Commençons par parler chiffres puisque cet exercice est budgétaire.
Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » progressera de 172 millions d'euros en crédits de paiement pour atteindre des dotations voisines de 7 milliards. Autant dire que cette évolution, en pourcentage, ne correspond qu'à celle du niveau d'inflation prévu.
Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », compte tenu du contexte social dû aux évolutions passées et prévuesdes taxes sur les carburants, comporte l'énergie et la mobilité durable… Il progresse seulement de 5,8 millions d'euros et régresse, oui régresse, de 7,2 millions en crédits de paiement par rapport à 2018.
Le programme 193 « Recherche spatiale » devrait connaître une évolution de 205 millions par rapport à 2018 mais ce n'est que du rattrapage avec la dette de l'agence européenne spatiale, l'ESA. Madame la ministre, vous annoncez le rattrapage en deux ans de cette dette, qui a encore progressé en 2018 pour atteindre à cette heure 412 millions : allez-vous lever les deux mises en réserve, de 2018 et 2019, condition indispensable pour atteindre cet objectif ?
Toujours en ce qui concerne le programme 193, je dois vous alerter à propos de la situation du CNES. En retranchant la contribution française à l'ESA, son budget propre ne progresse que de 37 millions avant la mise en réserve de 29 millions. Il s'écarte ainsi de la trajectoire de croissance qui fonde les engagements du contrat d'objectif et de performance, ce qui l'oblige à redéfinir une nouvelle programmation comportant une baisse d'effectifs en chercheurs.
Concernant le programme 172, les appels à projet de recherche de l'Agence nationale de la recherche sont abondés de crédits supplémentaires qui serviront surtout à apurer des retards des aides de l'Agence.
Le programme 190 s'intitule « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable ». À lui seul, ce bel intitulé devrait incarner les ambitions politiques affichées à longueur de journée. Force est de constater que les hausses d'aujourd'hui et de demain des taxes sur les carburants, à hauteur 3,9 milliards, n'abondent pas, mais pas du tout ce programme consacré aux alternatives de l'énergie fossilaire !
Pour être en cohérence avec ces déclarations, avec les engagements de la COP21, avec les recommandations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, pour être en adéquation et justifier a minima les insupportables taxes sur les carburants, c'est ce programme de recherche dans le secteur de l'énergie et de sa transition qui devrait être abondé.
Au lieu de cela, vous proposez une simple reconduction de ces crédits : l'Institut Français du pétrole énergies nouvelles, par exemple, est en danger avec des ressources mobilisées en baisse de 25 % depuis huit ans. Madame la ministre, quel avenir lui donnez-vous ? Pour le CEA, l'enveloppe prévue dans les nouvelles technologies baisse de 21 millions et celle consacrée à la recherche nucléaire civile augmente de 28 millions. Est-ce un signe de sagesse si le Gouvernement considère dans l'absolu le nécessaire maintien d'une recherche de pointe dans ce domaine, le nucléaire étant une voie de production d'énergie décarbonée, comme l'a rappelé récemment le GIEC ?
Concomitamment, le CEA a besoin de répondre aux acteurs du secteur des énergies décarbonées afin de verser effectivement les enveloppes allouées. Là encore, la nouvelle ventilation proposée pour 2019 des crédits alloués à la recherche dans l'énergie est bien loin des ambitions affichées par le Gouvernement en matière d'énergies alternatives.
La France et sa recherche doivent être au rendez-vous des défis posés par le dérèglement climatique avec, par exemple, l'appui aux nouvelles technologies d'hydrogène qui peuvent apporter des solutions pour le déploiement des énergies renouvelables et l'essor des mobilités durables. Nos voisins allemands consacrent près de dix fois plus de moyens à ce secteur.
Tout comme en agriculture, la recherche fondamentale doit être non seulement poursuivie mais renforcée afin de trouver les meilleures solutions pour les agriculteurs confrontés aux défis majeurs visant, en quelques années seulement, à révolutionner leurs méthodes culturales pour pouvoir s'adapter aux interdictions présentes ou à venir des produits phytopharmaceutiques.
À ce jour, toutes les solutions de substitution sont loin d'être au point ni, a fortiori, opérationnelles. Trop d'impasses techniques demeurent pour certaines cultures. Dans ce secteur, il n'en reste pas moins que ces recherches demandent du temps, des années, pour donner des résultats opérationnels et fiables. Le rapprochement entre l'IRSTEA, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, et l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, prévu le 1er janvier 2020, peut y concourir et améliorer la situation.
Vous l'avez compris : en raison de ces différents choix décevants, insuffisamment tournés vers les défis qui se posent à nous, je n'ai pas proposé l'adoption des crédits des programmes 172, 190 et 193. Pour être complet, je précise que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, après un riche débat, a suivi la trajectoire proposée par le Gouvernement.