Intervention de Arthur Kermalvezen

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 18h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Arthur Kermalvezen, co-fondateur de l'association Origines :

Nous vous remercions pour votre invitation. Mon épouse Audrey et moi appartenons à la première génération de personnes conçues par don de gamètes et nous militons depuis plus de dix ans pour la reconnaissance du droit d'accès aux origines. Audrey est avocate spécialisée en droit de la bioéthique et elle est la première personne conçue grâce à un don de gamètes à avoir saisi la justice française sur la question de l'accès aux origines. Son affaire est actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l'homme. Nous avons fondé l'association Origines dans le but de promouvoir la procréation médicalement assistée (PMA) et défendre le droit à l'accès aux origines pour les personnes conçues grâce à une PMA avec don de gamètes.

En 2011, nous avions déjà été auditionnés dans le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique. Sept années plus tard, le contexte a totalement changé avec la mise en vente de tests ADN permettant de retrouver son donneur. C'est ainsi que j'ai rencontré l'hiver dernier mon donneur qui a été ravi d'avoir été retrouvé même si, de lui-même, il n'aurait peut-être pas entamé cette démarche. Si je suis le premier français à avoir retrouvé mes origines, je ne suis certainement pas le dernier. Les tests ADN ont donc totalement changé la donne en ce qui concerne la possibilité d'avoir accès à son origine. La phrase prononcée par Gisèle Halimi au procès de Bobigny – « Il vous appartient aujourd'hui de dire que l'ère d'un monde fini commence » – nous semble plus que jamais d'actualité, et nous sommes pour cette raison également favorables à la GPA éthique et à la PMA pour toutes les femmes, y compris les femmes célibataires. Si l'accès aux origines ne devait pas être reconnu dans la prochaine loi relative à la bioéthique, notre génération d'enfants nés par PMA avec dons de gamètes aura le sentiment de n'avoir pas même été le brouillon qui a permis l'évolution de la loi.

La France possède, pour les dons d'éléments et de produits du corps humain, des règles éthiques qui garantissent l'anonymat, la gratuité et la non-marchandisation du corps. Nous n'avons aucunement l'intention de les mettre en cause. En particulier, nous sommes favorables au maintien du principe d'anonymat entre donneur et receveur au moment du don. Nous demandons seulement la possibilité pour l'enfant de connaître ses origines à sa majorité. Nous appelons également votre attention sur le fait que ces grands principes ne sont pas indissociables, puisque certains États comme l'Espagne indemnisent largement les donneurs tout en appliquant le principe de l'anonymat absolu, alors que d'autres reconnaissent à l'enfant un droit d'accès à ses origines sans mettre en cause la gratuité du don. De surcroît, il arrive régulièrement en France que des dons d'organes ne soient pas anonymes, par exemple lorsqu'une femme donne un rein à son frère. Cependant, une profonde différence de nature existe entre ces dons, puisqu'un don d'organe n'implique que deux personnes, un donneur et un receveur, permet de sauver une vie, tandis que le don de gamètes crée une vie et fait naître une tierce personne. J'ajouterai que, pour nous autres enfants nés par PMA, notre donneur est constitutif du début de notre vie mais fait aussi partie de notre univers mental.

Le Comité consultatif national d'éthique et le Conseil d'État proposent de rendre possible la levée d'anonymat des futurs donneurs le souhaitant. Une telle mesure qui permettrait aux donneurs de refuser de se faire connaître nous paraît inadaptée en raison de l'évidente inégalité de traitement qu'elle créerait entre les enfants. Une fille pourrait ainsi savoir qui est son géniteur mais son frère, conçu avec un autre donneur, ne le pourrait pas car celui-ci refuserait que son identité soit dévoilée ! Avec les nouveaux tests ADN permettant de retrouver, les donneurs – dans mon cas, cela n'a pris que douze heures –, il est d'ailleurs impossible de garantir cet anonymat aux donneurs. Par respect pour eux, ne devront être acceptés à l'avenir comme donneurs que les personnes consentant à être identifiés dix-huit ans plus tard. Nous demandons ainsi que l'anonymat soit maintenu au moment du don mais que tous les donneurs s'engagent à faire connaître leur identité dix-huit ans plus tard. Les règles dérogatoires de filiation interdisant tout lien juridique entre le donneur et la personne issue de son don, par exemple en ce qui concerne les héritages, doivent par ailleurs absolument être maintenues.

Les exemples étrangers laissent à penser qu'une telle réforme entraînerait une modification du profil des donneurs mais que leur nombre resterait constant et serait même en hausse dans un second temps. Vous trouverez des statistiques sur les dons de gamètes en Suède, en Italie, au Royaume-Uni et en Finlande dans la documentation que nous vous avons fournie où nous faisons également d'autres propositions pour améliorer la législation en vigueur.

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