À défaut d'appeler de vives critiques, cette mesure est pour le moins surprenante. Après l'intervention d'un juge ou après l'enregistrement par l'officier ministériel qu'est le notaire de la convention conclue entre les parties, on confie à une personne de droit privé chargée d'une mission de service public la possibilité de revenir sur une décision de justice ou sur l'accord des parties pour modifier, à la hausse ou à la baisse, la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. C'est un peu étrange.
J'ai entendu Mme la rapporteure dire qu'il y aura un échange contradictoire devant le directeur de la CAF, mais ce sera un échange de pièces : il n'y aura pas de passage devant le juge et il manquera un élément à mon sens extrêmement important dans notre système judiciaire, à savoir l'intime conviction du juge. Or, on sait – je vous invite à aller discuter avec les juges aux affaires familiales – que, dans un divorce ou une autre situation particulièrement contentieuse, il est extrêmement facile d'organiser son insolvabilité. Je peux vous présenter pléthore de cas dans lesquels des hommes – car ce sont le plus souvent des hommes – produisent des documents permettant de justifier de revenus perçus au titre d'une situation de chômage, alors qu'ils ont en parallèle créé une société dont ils vivent très bien sans en percevoir de revenu. Le directeur de la CAF n'aura normalement, si je puis dire, pas d'autre solution que de tenir compte des documents qui lui seront fournis, sans pouvoir faire de recherche et sans avoir entendu les parties.
Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que le président du TGI pourra suspendre la mesure, ce qui signifie que vous ajoutez, en réalité, une deuxième complication : il y aura saisine du président du TGI puis du juge aux affaires familiales. Si la décision du directeur de la CAF a revu à la baisse la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, on peut prévoir que la saisine du président du TGI aura automatiquement un effet suspensif afin de ne pas mettre en difficulté une femme et ses enfants. Le JAF aura la possibilité, quand il se prononcera, de faire remonter les effets de la révision de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants au jour de la saisine, si jamais la demande du mari s'avère fondée.