Nous examinons aujourd'hui la mission « Régimes sociaux et de retraites », qui recouvre le financement de plusieurs régimes spéciaux importants, tels que la RATP, la SNCF ou la marine marchande, ainsi que le compte d'affectation spéciale « Pensions », qui retrace les crédits dédiés aux pensions de retraite avant âge accessoires gérées par l'État.
Aux yeux du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), l'analyse de ces missions revêt une importance particulière cette année, puisqu'une réforme des retraites est annoncée pour 2019, dont l'objectif est de fusionner les quarante-deux régimes de retraite existants pour les remplacer par un régime unique par points. La rapporteure a axé l'essentiel de son rapport sur les perspectives ouvertes par cette réforme en matière de dispositifs de solidarité et de droits familiaux et conjugaux, donc de pensions de réversion. Ces dispositifs représentent 20 % des droits à la retraite, sur une dépense globale de 300 milliards d'euros. C'est une préoccupation majeure de nos concitoyens, et nous avons aujourd'hui l'occasion d'en savoir un peu plus sur une réforme à propos de laquelle, finalement, nous sommes amenés à jouer un peu à colin-maillard avec le Gouvernement, depuis quelque temps déjà…
Je voudrais ensuite regretter la mesure prévoyant la désindexation des prestations sociales, et notamment des pensions de retraites, pour les années 2019 et 2020. Cette mesure votée dans le PLFSS permettra à l'État de faire une économie de 2,8 milliards d'euros en 2019, et de 5,2 milliards d'euros en 2020. Pardonnez-moi de vous dire des choses que vous savez déjà, mais peut-être faut-il quand même le rappeler : alors que la branche retraite du régime général sera excédentaire de 1,3 milliard d'euros, ces économies sur le dos des retraités sont d'autant plus regrettables qu'ils ont subi de plein fouet – chacun, chacune s'en souvient – l'augmentation de la CSG l'année dernière, augmentation qui continue cette année. Leur pouvoir d'achat s'en trouve fortement amputé.
Par conséquent, avant même la réforme des retraites, le Gouvernement et sa majorité se sont déjà attaqués aux pensions de retraite et, plus globalement, au pouvoir d'achat des retraités. Cela n'augure rien de bon. Pour nous, cela constitue le premier étage d'une réforme qui a de quoi inquiéter. La mission que nous examinons aujourd'hui révèle la même obsession pour la maîtrise des dépenses sociales, qui se traduit par une réduction des droits à la retraite des fonctionnaires et des bénéficiaires des régimes spéciaux, c'est-à-dire de leur droit au maintien de leur niveau de vie.
S'agissant de la fusion des régimes spéciaux, annoncée dans le cadre de la réforme des retraites, je ferai plusieurs remarques assez brèves. D'abord, nous n'accepterons pas que la fusion se traduise par une baisse des droits sous prétexte de simplification. Or, avec la mise en place d'un régime dit universel – ou annoncé comme tel –, cette réforme s'oriente vers un alignement vers le bas des conditions de départ à la retraite. Rappelons que ces régimes spéciaux sont le fruit d'une histoire sociale, de spécificités, de luttes syndicales, mais qu'ils sont aussi la contrepartie de carrières pénibles. Simplifier, pourquoi pas ? Mais pas en abaissant les droits !
Enfin, mon dernier point concerne les dispositifs de solidarité qui ont été évoqués par Mme la rapporteure. Son rapport indique qu'« il ne saurait être question qu'à l'occasion d'une transformation de nos régimes de retraite en système universel de retraite par points, les principes des dispositifs de solidarité actuels soient abandonnés ». Nous faisons nôtres ces propos. Pourtant, il y a quelques mois, le Gouvernement n'avait pas écarté une réforme à la baisse des pensions de réversion. Il s'agit, là aussi, d'une ligne rouge, car ces mécanismes de solidarité permettent de réduire fortement les inégalités de parcours, notamment entre les femmes et les hommes. Il s'agit donc, pour nous, d'un enjeu fort de la réforme qui s'annonce.
La communication gouvernementale occulte volontairement des interrogations essentielles, notamment sur le niveau de pension garanti au moment du départ – c'est-à-dire le niveau du revenu de remplacement – les modalités de conversion des points acquis et leur évolution au fil du temps. Le passage à un système par points – nous ne croyons pas à la magie du point – laisse entrevoir le basculement d'un système par répartition à prestations définies, dont l'objectif est le maintien du niveau de vie des retraités, vers un système à cotisations définies, dont l'objectif premier est l'équilibre financier du régime de retraite.
On nous a dit que tout se ferait à moyens constants, mais nous avons vu que, déjà, une pression s'exerce sur le volume global à consacrer aux retraites. Y céder conduirait naturellement à saper la solidarité qui fonde notre système de retraite. J'attire votre attention sur le risque, dans les annonces qui sont faites, de mettre en cause le caractère un peu redistributif du système actuel de retraite. L'enjeu, pour nous, est de garantir un véritable droit à la retraite pour chacune et pour chacun.
Nous voterons contre les crédits de cette mission. Certes, elle ne contient pas la réforme annoncée, mais elle traduit déjà un certain nombre d'orientations, en tout cas une obsession de maîtrise des dépenses publiques aux dépens des droits des retraités, qu'ils relèvent de la fonction publique ou d'un régime spécial de retraite.