Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'être à nouveau avec vous pour cet important moment de présentation du budget, que nous ferons à deux voix avec Gabriel Attal. En effet, par rapport à l'an dernier, et depuis quelques semaines, comme vous le savez, un secrétaire d'État a été nommé auprès de moi en la personne de Gabriel Attal, qui se dédie aux enjeux relatifs à la jeunesse et à la vie associative, et plus particulièrement au Service national universel (SNU). Il nous a donc paru intéressant de faire cette présentation à deux voix et que la partie jeunesse et vie associative vous soit présentée par Gabriel Attal.

Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, ce budget de l'enseignement scolaire qui vous est présenté aujourd'hui traduit la priorité accordée à l'éducation par le Président de la République et le Gouvernement. Cette priorité accordée à l'éducation est présente non seulement dans les discours mais aussi dans les faits. Le Président de la République lui-même a utilisé l'expression de « puissance éducative » en parlant de la France, pour bien signifier qu'à l'échelle de chaque individu comme à l'échelle nationale et internationale, l'éducation est le sujet majeur, le sujet levier, le sujet d'avenir. Il est une clé de la politique conduite par le Gouvernement, puisqu'il s'agit de donner à chacun et à chacune les moyens de maîtriser sa vie, et de le faire notamment par l'éducation.

Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière. L'objectif est clair et peut se résumer en deux éléments, qui vont ensemble : l'élévation générale du niveau, d'une part, la justice sociale, d'autre part. L'élévation du niveau général par la justice sociale, la justice sociale par l'élévation du niveau général : les deux se tiennent. C'est évidemment ce qui nous oblige à être exigeants et ambitieux pour notre système et pour nos élèves, afin que l'école soit à la hauteur de sa mission de progrès social dans la grande tradition républicaine.

Le budget de l'éducation nationale qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros, hors contribution aux pensions de l'État. Il est en augmentation de 1,7 %, ce qui représente 861 millions d'euros supplémentaires.

Avec 811 millions supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous poursuivons donc la transformation profonde du système éducatif, cette transformation que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs : donner plus à ceux qui ont besoin de plus, c'est un principe de fraternité ; transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves en personnalisant davantage nos pédagogies, c'est un principe de justice et d'égalité ; mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'études ou d'insertion professionnelle, c'est un principe de liberté.

C'est ce que l'on trouve à l'oeuvre aussi bien dans l'évolution de l'école primaire que dans celle du collège et du lycée. Cette transformation sera d'autant plus forte qu'il y aura unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut encore davantage investir dans la formation et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante.

Le budget que nous présentons répond donc à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.

En premier lieu, il réaffirme une priorité – qui sera tenue tout au long de ce quinquennat – pour l'école primaire et la maîtrise par tous les élèves des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Tels sont les quatre piliers dont nous voulons que tous nos élèves aient la maîtrise car, sans cela, il n'y aura pas le reste. C'est en faisant cela que nous construisons le premier pilier de la justice sociale. Cette priorité au primaire insiste tout particulièrement sur les premiers âges de la vie, parce que c'est alors qu'il est possible de lutter le plus efficacement contre la difficulté scolaire. Selon les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France souffre d'un déséquilibre d'investissement dans son premier degré. C'est bien le sens de l'action que nous engagerons dès la rentrée prochaine avec la création de 2 325 postes « devant élèves » supplémentaires à l'école primaire, dans un contexte de baisse démographique puisque les effectifs compteront 60 000 élèves en moins à la rentrée 2019.

Cela signifie une amélioration du taux d'encadrement dans tous les départements. C'est un engagement que j'ai pris, et que je peux continuer à prendre, sur les cinq années : à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement s'améliorera dans chaque département de France, qu'il soit à dominante rurale ou à dominante urbaine. C'est un point essentiel. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.

Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes de ce Gouvernement, celle du dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+). Avec 190 000 élèves concernés contre 60 000 élèves l'année dernière et 300 000 élèves l'année prochaine, c'est une mesure fondamentale. Ce sont ces 300 000 élèves qui sont visés par les mesures budgétaires, soit près de 20 % d'une classe d'âge, 20 % de ces élèves en difficulté qui apparaissent dans les enquêtes, qui seront concernés. Avec un programme d'une telle envergure, la France est pionnière et montre l'exemple dans le traitement de l'échec scolaire. Les premiers résultats sont très encourageants et nous aurons certainement l'occasion d'y revenir aujourd'hui ou lors de prochaines réunions. Cela va de pair avec la mesure d'instruction obligatoire à trois ans, qui met aussi l'accent sur l'école maternelle et sur les premières années de la vie sous un angle quantitatif mais aussi qualitatif, parce que nous savons pertinemment que bien des choses se jouent à cet âge.

En second lieu, il s'agit d'accompagner les élèves vers la réussite.

Le volume d'enseignement du second degré public sera maintenu en 2019. La diminution de 2 450 postes sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. C'est une mesure qui permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et qui permet, ce faisant, aux professeurs de bénéficier d'une rémunération complémentaire, d'autant que ces heures seront désocialisées.

Au collège, nous allons accompagner plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « Devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif va poursuivre sa montée en charge et mobilise les professeurs, les assistants d'éducation, les volontaires du service civique et les associations spécialisées. J'étais hier dans un collège de Nîmes qui le pratiquait parfaitement, exactement dans l'état d'esprit que nous souhaitons, c'est-à-dire dans un état d'esprit qui permet non seulement de faire de l'aide aux devoirs, mais aussi de faire évoluer la relation avec les élèves et avec les familles. En augmentation de presque 27 millions d'euros, ce programme correspond à une enveloppe globale de 247 millions d'euros en 2019. C'est un outil puissant au service de l'élévation du niveau général et de la justice sociale.

