Notre discussion porte sur les régimes sociaux et de retraite et sur la solidarité nationale. Il s'agit plus particulièrement des régimes spéciaux, qui sont marqués par un fort déséquilibre entre cotisants et pensionnés.
On s'aperçoit que, dans le projet de loi de finances, la dotation d'équilibre versée par l'État à ces régimes s'élèvera à 6,2 milliards d'euros en 2019. Force est pourtant de constater – comme vous l'avez peu dit, madame la rapporteure pour avis, je tiens à évoquer le sujet – que les régimes spéciaux se rapprochent progressivement des paramètres de la fonction publique, grâce à plusieurs réformes conduites ces dernières années. La réforme des régimes spéciaux de 2008 a ainsi permis de leur appliquer des mesures de la réforme de 2003 qui concernaient les régimes de la fonction publique. Il y a eu également la réforme Woerth de 2010. Dans ces deux cas, les dispositions ont été mises en oeuvre par voie réglementaire. Ces deux réformes conduites par la droite ont permis d'arriver au bon résultat que l'on constate actuellement. S'y ajoute la réforme de Mme Touraine, en 2014, qui a également été appliquée par décret aux régimes spéciaux, entraînant la hausse des cotisations et de la durée d'assurance.
Je note, madame la rapporteure pour avis, que vous n'avez pas choisi, cette année, de centrer votre travail sur un régime en particulier : l'essentiel de votre avis – comme, du reste, celui de votre propos liminaire – porte sur l'avenir des droits familiaux et conjugaux, et vous consacrez seulement quelques feuillets aux questions d'équilibre et de financement par l'État des régimes spéciaux. Je comprends l'opportunisme qui conduit à centrer les débats sur l'avenir des droits familiaux et conjugaux, dans le cadre de la discussion en cours sur le régime de retraite universel. J'aurais souhaité, pour ma part, que vous produisiez un avis sur les modalités de la fusion des régimes spéciaux dans un régime unique : ce sera un aspect important.
En ce qui concerne la réforme des retraites en elle-même, puisque tel a été l'objet de votre travail, nous verrons ce qu'il en sera. Nous examinerons le projet lorsque nous en aurons connaissance. Pour l'heure, nous devons nous contenter de déclarations d'intention. La seule véritable question est celle du financement du nouveau système que vous proposez de mettre sur la table.
Pour en revenir aux droits conjugaux et familiaux, la question de l'harmonisation entre les différents régimes se pose effectivement – nous sommes entièrement d'accord sur ce sujet – dans le cadre d'un régime par points. Toutefois, l'harmonisation se fera-t-elle par le haut ou par le bas ? Où placerez-vous le curseur ? J'observe que, sauf erreur de ma part, vous vous êtes bien gardée de donner un avis sur le sujet. Je suis également d'accord avec vous pour considérer que l'hétérogénéité des régimes crée des inégalités. Cependant, là encore, il ne faudrait pas que l'objectif d'équité se traduise par une égalisation par le bas. Ce serait dommageable pour un grand nombre de Français.
En outre, le passage au système par points pose, s'agissant des droits, la question suivante, qui est d'ordre général : comment garantir l'équité si la valeur du point varie d'une génération à l'autre ? Considérer que l'équité prévaut au sein d'une même génération et n'est donc plus garantie entre les générations, c'est opérer un véritable bouleversement ; il est nécessaire d'en débattre.
J'observe également que les seuls droits familiaux représentent une dépense de plus de 17 milliards d'euros. Par ailleurs, on perçoit dans votre rapport la tentation de sortir ces droits des paramètres du régime général, ce qui soulève, une fois encore, des interrogations. Une question se pose particulièrement à la lecture de votre avis et après vous avoir écoutée, madame la rapporteure : les intéressés devront-ils payer une surcotisation, ce qui entraînerait une inégalité dans l'accès aux droits, ou bien le système reposera-t-il sur la solidarité nationale, autrement dit sur l'impôt, avec le risque d'une baisse généralisée ? Autrement dit, le financement des droits familiaux sera-t-il endogène ou exogène ? La question est essentielle et je souhaiterais, puisque nous sommes réunis pour émettre un avis, que vous nous donniez le vôtre ; pour le moment, vous êtes restée mutique.
Je terminerai en évoquant la question de la réversion. Je conçois bien qu'à la suite du cafouillage du Gouvernement sur la possible suppression des pensions de réversion, vous vous livriez à une tentative de clarification. Vous proposez deux pistes de réflexion : le financement de la réversion par une surcotisation pour les couples mariés, ou par le partage des droits acquis par les deux membres du couple. Dans les deux cas, vous raisonnez uniquement en considérant le couple, sans envisager autre chose.