Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Il convient d'améliorer l'accès aux dispositifs « oui si » au travers des commissions rectorales et d'accompagner les jeunes qui y ont eu recours. La sensation de durée pendant le mois d'août a été prise en compte. Nous proposerons un calendrier différent. Je me ferai un plaisir de vous en faire une présentation sur ce sujet lors d'une réunion. Néanmoins, le ressenti des étudiants accueillis dans les dispositifs « oui si » est à ce point excellent que les filières qui n'en ont pas encore mis en place sont soumises à une forte pression des étudiants pour ce faire, montrant qu'ils correspondent à une réelle attente et à un réel besoin. Une enveloppe de 123 millions d'euros est prévue dans le budget 2019 pour la poursuite de l'accompagnement de ces dispositifs et la reconnaissance d'un enseignement pédagogique. J'ai noté vos propositions. Lors d'une réunion organisée le 23 octobre, j'ai annoncé un doublement des congés pour recherche ou conversion thématique (CRCT), la création d'une prime de reconnaissance de l'engagement pédagogique au même titre que la prime de reconnaissance d'encadrement doctoral et de recherche et des financements destinés à faire en sorte que les personnels administratifs et techniques voient aussi leur investissement reconnu. Ces trois actions seront effectives dès 2019. Mais nous devons aller plus loin et chercher à améliorer les affectations de CRCT. J'ai reçu des propositions de la part des organisations syndicales. J'ai noté celles que vous avez mentionnées. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Je tiens à vous rassurer : aucun plafonnement de crédits n'est prévu pour les bourses au mérite attribuées aux bacheliers titulaires d'une mention très bien. La diminution constatée correspond à la fin de la cohorte des bacheliers bénéficiaires de bourses au mérite « ancien tarif », le tarif ayant été modifié par le précédent gouvernement. Nous avons plus ou moins de boursiers et nous ajustons le crédit en fonction des besoins, mais tous les bacheliers titulaires d'une mention « très bien » bénéficient de la bourse au mérite, dès lors qu'ils remplissent les conditions requises.

Je rappelle que l'ARPE consiste en la continuation pendant quatre mois après l'obtention du diplôme du versement du montant de la bourse, mais que rien n'est prévu en matière d'aide à la recherche d'emploi. Le Sénat a élaboré un rapport sur l'efficacité de l'ARPE, dont nous avons partagé les conclusions avec les associations d'étudiants. Elles ont reconnu qu'une version adaptée aux étudiants de la Garantie jeunes serait bien plus efficace puisqu'elle aiderait vraiment à la recherche d'un emploi tout en offrant un financement pendant un an, ce qui est mieux qu'un financement pendant quatre mois sans aucune aide.

Cela nous permet d'envisager une aide à la mobilité un peu différente en 2019. Compte tenu de la pression exercée sur certaines filières à certains endroits alors qu'il reste des places disponibles à d'autres, nous souhaitons proposer des mobilités avec accompagnement financier dès l'ouverture de la plateforme d'orientation. De même que nous proposons des formations avec internat ou sans internat, nous pourrions proposer des formations assorties d'une aide à la mobilité. Ainsi, des jeunes désireux de suivre une formation existant dans très peu d'endroits en France ne seraient pas empêchés de le faire pour des raisons financières, mais pourraient être accompagnés. C'est tout le sens de cette aide à la mobilité dont nous sommes en train de définir les contours techniques afin de l'inclure dans la plateforme le plus tôt possible, car il faut souvent se préparer psychologiquement à bouger. Cette année, les financements pour l'aide à la mobilité ont été débloqués trop tard et beaucoup de jeunes l'ont refusée, parce qu'ils ne se sentaient pas à même de bouger en un mois.

Concernant les formations professionnalisantes et la place des BTS et des IUT dans l'offre de formation, quand 67 % des voeux exprimés concernent des filières professionnalisantes courtes, je pense qu'il faut en créer. Nous l'avons fait cette année et nous continuerons à le faire l'année prochaine. C'est une expérimentation que nous entendons développer, notamment dans la région Île-de-France où il y a énormément de demandes de formations courtes professionnalisantes. Pour ce faire, nous travaillons directement avec les IUT.

