Monsieur le ministre, c'est d'abord à vous que je m'adresse. L'enseignement constitue le premier poste budgétaire de l'État. Inutile d'en souligner l'importance, il concerne 12 millions d'élèves, la moitié des fonctionnaires d'État, et, surtout, il engage le développement de nos enfants et la formation des jeunes générations. Il s'agit d'une priorité objective, personne ne le contestera, mais il s'agit aussi d'une source d'inquiétude forte et d'abord devant le bilan qualitatif de la formation des plus jeunes. Les chiffres demeurent alarmants, ils nous interpellent en tout cas, puisque 20 % des élèves sortent de l'école primaire sans savoir correctement lire, écrire ou compter.
Professeur des universités, j'ai pu constater chez bien des étudiants de première année de licence une insuffisance de niveau abyssale, et j'ai le sentiment que les choses ne s'améliorent pas avec le temps. Bien sûr, il ne s'agit pas ici d'accabler les enseignants du premier ou du second degré : ils ont souvent peu de moyens ; ils sont quelquefois placés dans des conditions d'enseignement objectivement rédhibitoires ; ils subissent à la fois la pression de certains parents qui ignorent la finalité même de l'éducation nationale et l'intérêt de leurs enfants, et ils subissent aussi la pression d'une hiérarchie qui recherche trop souvent le déni ou le statu quo. Certains problèmes mériteraient un engagement, une prise de conscience de la part des pouvoirs publics, plutôt qu'une ouverture prudente de parapluie. Les enseignants doivent pouvoir ressentir pleinement le bonheur de transmettre chaque jour un savoir tellement précieux pour leurs élèves. C'est rarement le cas.
Par ailleurs, vous le savez, ces enseignants ne comprennent pas les réductions de postes dans le secondaire, au moment où sont attendues de fortes hausses des effectifs les prochaines années – plus de 100 000 élèves d'ici à 2021. Vous justifiez ces réductions par la priorité accordée au primaire. On pourra observer que les postes créés, deux fois moins nombreux que ceux supprimés, suffiront à peine à couvrir les besoins nés du dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d'éducation prioritaire.
Je voudrais souligner quelques autres problèmes, et d'abord le harcèlement scolaire dont 700 000 élèves seraient plus ou moins victimes, l'usage des smartphones dans les établissements scolaires, indiscutable source d'inattention, et véhicule de films pornographiques ou violents. Sur ces deux phénomènes, il convient de soutenir la communauté éducative.
Je souhaiterais par ailleurs que l'on s'attarde sur la question des écoles rurales. Nous contestons l'approche technocratique et froide, visant à répartir les classes selon un schéma purement comptable. Le rôle fondamental de l'école dans la vitalité des territoires, sa fonction en matière d'attractivité de jeunes parents et de lien social, doivent être prioritairement pris en compte.
Nous souhaiterions par ailleurs que progresse encore l'enseignement technique agricole. Il en va de l'avenir, en matière d'alimentation saine et durable, et aussi de la vitalité de bien des territoires.
Pour ce qui est de la politique sportive, nous notons, madame la ministre, que le budget du sport est en diminution. Cela inquiète à juste titre, vous le savez, les principaux acteurs. Il faut dire que ces restrictions sont en contradiction avec les objectifs ambitieux annoncés : le maintien du cinquième rang olympique, l'obtention de quatre-vingts médailles en 2024. Cela nécessite de l'investissement, même si nous n'ignorons pas l'ampleur de la tâche en matière de maîtrise budgétaire.
Le sport revêt de multiples dimensions sociales et économiques : épanouissement personnel et collectif, lutte contre les maladies, maintien de la vie sociale dans nos villages et dans les quartiers difficiles. Au regard de la part importante du bénévolat dans ce secteur, la concertation avec les acteurs locaux doit être une priorité. Sans l'action des bénévoles dans les clubs sportifs, beaucoup de nos villages n'auraient plus de vie. Après le départ des services publics, ces clubs demeurent un ultime rempart face à la désertification. Nous sommes ici aux antipodes des sommes folles, véritablement choquantes, engagées par certains sports professionnels. Le terme « club sportif » couvre aussi bien un bénévolat magnifiquement désintéressé qu'un inquiétant univers où les performances sportives sont certes remarquables, mais où l'argent est roi et coule à flot.
Dernier point que je voudrais aborder, il nous importe que le déploiement du sport profite à tous les territoires. Paris 2024 peut être une bonne nouvelle, si cet événement est aussi l'occasion d'irriguer et de provoquer un effet de ruissellement qui profite à l'ensemble des territoires. Dans tous ces domaines, madame et monsieur les ministres, nous prenons acte des efforts accomplis, mais aussi des difficultés, des insuffisances, des critiques souvent justifiées qui affectent ces projets de budget.
Le 15/11/2018 à 22:00, Laïc1 a dit :
" et ils subissent aussi la pression d'une hiérarchie qui recherche trop souvent le déni ou le statu quo"
Il faut donc en finir avec cette stupide hiérarchie, qui prend son idéologie mortifère pour de l'intelligence (les pauvres imbéciles...), et qui n'a d'autre effet que de faire chuter le niveau scolaire et intellectuel des petits Français.
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