Je ne m'attarderai pas sur la description des crédits de la mission « Enseignement scolaire », que le ministre et la rapporteure spéciale ont déjà exposés. La commission des affaires culturelles et de l'éducation a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits, avec lesquels le Gouvernement se donne véritablement les moyens de redresser l'école primaire et donne la priorité à ceux qui en ont le plus besoin : les CP et CE1 des réseaux d'éducation prioritaire. C'est dans ces premières années que beaucoup se joue pour les élèves.
J'en viens donc directement au thème que j'ai choisi de traiter : celui de l'école dans les territoires ruraux. Je dois avouer que j'ai commencé ce travail avec quelques a priori et que je m'y suis fait un avis beaucoup plus nuancé. Ce thème est souvent présenté dans les médias sous l'angle des fermetures de classes et beaucoup de fantasmes entourent une réalité bien plus complexe et beaucoup moins sombre qu'il n'y paraît.
L'espace rural est très varié et il n'existe pas un modèle-type d'école rurale. Certains départements ont privilégié le maintien de petites écoles avec des classes uniques – c'est souvent le cas en montagne, où les distances sont longues à parcourir. D'autres départements, comme la Haute-Saône, ont des pôles scolaires ruraux, dans lesquels l'offre périscolaire et les équipements sportifs et culturels alentour sont très développés. Ces départements ont choisi de restructurer leur carte scolaire, anticipant la baisse démographique.
Les études disponibles montrent que le niveau scolaire en zone rurale n'est pas moins bon qu'ailleurs. À l'occasion du travail que j'ai mené pour rédiger ce rapport, auditions et déplacements m'ont fait découvrir des réalisations très positives dans des configurations variées, dont il ressort qu'il serait dommage de vouloir imposer un modèle unique.
Cependant, il faut tout de même encourager les regroupements là où ils sont les plus pertinents. Pour avoir moi-même enseigné dans une classe unique, je connais la solitude du maître qui ne peut compter sur l'aide d'aucun collègue. Les regroupements permettent de rompre l'isolement, d'augmenter les décharges du directeur, et de mettre en commun les efforts des communes pour le périscolaire et les équipements.
En même temps, dans certains endroits, il n'y a pas d'autre solution que de maintenir une classe unique, car une fermeture entraînerait des temps de transport trop importants. J'ai visité de formidables classes à quatre niveaux dans des villages de l'Oise – et je saisis cette occasion de remercier ma collègue de m'avoir accompagnée. De telles classes supposent de réunir les meilleures conditions possibles : un soutien financier de la commune, une bonne connexion internet et, surtout, une formation spécifique de l'enseignant.
De façon plus générale, pour sortir du drame annuel des annonces de fermetures de classes, il faut que les collectivités et l'éducation nationale élaborent ensemble des stratégies pluriannuelles. C'est l'objectif des conventions de ruralité : d'un côté, l'État s'engage à maintenir des postes et à en consacrer spécifiquement aux zones rurales ; de l'autre, les élus s'engagent dans un projet de restructuration du paysage scolaire pour mieux l'adapter aux réalités locales. Les conventions de ruralité ne sont pas une solution miracle, mais, lorsqu'elles ont été élaborées avec bonne volonté, elles ont permis une amélioration de l'offre scolaire et un apaisement des tensions.
Les petites écoles de montagne, pour lesquelles les possibilités de regroupement trouvent leurs limites dans la durée des déplacements, doivent faire l'objet d'une attention particulière. J'ai déjà évoqué la nécessité de former les enseignants et certains travaux de recherche récents montrent que l'enseignement en multiniveaux offre des possibilités intéressantes en matière de pédagogie, mais nécessite un investissement important de l'enseignant et une formation solide. De toutes petites écoles pourraient être rapprochées de certains collèges, que ce soit sous forme de réseau ou sur un même site. Cela offrirait des possibilités d'échanges d'enseignants et de mutualisation des moyens administratifs, comme le suggérait la mission flash sur les directeurs d'école.
Enfin, il apparaît que certains territoires ruraux connaissent des problèmes sociaux comparables à ceux des territoires urbains en termes de chômage et de pauvreté. Les familles des zones rurales, isolées ou pauvres, pourraient alors bénéficier d'un meilleur suivi social. La parentalité a été évoquée à plusieurs reprise comme un problème récurrent, notamment dans les territoires moins bien suivis par les services sociaux.
En conclusion, la ruralité est loin d'être abandonnée par l'éducation nationale, qui y consacre beaucoup de moyens, et plus qu'auparavant, ne serait-ce que par un taux d'encadrement plus élevé, ce qu'on n'avait jamais vu. Il faut, en revanche, que l'État et les collectivités travaillent ensemble pour offrir des écoles attractives aux élèves ruraux.