ce qui est des financements communs de l'Union européenne, la France contribue à trois budgets distincts : le mécanisme Athéna, le centre satellitaire et l'agence européenne de défense. Cette participation est essentielle, mais elle ne portera tous ses fruits que si nous parvenons à faire naître une vision stratégique commune. C'est tout le sens de l'initiative européenne d'intervention que défend la France, à laquelle ont souscrit huit pays européens dont le Royaume-Uni. Cette vision partagée est essentielle pour faire vivre des coopérations souples et pragmatiques en utilisant au mieux les outils européens qui existent et ceux qui sont en voie de création, comme le Fonds européen de défense (FED), dont nous proposons que l'utilisation soit principalement orientée en faveur des opérations et de l'innovation. De même, la coopération structurée permanente présentera des occasions de réaliser à plusieurs ce que nous aurions eu les plus grandes difficultés à réaliser seuls. Dans ce cadre, nous promouvons des projets visionnaires d'envergure stratégique qui permettront de soutenir la compétitivité industrielle de l'Europe, ce qui me semble essentiel. Citons parmi ces projets le standard 3 de l'hélicoptère Tigre, le bâtiment de soutien logistique de nouvelle génération FLOTLOG – que nous souhaitons lancer en coopération avec l'Italie – et le missile antichar de cinquième génération. À terme, nous souhaitons inscrire dans le cadre de cette coopération structurée permanente des projets emblématiques tels que le SCAF et le MGCS.

Deuxième point d'attention : notre organisation interne. Comme je l'ai exposé dans le document de vision stratégique qui vous a été distribué, j'estime qu'il est très important de responsabiliser le commandement. Notre organisation a été durablement bouleversée par la succession de réformes majeures, en particulier la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la redéfinition des grands équilibres entre les grands subordonnés du ministre. Ces réformes ont eu des incidences sur l'organisation même de l'exercice du commandement au sein des armées et du ministère.

Dans ma vision stratégique, je souhaite réaffirmer certains principes et ouvrir de nouvelles perspectives. Vous connaissez ces principes : d'un côté la stricte subordination à l'autorité politique ainsi que la discipline et la neutralité induites par le caractère exorbitant de la force armée, et de l'autre, la disponibilité et l'autonomie qui permettent aux armées de réagir sans délai, y compris en situation de chaos. Il va de soi que ces principes sont directement liés à l'obligation qui est faite aux armées de protéger et défendre la France et les Français par la mise en oeuvre délibérée de la force légitime quelles que soient les circonstances.

Cependant, pour que cette singularité des armées demeure, il me semble indispensable de penser les évolutions de notre organisation selon deux axes. Le premier consiste à faire évoluer l'équilibre entre les logiques fonctionnelles et les logiques organiques. Je veux redonner des leviers aux commandements opérationnels et aux armées sans pour autant revenir sur le considérable travail de rationalisation conduit lors des réformes précédentes, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Au demeurant, les engagements actuels de nos armées sur le territoire national et en opérations extérieures montrent que nous sommes capables de répondre avec célérité et efficacité aux missions qui nous sont confiées. Il faut toutefois rendre de la flexibilité et de l'agilité aux formations organiques. Cela se fera en luttant contre les excès du travail en tuyaux d'orgues et en procédant à un certain nombre d'adaptations réglementaires de l'architecture organisationnelle actuelle. Nous y travaillons au sein du ministère ; les armées proposeront plusieurs propositions à la ministre et je répondrai volontiers aux questions que vous vous posez en la matière. Il s'agit pour moi, sans revenir sur les avantages obtenus grâce à la rationalisation, aux gains d'efficience et à la professionnalisation de certaines fonctions lors des réformes précédentes, de redonner du sens aux responsabilités organiques. C'est essentiel, car c'est tout de même du chef organique que dépend la performance de chaque armée.

Ce nouvel équilibre doit être complété par une déconcentration obéissant à une logique de proximité, sous la forme d'une délégation donnée au responsable local pour mener à bien ses activités : c'est pour moi un deuxième axe fondamental. Vous savez que le ministère a lancé un chantier important qui concerne l'organisation territoriale du commandement et des soutiens. Il s'agit de rapprocher le soutien des forces afin d'améliorer les conditions de vie et de travail de nos soldats, marins et aviateurs. Dans cette perspective, il faudra que nous parvenions à renforcer le pouvoir de prescription et d'arbitrage des chefs de terrain, c'est-à-dire les commandants des bases de défense, mais aussi les commandants organiques et les commandants opérationnels – chaque chef de corps est un chef organique quand il est en France et un chef opérationnel lorsqu'il est projeté avec ses hommes. Le chef de terrain devra pouvoir compter, dans l'exercice de ses responsabilités, sur l'appui du niveau zonal, qu'il s'agisse des officiers généraux des zones de défense et de sécurité (OGZDS), des commandants des arrondissements maritimes (CAM) ou du commandement des forces aériennes (CFA), notamment pour avoir un accompagnement dans la conduite des projets techniques ou complexes.

Nous allons avancer sur ces deux axes en nous inscrivant dans la dynamique qui a été impulsée par la ministre des Armées et qu'elle a rappelée dans son discours lors de l'université d'été de la défense, tout en travaillant en lien très étroit avec les directions et les services de soutien interarmées – vous savez qu'ils conduisent actuellement des réformes ambitieuses qui s'inscrivent déjà dans l'esprit que je viens de définir.

Nous avons une chance considérable : notre action s'inscrit dans une dynamique de régénération et de remontée en puissance. Ce contexte nous oblige. Notre responsabilité est de faire en sorte que les moyens mis à notre disposition soient employés avec le souci de porter notre niveau de protection et notre capacité d'action à la hauteur des défis sécuritaires que nous aurons à relever.

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