Intervention de Corinne Vignon

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Vignon, rapporteure pour avis :

De nombreux sujets ont été abordés. Je m'efforcerai de répondre le plus synthétiquement possible.

M. Belhaddad m'a interrogée sur la généralisation de la réversion au profit des orphelins. De mon point de vue, l'universalisation des règles de réversion ne pourra pas conduire à la remise en cause du principe de la réversion au profit des orphelins. Il faudra donc en envisager l'extension à ces 500 000 jeunes qui, aujourd'hui, ne perçoivent pas de pension, excepté ceux relevant des régimes de la SNCF, des mines, des marins et de la fonction publique. Les dépenses qui pourraient en résulter ne sont pas démesurées : les orphelins des fonctionnaires de l'État « coûtent » actuellement 100 millions d'euros, somme qui, rapportée aux 308 milliards de la masse totale des pensions, reste raisonnable.

J'ai beaucoup aimé votre question, monsieur Viry. Rendons à César ce qui est à César ; si notre système de retraite n'avait pas fait l'objet des réformes « Woerth », « Balladur » et autres, il serait déficitaire de plus de 50 milliards d'euros. Aujourd'hui, il ne l'est que de 6 milliards d'euros : ce n'est certes pas l'équilibre, mais cela demeure préférable. Ces réformes ont donc été tout à fait nécessaires.

En ce qui concerne les détails budgétaires relatifs aux régimes spéciaux, je vous renvoie au rapport de notre collègue Olivier Damaisin, membre de la commission des finances, qui fournit tous les éléments nécessaires. L'harmonisation entre les divers régimes ne saurait se faire par le bas, ce que prouve ma position au sujet du financement des aidants ou du bénéfice de la réversion pour les orphelins : il s'agit de nouvelles solidarités.

J'invite tous mes collègues à assister la semaine prochaine à l'audition par notre commission de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, qui fournira tous les éléments relatifs aux différences qui distingueront les divers régimes – sans pouvoir, à ce stade, donner la valeur du point.

Pour ce qui est de la question du financement des droits conjugaux et familiaux de retraite : les personnes que j'ai entendues – même si aucune décision n'est encore prise – sont quasi unanimes à considérer que le financement de la réversion doit continuer de reposer sur les cotisations, et le financement des droits familiaux sur la solidarité nationale, c'est-à-dire sur l'impôt ou un éventuel tiers payeur.

À Mme Élimas qui m'a interrogée sur les conditions de l'harmonisation, je ne peux fournir d'éléments de réponse, car la discussion est en cours entre les partenaires sociaux. M. Delevoye travaille depuis plus de huit mois à la question des retraites, il a engagé des consultations bilatérales, et nous avons eu connaissance le 10 octobre dernier, des conclusions de la consultation multilatérale.

Ces premiers travaux constituent une base de travail ; à partir du mois de février ou de mars prochain, de nouvelles consultations seront organisées, y compris des consultations citoyennes, qui nous apporteront une connaissance précise de l'avis de nos compatriotes sur chaque régime de retraite. Ces consultations bilatérales seront couronnées par une consultation multilatérale ; nous disposerons alors de conclusions très précises au sujet du fonctionnement du régime à points, et peut-être sur la valeur du point que M. Delevoye n'a pas encore arrêtée.

Mme Biémouret m'a interrogée sur l'ASPA ; ce sujet excède le cadre de mon avis sur les retraites. Il est légitime de poser la question de la suppression du recours sur succession, et je ne suis pas loin de partager son opinion.

Les agriculteurs, comme l'a aussi souligné M. Lurton, représentent une population très fragile au regard de la retraite. Il ne faut pas oublier qu'ils ont cotisé au taux de 14 %, ce qui est loin du niveau de cotisation des salariés. En outre, au moment de la constitution du régime, ils n'ont pas souhaité que leurs épouses cotisent, ce que je déplore car, de ce fait, elles n'ont aucun droit propre à la retraite, ce qui est fâcheux. Il va donc falloir reconsidérer cette question très importante, sur laquelle M. Delevoye devrait vous apporter des réponses très précises, car il est très concerné par la situation des agriculteurs et se montre favorable aux fameux 85 % du SMIC mentionnés par M. Lurton. En tout état de cause, l'harmonisation ne se fera pas par le bas.