Par ailleurs, parce qu'il n'est pas de pays qui réussisse sans fraternité, le présent budget renforce le soutien aux élèves les plus fragiles.

Nous répondons à la fragilité sociale en augmentant les moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Ils représentent 739 millions d'euros en 2019 : ce sont des montants considérables. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permettra de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. À cela s'ajoutera la politique des cités éducatives que nous avons annoncée hier à Nîmes avec le ministre de la Ville, Julien Denormandie et qui, avec les moyens de la politique de la ville, permettra de développer une politique sociale conçue depuis l'école ou l'établissement. Car au-delà des moyens budgétaires mis au service de ces politiques sociales, ce que nous voulons, c'est, partant de l'établissement, ne pas découper le temps de l'enfant en tranches étanches, mais avoir une vision complète, cohérente, des temps scolaire, périscolaire, extrascolaire, qui réponde à la réalité de la vie.

Nous répondons également à la fragilité liée au handicap. Là aussi, il s'agit de donner plus à ceux qui ont besoin de plus. Nous réalisons un effort sans précédent visant à garantir une éducation pleinement inclusive puisque le ministère consacrera en 2019 près de 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Le budget 2019 témoigne ainsi de la détermination sans faille du ministère, en lien avec le secrétariat d'État aux personnes handicapées, sur cette question fondamentale. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) a dépassé celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'alors. Ce mouvement se poursuivra grâce au budget que je vous présente, avec le financement de 12 400 nouveaux AESH. Cela signifie 6 400 accompagnements supplémentaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés en AESH et 6 000 AESH supplémentaires par recrutement direct. Ce budget permettra aussi, en 2019, la poursuite du programme de création des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS).

Ces dotations s'inscrivent dans un contexte de réflexion qualitative collective : en lien avec la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, nous avons lancé une réflexion avec l'ensemble des associations sur l'évolution des postes d'AESH, notamment pour qu'il y ait davantage de temps pleins et pour parvenir, dans une vision complète du scolaire et du périscolaire, à une meilleure rémunération mais aussi à une meilleure formation, en prenant l'engagement d'aller vers une formation annuelle de 60 heures. Cette réflexion devrait aboutir en février prochain : là aussi, il s'agit de façon structurelle et complète d'aller véritablement vers l'école inclusive.

En troisième lieu, au travers de ce budget, nous voulons assurer la poursuite d'une politique visant à renforcer l'attractivité du métier de professeur. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou en train d'être prises, dans le cadre de l'agenda social du ministère. Nous comptons tout d'abord développer le pré-recrutement. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la présentation du projet de loi pour l'école de la confiance. Nous transformerons aussi les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), de sorte que la formation de nos professeurs du premier degré comme du second degré soit plus conforme aux attentes de l'éducation nationale en termes d'efficacité. Enfin, nous généraliserons la gestion des ressources humaines de proximité, qui a déjà commencé de façon expérimentale dans notre pays en ayant des personnes dédiées pour recevoir les professeurs et effectuer des entretiens de carrière – et donc, une gestion humaine des ressources humaines !

Dès à présent, nous prenons deux mesures essentielles.

La première est la valorisation de l'engagement des professeurs en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en REP+. À la rentrée 2018, la prime s'élève à 1 000 euros annuels. Elle a commencé à être versée en cette fin de mois d'octobre. À la rentrée 2019, nous allons, dans le cadre du dialogue social, la porter à 2 000 euros par an. C'est évidemment un point quantitativement et qualitativement très important.

La seconde mesure qui mérite d'être soulignée dans ce contexte est la relance de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Pour réussir à assumer budgétairement des mesures qui permettent d'améliorer la rémunération de nos professeurs, un milliard d'euros sera consacré à cet objectif sur le quinquennat. C'est donc considérable. Nous poursuivrons ainsi le soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. C'est évidemment un objectif très important. Au total, entre 2017 et 2022, les parcours de carrière de près de 900 000 agents auront été dynamisés et revalorisés.

Si bien d'autres dotations disent notre détermination à faire de l'école un lieu d'épanouissement pour les élèves – car, au fond, c'est bien le but de toute éducation – les grands axes de la mission « Enseignement scolaire » qui vous sont soumis aboutissent à une vision cohérente de l'école de la confiance.

Cette vision est celle d'une priorité donnée à l'école primaire, d'une personnalisation des parcours et d'une attractivité du métier de professeur, mais c'est aussi une vision complète de la jeunesse. C'est dire toute l'importance d'avoir un ministère de l'éducation… et de la jeunesse ! L'insertion du mot de « jeunesse » dans l'intitulé de mon ministère à l'occasion du récent remaniement illustre la cohérence d'un portefeuille ministériel tourné vers l'avenir, donnant des bases solides aux jeunes de ce pays pour se projeter en confiance vers leur avenir.

Le projet de Service national universel (SNU) est évidemment un élément essentiel dans ce cadre. Il va de pair avec la notion d'engagement que je souhaite traduire au travers de plusieurs projets qui concernent aussi bien l'école que le collège et le lycée. Le projet de budget pour 2019 qui va maintenant vous être présenté par Gabriel Attal revêt une importance particulière. Il donne tout son sens à la mission qui nous a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre.

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