Puisque les formations d'IUT sont dispensées au sein de l'université, il est logique qu'elles soient dans les formats « licence, master, doctorat » (LMD) des formations internationales et européennes. Sachant que les diplômes d'ingénieur sont presque exclusivement des diplômes français et n'existent pas ailleurs dans le monde, il importe de faire savoir aux entreprises françaises, de fait plus habituées à ces diplômes, quelles sont les connaissances et les compétences des étudiants titulaires d'un master. Néanmoins, la création de doubles diplômes ingénieur-master et le fait que les écoles coopèrent de plus en plus avec les universités pour mettre en place des offres de formation professionnalisantes au niveau « bac +5 » – ce qui permet à des ingénieurs de continuer en doctorat ou à des masters de s'insérer dans le monde professionnel sans poursuivre en doctorat – font que la qualité de la formation importera de plus en plus, qu'elle débouche sur un diplôme d'ingénieur ou un diplôme de master.

Les listes de compétences aboutiront de plus en plus à la reconnaissance du diplôme par le monde professionnel. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour inscrire le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. Imaginez que le plus haut diplôme délivré par l'État français n'était associé à aucune compétence professionnelle dans le répertoire national ! Je suis ravie que nous ayons pu le faire inscrire, au mois de mars dernier.

Nous avons ouvert 30 000 places supplémentaires cette année dans l'enseignement supérieur – BTS, IUT, université – pour 27 000 inscrits supplémentaires. Nous avons répondu « présent » en termes de volume comme de nombre de places. Je me ferai un plaisir de vous fournir l'ensemble des chiffres à ce sujet.

J'ai entendu dire que le Gouvernement avait « rétropédalé » sur la contribution de vie étudiante et de campus. Je souhaite réaffirmer que les inquiétudes exprimées étaient totalement infondées. Il convient de rappeler ce dont il est question. La CVEC en cours de perception correspond au budget 2018 et ne figure donc pas dans le projet de loi de finances pour 2019. En tant que telle, elle sera entièrement versée aux établissements. Lorsque l'on crée une taxe en ressources affectées, on ne peut la plafonner la première année, puisqu'on n'a aucune idée du plafond. En préparant le PLF pour 2019, nous l'avons estimée à 95 millions d'euros car nous savions quels étudiants la paieraient, à savoir tous ceux inscrits dans le système public et dans le système sous contrat avec l'État, mais nous n'avions aucune idée du comportement des étudiants dans les systèmes totalement privés.

Or les étudiants eux-mêmes plébiscitent le fait qu'ils vont pouvoir accéder, au travers de plateformes, à des actions culturelles, sportives, de prévention, finançables grâce à la CVEC, notamment via la part de la CVEC qui reste aux CROUS, et ce où qu'ils soient inscrits. Nous avons eu la bonne surprise de constater que les étudiants avaient totalement adhéré au versement de cette cotisation et au fait de pouvoir s'exprimer sur les actions qu'ils souhaitaient voir apparaître en matière de vie étudiante et de vie de campus, quel que soit l'établissement dans lequel ils sont inscrits. De ce fait, nous avons recueilli plus que les 95 millions d'euros prévus, mais cela n'a aucune importance, puisque cela concerne 2018.

Monsieur le député, les calculs seront publiés le 15 janvier. Nous aurons alors une idée précise du nombre d'étudiants effectivement inscrits, incluant ceux qui n'auront pas demandé à être désinscrits. Nous n'aurons pas eu besoin de rembourser. Nous fixerons pour 2019 un plafond qui correspondra à ce qui a été effectivement perçu en 2018. Comme Gérald Darmanin l'a rappelé, nous opérerons de nouveau une modification si, en 2019, il y a encore plus d'argent perçu.

