Intervention de Sylvie Mennesson

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 18h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Sylvie Mennesson, co-présidente de l'association CLARA :

Je remercie toutes les personnes présentes et particulièrement M. Jean-Louis Touraine, qui nous a invitées. Je suis co-présidente de l'association CLARA et Mme Laurence Roques est mon avocate mais aussi la représentante du comité d'experts de notre association.

Créée en 2006, l'association CLARA a plus de 2 000 couples adhérents. On dénombre aujourd'hui en France plus de 2 500 enfants nés par GPA, dont les trois quarts sont issus de couples hétérosexuels et un quart de couples de même sexe. 99 % de ces enfants sont nés au Canada et aux États-Unis, 1 % seulement d'entre eux étant né dans un autre pays : contrairement à ce qu'on entend souvent, l'immense majorité de ces enfants sont donc nés dans des pays où la GPA est légale et encadrée.

Notre association a deux objectifs. Le premier est d'ouvrir un débat sur la légalisation de la GPA. Nous vous avons adressé un document intitulé Pour l'ouverture d'un véritable débat en France où sont résumées nos propositions pour la légalisation de la GPA. Pour cette audition, je n'évoquerai que la situation des enfants nés par GPA à l'étranger vivant sur le sol français. La reconnaissance des droits de ces enfants constitue pour nous une priorité et le Président de la République, lorsqu'il était candidat, s'est lui aussi déclaré favorable à l'amélioration de leur statut.

Les enfants vivant en France nés par GPA à l'étranger sont aujourd'hui discriminés car ils ont dans les registres français un état civil qui diffère de celui qui est le leur dans le pays où ils sont nés. Par conséquent, les démarches administratives qui les concernent dans leur vie quotidienne sont très compliquées pour leurs parents qui se trouvent soumis à l'arbitraire de l'administration. Dans le second document que notre association vous a transmis, vous trouverez un graphique comparant la situation des enfants nés à l'étranger qui ne sont pas suspectés d'être nés par GPA et celle, beaucoup plus complexe, des enfants né eux aussi à l'étranger mais dont les parents sont suspectés – c'est à dessein que j'emploie ce mot – d'avoir eu recours à la GPA. Notre association demande que tous les enfants nés à l'étranger soient systématiquement enregistrés sur les registres de l'état civil français pour que ceux soupçonnés d'être nés par GPA cessent d'être considérés dans notre pays comme des « enfants fantômes » et jouissent de tous leurs droits. Que l'intérêt supérieur de ces enfants soit véritablement respecté est aujourd'hui, pour nous, la principale urgence.

Certains jugent que les conséquences pratiques de l'absence de transcription, parce qu'elle n'est pas obligatoire, sont mineures. Tel n'est pas le cas. Une première conséquence grave est l'impossibilité de faire délivrer à l'enfant un passeport lui permettant de rentrer dans le pays de ses parents. En effet, si dans certains pays comme le Canada ou les États-Unis, le droit du sol s'applique de sorte que les enfants peuvent rentrer en France, dans ceux où il ne s'applique pas l'administration locale ne peut émettre de passeport pour les enfants.

Les parents de ces enfants rencontrent aussi des problèmes pour les inscriptions à la caisse d'allocations familiales et à la sécurité sociale et pour bénéficier des droits au congé post-natal ou parental, qu'ils ne parviennent quasiment jamais à obtenir, ce qui rend leur vie quotidienne très difficile durant cette période. D'autres difficultés surviennent lors de l'inscription des enfants à la crèche et à l'école, et peut-être en sera-t-il de même pour l'inscription des enfants devenus majeurs à l'université. Les impôts, en revanche, considèrent que les enfants existent et les prennent en compte. On peut encore mentionner les grandes difficultés auxquelles sont confrontés les parents de ces enfants lorsqu'ils demandent que leur soit délivré un certificat de nationalité française, une carte d'identité ou un passeport français. Toutes les préfectures qui ont fait obstruction à la délivrance de ces papiers d'identité ont été condamnées, mais certains parents ont préféré déménager plutôt que de demeurer dans une ville ou un département qui refusait de les leur délivrer.

La situation de ces enfants est encore plus grave en cas de divorce ou de décès des parents. Plusieurs cas dramatiques que nous avons dans l'association montrent qu'il leur est extrêmement difficile d'hériter du parent décédé. Enfin, alors que la loi prévoit une majoration de la retraite pour les personnes ayant des enfants, nous avons connaissance de plusieurs cas où la mère n'a pas eu droit à cette majoration. Ainsi, nous avons le sentiment que pour les administrations ces enfants ne sont pas vraiment français, voire qu'ils ne méritent pas d'être français ! Leurs familles se sentent en conséquence stigmatisées. Heureusement pour leurs enfants, il s'agit généralement de familles solides et aimantes, mais nous attendons de la révision de la loi relative à la bioéthique que les droits de ces enfants soient enfin reconnus. C'est pourquoi nous souhaitons que transcription de l'état civil des enfants nés par GPA soit systématique. Nous vous avons adressé des propositions d'amendement du texte actuel.

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