Je dirai quelques mots également de la force exécutoire de l'acte contresigné par avocat. Il s'agit d'une demande de la profession des avocats, avec laquelle nous en avons parlé à plusieurs reprises. Je suis défavorable aux amendements proposés pour deux raisons.
Première raison, les amendements qui permettent de conférer cette force exécutoire revêtent un risque sérieux d'inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel ne permet aux personnes privées d'émettre un titre exécutoire qu'à la seule condition qu'elles soient chargées de l'exécution d'une mission de service public. C'est une jurisprudence constante. Or, les avocats ne sont pas chargés d'une mission de service public lorsqu'ils contresignent un acte sous seing privé. Le fait qu'un avocat vérifie la conformité d'un accord à l'ordre public et qu'il s'assure du consentement des parties et de la sauvegarde des intérêts de la partie qu'il assiste ne caractérise pas l'exercice d'une mission de service public. Les avocats exercent en toute autonomie une activité de nature libérale. C'est une profession du droit, mais non pas une mission de service public. C'est la raison pour laquelle ni le Conseil constitutionnel ni la Cour de cassation n'ont reconnu que les avocats exerçaient cette mission de service public en assistant leur client. À l'inverse, à défaut de celle du juge, l'intervention d'un officier public et ministériel, investi, lui, de prérogatives de puissance publique, est indispensable pour permettre l'apposition de la formule exécutoire sur un acte sous seing privé. C'est pourquoi, en matière de divorce par consentement mutuel, l'intervention du notaire est indispensable pour permettre l'apposition de la formule exécutoire sur la convention de divorce.
Seconde raison : si nous acceptions cette force exécutoire, cela brouillerait les attributions des différentes professions du droit. C'est bien parce que le notaire est un officier public et ministériel que les actes authentiques qu'il dresse ont date certaine, font foi de leur contenu et ont force exécutoire. Les actes dressés par l'avocat le sont par un professionnel indépendant. Ils peuvent, bien sûr, avoir une force probante renforcée. C'est ce qui est déjà prévu pour l'acte contresigné, mais les conditions d'exercice de la profession d'avocat sont différentes de celles de la profession de notaire. Dans le second cas, il s'agit d'une profession réglementée ; dans le premier, d'une profession libérale. Conférer force exécutoire aux actes d'avocat nécessiterait de revoir complètement cette profession et son fonctionnement avec un contrôle renforcé de la puissance publique. Les avocats viennent de lancer des états généraux. Je me suis engagée à réfléchir à cela avec eux mais, en l'état, je ne souhaite pas que nous allions dans cette voie.