M. Christophe a évoqué le coût de la primo-liquidation, sujet sur lequel je ne dispose pas de beaucoup de détails. Je peux toutefois vous transmettre tous les éléments en ma possession, sous la forme des réponses que j'ai reçues des ministères en réponse au questionnaire écrit que j'avais préparé.

Je suis cependant en mesure de vous communiquer quelques renseignements sur le coût de fonctionnement de l'Association pour la prévoyance collective (APC) qui gère le régime de retraite de la SEITA. Pour 2019, les prévisions sont les suivantes : pour des pensions dont le montant équivaut à 146 millions d'euros, le coût de la gestion du régime par l'APC s'élèverait à 272 000 euros, calculés sur la base d'une facturation à l'acte, elle-même revalorisée en fonction de l'inflation. Les frais bancaires, pour leur part, seraient de 80 000 euros. Les frais de gestion ne devraient pas dépasser 380 000 euros en 2018. Ce montant est définitivement établi sur la base du nombre d'actes de gestion comme la primo-liquidation par exemple, qui seront facturés sur une base forfaitaire.

M. Dharréville m'a interpellée sur la désindexation des pensions. Si l'on considère que l'inflation est de 1,6 % et que les pensions ont été revalorisées de 0,3 %, le différentiel est de 1,3 point. Je rappelle que, les trois années précédentes, la revalorisation avait été respectivement de 0 %, 0,1 % et 0 %.

Par ailleurs, nous avons voté, dans le PLFSS, le « reste à charge zéro ». Or, pour un appareil auditif, par exemple, ce reste à charge est actuellement de 800 ou 900 euros, et ce sont surtout des personnes âgées, donc retraitées, qui sont concernées. Ce montant de 800 ou 900 euros est à comparer aux 10 à 12 euros par mois que fait perdre, en moyenne, la désindexation à un retraité.

Enfin, il n'a jamais été question de supprimer la réversion ; il s'agit d'un sujet dont les médias se sont emparés sur la base d'informations mal comprises.

À Mme Dubié, je répondrai qu'il n'est pas envisagé de modifier les règles en vigueur applicables aux pensionnés des régimes spéciaux, y compris celles du financement. La réforme ne concernera que les futurs pensionnés.

M. Pietraszewski a évoqué les enjeux de la future réforme. Le principal d'entre eux est la convergence des règles de réversion dans le cadre d'une réforme qui tienne compte des évolutions de la société, de la nuptialité et des modèles familiaux. Plusieurs questions peuvent en effet se poser, notamment sur les droits familiaux : faudra-t-il les limiter à deux ou trois enfants ? Faudra-t-il plafonner la prise en compte de l'interruption de carrière ? Fixer une compensation forfaitaire, ou en proportion du salaire ? Le financement devra-t-il reposer sur l'impôt, ou sur un tiers payeur ? La même question se posera pour les aidants familiaux.

À M. Da Silva, j'indiquerai que, selon moi, les nouvelles règles de réversion ne devront pas s'appliquer à brève échéance, notamment parce que de nombreux couples ont fait des choix de vie fondés sur la base de calculs à long terme qui ne sauraient être bouleversés du jour au lendemain. Ce point de vue est partagé par l'ensemble des personnes que j'ai entendues, et la Cour des comptes, en 2015, préconisait une mise en oeuvre extrêmement progressive, lissée sur plusieurs générations, de la réforme de la réversion.

Mme Corneloup m'a interrogée sur l'âge de la retraite. Cette question ne fait pas l'objet de ce rapport, mais j'ai accompagné le haut-commissaire dans ses déplacements en Italie, en Allemagne et en Suède. Dans ce dernier pays, tous les intéressés reçoivent chaque année la fameuse « enveloppe orange » qui leur donne toute visibilité, car il suffit de connaître la valeur du point, le montant cotisé et le nombre de points attribué pour anticiper les droits à la retraite que l'on aura acquis au terme de ses 42 années de cotisation.

Ce système permettra à chacun de choisir l'âge de son départ à la retraite. Aujourd'hui, par exemple, que l'on ait été salarié du public, salarié du privé ou travailleur indépendant, ce n'est qu'au moment de la liquidation que l'on sait quelle sera la part des droits familiaux. Or, le système par points offre cette lisibilité.

Il n'est donc pas question de changer l'âge de la retraite, mais le choix sera offert de cotiser jusqu'à 43 ou 44 années au lieu de 42 années afin d'augmenter ses droits, ce qui me paraît très positif.

