Intervention de Pierre Henriet

Séance en hémicycle du mardi 13 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Henriet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Je passerai rapidement sur les crédits dévolus à la recherche, qui ont déjà été présentés par la ministre et la rapporteure spéciale, et à l'adoption desquels la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable. Je me contenterai de saluer la poursuite de l'effort consenti en faveur de la recherche, avec une hausse de 2,2 % des crédits, dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Il me semble essentiel de maintenir cet engagement dans la durée, parce qu'avec environ 2,2 % de notre PIB consacré aux dépenses de recherche, nous sommes encore nettement en-deçà de l'objectif de 3 % que l'Europe s'est fixé en 2000 et a réaffirmé en 2013.

J'évoquerai d'un mot la question de la valorisation de la recherche, qui constitue l'une des clés de la compétitivité de nos économies modernes. Dans un rapport de mars dernier, la Cour des comptes a dressé un bilan pour le moins mitigé des outils de valorisation mis en place dans le cadre du PIA, qu'il s'agisse des Sociétés d'accélération du transfert de technologies, des Instituts de recherche technologiques, des Instituts pour la transition énergétique ou des Consortiums de valorisation thématique. La Cour souligne notamment que la création de nouvelles structures, sans rationalisation de l'existant, a conduit à une forme de sédimentation des dispositifs et à des difficultés de gouvernance de 1'« écosystème de la valorisation », qui est devenu très complexe. La Cour pointe également de premiers résultats de ces structures en deçà des attentes.

Le Gouvernement a pris plusieurs mesures depuis le début de l'année en matière de valorisation et de diffusion de l'innovation, tout d'abord en mettant en extinction certaines des structures que je viens d'évoquer et en réalisant des évaluations. Il a également prévu des mesures pour favoriser le passage entre recherche et entreprenariat dans le projet de loi PACTE ; il a mis en place un fonds de l'innovation ainsi qu'un conseil interministériel, tout en instaurant le plan Deep tech, en mettant l'accent sur les innovations de rupture, essentielles pour positionner notre économie sur des secteurs de haute technologie. Je me félicite également de la hausse des moyens alloués aux CIFRE dans le présent projet de budget, ces conventions constituant un instrument très utile et apprécié tant des doctorants que des entreprises.

J'en viens au thème que j'ai retenu cette année : le crédit d'impôt pour la recherche. C'est un dispositif fiscal emblématique, tout d'abord par son coût, de l'ordre de 6 milliards d'euros – soit la première dépense fiscale de notre budget, après le CICE – , ensuite par sa relative stabilité dans le temps, caractéristique relativement rare en matière fiscale, enfin par la place qu'il occupe dans le soutien aux dépenses de R& D des entreprises. Il représente à lui seul les deux tiers du soutien public à la R& D privée, sachant que ce soutien atteint au total 0,4 % du PIB.

Le CIR constitue un élément clé de la compétitivité de l'environnement fiscal français pour les activités de recherche et d'innovation, comme l'ont souligné tous mes interlocuteurs. L'un des points forts du CIR est sa neutralité à l'égard des projets de recherche développés par les entreprises, à la différence des dispositifs de subvention directe.

Le premier enjeu du CIR est bien sûr l'évaluation de son impact : si un grand nombre de rapports ont été conduits, ils concluent généralement à la difficulté à évaluer précisément son efficacité, notamment pour des raisons méthodologiques. Un consensus se fait jour néanmoins sur un effet d'additionnalité du CIR, c'est-à-dire que pour chaque euro de CIR versé aux entreprises, leur effort de R& D augmenterait d'un euro en moyenne. Mais il serait nécessaire d'affiner les évaluations ; plusieurs travaux sur ce thème sont attendus prochainement et nous devrons y être attentifs, mes chers collègues.

Deuxième enjeu essentiel, l'impact du CIR sur l'emploi des chercheurs et des jeunes docteurs. Il n'existe pas d'éléments statistiques précis sur le nombre de chercheurs et de jeunes docteurs soutenus par le CIR, même si le nombre de chercheurs en entreprise a crû de façon continue depuis 2008, pour atteindre 226 000 en 2015. Je rejoins la préoccupation de ma collègue Amélie de Montchalin de renforcer l'évaluation de l'effet du CIR sur l'emploi des chercheurs ; un amendement a été déposé en ce sens, qui sera examiné jeudi, avec les articles non rattachés.

Enfin, il est essentiel que les PME puissent s'approprier le CIR, alors même que ce sont ces entreprises qui sont le plus à même de développer et de faire vivre des innovations de rupture. Aussi le recours au rescrit doit être davantage encouragé pour ces entreprises. Il me semblerait également utile d'étoffer les effectifs des délégations régionales à la recherche et à la technologie, DRRT, qui jouent un rôle d'expertise en matière de CIR dans les territoires, tout en animant les politiques de recherche et d'innovation au plus près des entreprises ; j'ai déposé un amendement en ce sens.

J'achèverai mon propos par une question à la ministre : pourriez-vous nous apporter un éclairage sur l'avenir du CIR, dans la perspective de l'adoption de la directive européenne ACCIS, assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, et sur sa compatibilité avec les dispositifs envisagés en matière de recherche, telle la « super-déduction » ?

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