Par conséquent, le sujet de la CVEC n'a jamais eu lieu d'être. Certains ont essayé de s'en emparer dans l'espoir d'agiter les étudiants, mais comme ceux-ci ont été extrêmement bien informés de l'usage qui allait être fait de la CVEC et que nous travaillons en confiance avec eux, il a suffi que je leur explique ce que je viens de vous dire pour que les choses se calment immédiatement. Le décret détaillant la répartition de cette contribution entre les divers établissements étant déjà publié, je vous engage à vous y référer.

Concernant l'affectation des moyens en fonction des différentes actions, au-delà des 123 millions d'euros destinés à la nouvelle organisation du premier cycle dans le cadre de l'arrêté licence, n'oublions pas les 325 millions d'euros du PIA. Ils ont d'ores et déjà été affectés aux établissements ayant proposé les mesures jugées les plus efficaces, de façon à ce qu'ils puissent, sereinement et avec une visibilité dans le temps, être assurés d'avoir les moyens de déployer ces nouvelles façons de concevoir les premiers cycles universitaires. Il y aura un troisième appel à projets, puisque le montant total dévolu à la transformation du premier cycle universitaire dans le PIA est de 450 millions d'euros et qu'à ce jour 325 millions d'euros ont été attribués.

C'est la meilleure façon que nous ayons de faire l'équivalent des contrats d'objectifs et de moyens (COM). Les budgets étant annuels, il est compliqué de faire de véritables COM pluriannuels. Bien entendu, les universités les plus vertueuses, celles qui ont proposé les actions les plus efficaces et les plus solides, ont été financées en priorité. La répartition des 123 millions d'euros ne sera pas opérée par une simple règle de trois, mais entre les établissements qui ont mis en place des actions particulières.

Pour conclure sur l'enseignement supérieur et la vie étudiante, deux bibliothèques ont déjà été ouvertes en 2018 sur certains créneaux le dimanche. Il est prévu d'ouvrir trois à cinq bibliothèques universitaires parisiennes, dès 2019, au minimum dix dimanches par an, notamment pendant les phases de révision. Un financement de 1,6 million d'euros sera consacré à ce projet. C'est la poursuite d'initiatives excellentes, comme NoctamBU ou BU Plus, qui permettent de mobiliser au maximum les locaux des bibliothèques universitaires et aux étudiants de venir réviser, travailler et préparer leurs examens.

C'est aussi une façon de repenser la relation des étudiants avec leurs établissements, notamment au moyen de contrats étudiants. En dehors des services de prêt qui nécessitent des qualifications, les étudiants eux-mêmes peuvent assurer l'ouverture et la bonne tenue des espaces de bibliothèque sur des plages horaires beaucoup plus larges, en y travaillant. Je préfère qu'un étudiant soit payé pour travailler en vue de réussir ses études dans une bibliothèque universitaire plutôt qu'à l'extérieur. Cela fait partie des dispositifs mis en place pour soutenir l'emploi étudiant au sein des établissements universitaires.

Le parc universitaire représente 18,6 millions de mètres carrés, soit la moitié de l'emprise immobilière de l'État. Dans le plan de rénovation des bâtiments, notamment dans le plan de rénovation thermique et énergétique porté le ministère de la transition écologique et solidaire, la part réservée à la rénovation des bâtiments de l'État ira aussi aux bâtiments universitaires.

Je rappelle que les opérations Campus menées ces dernières années permettent à de nombreux établissements, comme l'université de Bordeaux ou celle d'Aix-Marseille, de bénéficier de plusieurs centaines de millions d'euros pour la remise à niveau de leurs bâtiments. À partir de cette année, je le répète, la dévolution patrimoniale leur permettra d'être encore plus actifs et de mieux prendre en compte cette donnée majeure qu'est le patrimoine.

Nous travaillons aussi avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en vue de déterminer si le processus dit d'intracting peut être utilisé. Quand un bâtiment est une passoire thermique et coûte des centaines de milliers d'euros à chauffer par an, la CDC peut proposer, pour sa rénovation, une sorte de prêt remboursable sur les économies d'énergie engendrées. Un tel moyen n'augmente pas la dette maastrichtienne et est budgétairement correct. La CPU a engagé une réflexion en vue de proposer des modèles innovants en la matière.