À M. Perrut, j'indique que je n'ai pas pris parti en faveur d'un financement par l'impôt de l'attribution de points de retraite gratuits aux aidants. Je me suis bornée à dresser l'état des divers points de vue qu'il m'a été donné d'entendre ; il ne s'agit donc pas d'un point de vue personnel. Dans mon rapport, je souligne le manque cruel d'études précises, fiables et chiffrées, qui fait que nous ignorons le nombre exact d'aidants familiaux, estimé entre 8 et 11 millions. De même, nous ne savons pas non plus s'il faut retenir une base de 40 heures ou 50 heures de travail par semaine, rapportées au taux horaire du SMIC. Nous avons besoin de données actualisées et chiffrées afin de déterminer le nombre d'aidants et le temps qu'ils consacrent effectivement à l'aide qu'ils apportent.

Mme Khattabi m'a interrogée sur les moyens de résorber les inégalités entre les femmes et les hommes. Dans une certaine mesure, tout mon rapport traite de cette question. Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, si la réversion, la MDA et l'AVPF contribuent à réduire les écarts de pension, elles ne le font qu'imparfaitement. Ces écarts s'atténueraient sans doute dès lors que des points de retraite seraient gratuitement attribués au parent qui interrompt ou réduit effectivement son activité pour s'occuper de l'éducation des enfants. Aujourd'hui, la MDA et l'APVF concernent, pour une bonne part, des femmes qui travaillent, et à qui elle rapporte des trimestres inutiles lorsqu'elles ont accompli une carrière complète.

L'intérêt du système par points est que l'on y parle d'argent ; vous avez un enfant, une somme vous est allouée. Actuellement, ce sont des trimestres qui sont alloués, de façon imparfaite et inégale qui plus est, car le nombre de trimestres n'est pas le même selon que l'on travaille dans le public ou dans le privé. Le système par points réduira les inégalités de retraite car on ne parlera plus de temps, mais d'argent.

Mme Fontaine-Domeizel m'a interrogée sur les aidants. Il semblerait que la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) soit en train de réaliser une étude à partir de données de 2005, mais que sa méthodologie soit très contestée, notamment par la présidente de l'Association française des aidants (AFA), Mme Florence Leduc, qui lui reproche de réduire l'aidant à la personne qui prodigue des soins à domicile.

Lorsque, pour prendre cet exemple, la durée du travail d'un aidant est comptabilisée sur la base du temps passé à préparer et à donner le repas à la personne souffrante, Mme Leduc fait valoir que ce décompte omet le temps nécessaire pour les courses, l'achat de médicaments, etc. À partir de quel moment est-on « aidant » ? C'est une vraie question, et nous avons besoin d'études beaucoup plus poussées et actualisées que celles dont nous disposons pour envisager d'octroyer des points de retraite « solidaires » aux aidants. Mais il me semble impératif de le faire, car nombreux sont les parents d'enfants handicapés doivent se mettre à mi-temps. Je cite souvent l'exemple d'un père ingénieur que j'ai rencontré, à qui son patron a refusé ce mi-temps car on peut difficilement exercer la profession d'ingénieur à mi-temps, et qui a dû prendre un emploi de maître-nageur – à mi-temps, donc – pour s'occuper de son enfant handicapé. C'est la double peine : baisse de revenu et baisse de retraite ! C'est pourquoi je soutiens à cent pour cent l'attribution de points aux aidants, et j'espère que nous avons tous cette préoccupation en partage.

M. Lurton a évoqué le régime des marins, qui est invraisemblablement complexe, car il couvre plus de cent vingt fonctions, et varie notamment selon la taille du bateau, de son tonnage, si ce n'est l'âge du capitaine… (Sourires.) Il n'est absolument pas question de baisser les prestations servies par ce régime. Je trouve même que, compte tenu de la pénibilité du métier de marin, il devrait donner droit à des points supplémentaires. En Suède – qui ne compte, il est vrai, qu'un peu moins de 10 millions d'habitants, ce qui rend les comparaisons difficiles –, on considère qu'une personne exerçant un métier pénible devra cesser cette activité à 45 ans : ainsi, un maçon ou un marin changera de métier à cet âge, mais après avoir bénéficié d'une formation pour cela. Il me semble que nous pourrions adopter un tel système, car un maçon ou un marin, à cinquante ans, a le corps cassé par le froid, l'humidité, etc. M. Delevoye, très attentif à la situation des agriculteurs, le sera tout autant, j'imagine, à celle des marins, qui ne devraient donc pas être oubliés.

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