Concernant la question posée par Amélie de Montchalin au sujet du suivi de son amendement, adopté l'année dernière, relatif au crédit d'impôt recherche, les démarches ont été enclenchées et le rapport est attendu pour le 15 novembre. Puisque le recrutement des doctorants a eu lieu à la rentrée universitaire, nous aurons les premiers retours concernant ces embauches.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé le plan Phèdre II, qui représente 10 millions d'euros supplémentaires de contribution du CNES à la vie de la Guyane et de l'environnement du Centre spatial guyanais, destinés notamment à des actions de formation pour les jeunes. Cette part sera portée à 50 millions d'euros à l'horizon 2020. Il s'agit de mieux faire bénéficier l'ensemble de la population guyanaise de la présence du Centre spatial, ce qui nous paraît tout à fait normal. Nous avons ouvert de nouvelles formations de type IUT qui permettront aux jeunes de Guyane de se former et d'acquérir des compétences professionnelles et techniques, et ainsi de mieux bénéficier de la présence du pas de tir.

S'agissant du réseau MAGE (Marché du travail et genre), le versement de l'aide est prévu, ainsi que nous nous y étions engagés, l'année dernière, en séance. Toutefois, le ministère n'a pas vocation à se substituer à un organisme de recherche et nous souhaitons trouver une solution à plus long terme. Nous recevrons prochainement ses responsables afin de sortir de cette situation. Pour 8 000 euros, nous n'allions pas ajouter une ligne au budget. Nous avons attribué 8 000 euros, mais nous ne le ferons pas tous les ans. Cela représente un intérêt moyen et beaucoup d'énergie pour quelque chose qui doit pouvoir se régler beaucoup plus simplement.

Quant à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), le programme 186 est opéré par le ministère de la Culture. Il concerne très majoritairement Universcience, qui consomme 90 % des crédits de ce programme, mais la culture scientifique, technique est industrielle est beaucoup plus transversale. Dans le programme 172, chaque organisme de recherche consacre entre 1 et 2 millions d'euros à la culture scientifique et technologique. Dans le programme 150, l'action 13 soutient la culture scientifique, technique et industrielle à hauteur de 125 millions d'euros, par la mesure « diffusion des savoirs et musées ». Plus de 2 millions d'euros proviennent du ministère, pour financer notamment la Fête de la science. Mais surtout, depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la culture scientifique, technique et industrielle est une compétence partagée avec les régions. Nous ne voyons donc ici qu'une partie des financements, puisque les régions financent un grand nombre d'actions, notamment dans le cadre de la fête de la science, mais pas uniquement.

La première action, visant à renforcer l'intérêt des jeunes femmes à la culture scientifique et surtout technologique, a été prise très au sérieux par les écoles d'ingénieurs. Elles ont envoyé des jeunes femmes en cours de formation dans les collèges et les lycées. Je reste naturellement extrêmement attentive à cette action.

Il faut déconstruire les fantasmes liés à certains métiers et réaffirmer que l'on a parfaitement, quel que soit son genre, la capacité d'exercer n'importe quelle profession. Plus l'on montrera de jeunes femmes exerçant des métiers dont on ne sait même pas le nom au féminin, sauf à ajouter un tiret et un « e », mieux les choses se passeront. Jusqu'au baccalauréat, il y a autant, voire légèrement plus de jeunes filles en filière scientifique, parce qu'elles ne l'ont pas choisie. Lorsqu'elles sont douées, elles sont inscrites presque d'office dans cette filière dont on leur dit qu'elle est la voie royale. Mais une fois qu'elles ont leur baccalauréat et peuvent choisir leur orientation dans l'enseignement supérieur, elles n'y restent pas, ce qui en dit peut-être long sur l'état de notre société. Il y a bien un problème de représentation des métiers scientifiques aujourd'hui. Nous avons tous et toutes un rôle à jouer pour faire comprendre que tout le monde a sa place dans toutes les filières de l'enseignement supérieur !

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